Emmanuel MOULIN |
Directeur général du Trésor |
Responsable du programme n° 110 : Aide économique et financière au développement |
Le programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en œuvre par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (MEFSIN), contribue aux côtés du programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement » mis en œuvre par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE) à la politique française d’investissement solidaire et durable (ISD). Les orientations de cette politique sont définies par les conclusions du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 17 juillet 2023 et la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (loi n° 2021-1031 du 4 août 2021).
Cette loi organise la politique de développement autour de cinq orientations majeures :
une concentration de l’aide française à destination des pays les moins avancés et selon des priorités thématiques claires : climat/biodiversité, égalité hommes-femmes, lutte contre les crises et fragilités, santé, éducation et sécurité alimentaire ;
une approche partenariale, l’efficacité de cette politique résidant dans la capacité à faire travailler ensemble tous les acteurs ;
un pilotage renforcé de cette politique avec une chaîne de décision et de responsabilité clarifiée ;
une exigence accrue de transparence et de redevabilité ;
un renforcement de l’évaluation pour accroître l’efficacité de l’aide française.
Les objectifs principaux de cette politique sont de réduire la pauvreté et de participer à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD), adoptés lors du sommet des Nations unies de septembre 2015. Elle s’inscrit également dans le cadre des principes internationaux sur le financement du développement, traduits en particulier dans le plan d’action d’Addis-Abeba de juillet 2015 sur le financement du développement. Afin d’allouer une aide mieux ciblée sur les priorités géographiques et sectorielles françaises et plus cohérente avec les autres politiques publiques, la politique française d’ISD s’inscrit dans une logique de partenariats et de valeurs partagées autour de 10 objectifs prioritaires :
Accélérer la sortie du charbon et financer les énergies renouvelables dans les pays en développement et émergents pour limiter le réchauffement climatique global à 5°C.
Protéger les réserves les plus vitales de carbone et de biodiversité, dans les forêts et l’Océan, pour préserver la planète ;
Investir dans la jeunesse en soutenant l’éducation et la formation des professeurs dans les pays en développement ;
Renforcer la résilience face aux risques sanitaires, y compris les pandémies, en investissant dans les systèmes de santé primaires et en appuyant la formation des soignants dans les pays fragiles ;
Promouvoir l’innovation et l’entreprenariat africain qui participent au destin partagé entre les jeunesses d’Europe et d’Afrique.
Mobiliser l’expertise et les financements privés et publics pour les infrastructures stratégiques, de qualité et durables dans les pays en développement ;
Renforcer la souveraineté alimentaire, notamment en Afrique ;
Soutenir partout les droits humains, la démocratie et lutter contre la désinformation ;
Promouvoir les droits des femmes et l’égalité femmes-hommes, notamment en soutenant les organisations féministes et les institutions de promotion des droits des femmes ;
Aider nos partenaires à lutter contre l’immigration irrégulière et les filières clandestines.
Ces objectifs visent à déployer une aide plus agile en soutenant plus efficacement les pays qui en ont le plus besoin, avec une concentration d’au moins 50 % de l’effort financier pour les pays les moins avancés, et une meilleure articulation avec la lutte contre le changement climatique.
Le programme 110, dont les crédits s’élèvent pour 2024 à 3,09 Md€ en AE et 2,34 Md€ en CP, traduit ces objectifs en trois actions, intégrant les spécificités économiques et financières de l’action du MEFSIN. Il intègre une part importante de contributions à des institutions multilatérales de développement (action 1 « Aide économique et financière multilatérale » pour 1 041,8 M€ en AE et 1 490,3 M€ de CP) ainsi que le financement des annulations de dette bilatérales et multilatérales, (action 3 « Traitement de la dette des pays pauvres » pour 113,5 M€ de CP). Il comprend également des crédits d’aide bilatérale (action 2 « Aide économique et financière bilatérale » pour 2 045,3 M€ en AE et 734 M€ en CP), en particulier des crédits de bonification visant à abaisser pour les pays emprunteurs le coût des prêts de l’Agence française de développement (AFD), axe important de l’aide bilatérale française.
Au niveau multilatéral, les principales contributions à des fonds généralistes concernent l’Association internationale de développement (AID) et le Fonds africain de développement (FAD), qui sont respectivement les guichets de financement concessionnel de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement. Elles incluent également des contributions à des fonds sectoriels liés au climat comme le Fonds vert pour le climat et le Fonds pour l’environnement mondial (FEM). Trois reconstitutions importantes de fonds multilatéraux feront l’objet de crédits importants en 2024, celles du Fonds asiatique de développement (FAsD), du Fonds multilatéral pour le protocole de Montréal (FMPM) et du Fonds international de développement agricole (FIDA). Le programme 110 portera également en 2024 l’accélération du financement au Fonds pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance du FMI, ainsi que la prise en charge des intérêts de l’aide macro-financière de l’Union Européenne accordée à l’Ukraine.
Sur le plan bilatéral, le programme contribue notamment à soutenir l’activité de prêts aux États étrangers de l’AFD par des crédits de bonification. Le coût de ces bonifications a fortement augmenté du fait de la hausse des taux d’intérêt. L’effort en faveur des pays les moins avancés passe aussi, pour des montants beaucoup plus réduits, par les aides budgétaires globales (ABG), qui visent à apporter un soutien budgétaire de stabilisation macroéconomique ou un appui aux stratégies nationales ou régionales de développement. À cela s’ajoute le financement de dispositifs de coopération technique permettant de renforcer les capacités des pays bénéficiaires de l’aide française en matière de gestion des finances publiques, de développement économique et d’intégration commerciale. Le MEFSIN contribue également à la mise en œuvre de nouvelles méthodes par le financement de dispositifs innovants de recherche et d’innovation dans le domaine du développement, ainsi qu’au renforcement de l’expertise française via le programme d’experts techniques internationaux.
Le programme intervient également pour le traitement de la dette des pays pauvres :
d’une part, dans un cadre bilatéral, en compensant à l’AFD les annulations de dettes décidées au sein du Club de Paris ;
d’autre part, en assurant l’engagement pris par la France en 2005 au G8 de Gleneagles de contribuer à la compensation à l’AID et au FAD des annulations de dettes décidées dans un cadre multilatéral.
En complément du programme 110, le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) finance certaines contributions multilatérales suivies par le MEFSIN : la contribution française à la Facilité internationale de financement pour la vaccination (IFFIm) de l’Alliance pour les vaccins GAVI et une partie de la contribution française au Fonds vert pour le climat.
La France veille à la complémentarité entre son action bilatérale et son action multilatérale, dans son rôle d’actionnaire, de financeur et de partenaire dans la mise en œuvre de projets conjoints. Il s’agit à la fois d’agir sur la définition des priorités et des stratégies au sein des institutions multilatérales, d’accroître la visibilité et la portée de l’aide bilatérale française et de toucher des secteurs ou des pays difficilement accessibles pour un bailleur intervenant seul. En tant que gouverneurs pour la France des banques multilatérales de développement (BMD), le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le directeur général du Trésor sont particulièrement impliqués dans la mise en œuvre de cette complémentarité.
Dans le contexte de hausse des moyens consacrés à l’aide publique au développement depuis 2017, la mise en place d’une politique ambitieuse d’évaluation apparaît cruciale. Deux axes de travail sont poursuivis :
L’évaluation de l’aide publique au développement en France repose à ce jour sur trois unités au sein du MEFSIN, du MEAE et de l’AFD. La loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a prévu la création d’une commission d’évaluation de l’aide publique au développement, placée auprès de la Cour des comptes.
La maquette et les objectifs du programme, refondus lors du PLF 2020 afin de mieux valoriser les priorités thématiques et géographiques du CICID, ont été enrichis d’indicateurs dédiés au suivi des priorités de politiques publiques telles que la santé ainsi qu’à l’efficience de l’aide sur le plan bilatéral.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Contribuer à la mise en œuvre des ODD, en concentrant l'aide sur les pays prioritaires et les priorités stratégiques françaises
Indicateur 1.1 : Part des ressources subventionnées des fonds multilatéraux qui sont affectées aux zones géographiques prioritaires
Indicateur 1.2 : Part, dans le coût pour l'Etat des prêts mis en œuvre par l'AFD, des coûts des prêts à destination des priorités géographiques du CICID
Indicateur 1.3 : Part des ressources subventionnées des fonds multilatéraux qui sont affectées aux priorités thématiques du CICID
Indicateur 1.4 : Part des prêts de l'AFD qui sont affectés aux priorités thématiques du CICID
Objectif 2 : Assurer une gestion efficace et rigoureuse des crédits octroyés à l'aide au développement
Indicateur 2.1 : Effet de levier de l'activité de prêts de l'AFD
Indicateur 2.2 : Capacité des fonds multilatéraux à mener avec succès des projets compatibles avec la réalisation de leurs objectifs de développement
Indicateur 2.3 : Frais de gestion du programme 110