Bilan stratégique du rapport annuel de performances |
Jean-Baptiste GOURDIN |
Directeur général des médias et des industries culturelles |
Responsable du programme n° 334 : Livre et industries culturelles |
Créé en loi de finances pour 2011, le programme 334 « Livre et industries culturelles » regroupe au sein de la mission
« Médias, livre et industries culturelles », les crédits spécifiquement attribués par l’État, d’une part, à la politique en faveur du livre et de la lecture (action 1) et, d’autre part, aux priorités du ministère de la culture en matière d’industries culturelles, et plus spécialement au secteur de la musique enregistrée (action 2), à l’exception de celles conduites par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), financées par taxes affectées.
Dans ces différents domaines, l’intervention publique vise à assurer la diversité et le renouvellement de la création, ainsi que sa diffusion auprès des publics les plus larges. Il s’agit là d’un enjeu de démocratie, car la richesse de la création et la capacité du public à y accéder et à y participer constituent l’une des clés de la cohésion de la société et, en son sein, de l’épanouissement de chacun.
S’agissant du livre et de la lecture, la politique de l’État consiste à favoriser le développement de la création littéraire, la diffusion du patrimoine écrit et des pratiques de lecture, à travers l’action des différents acteurs concernés : auteurs, éditeurs, libraires, collectivités, bibliothèques. Cette politique passe à la fois par la conservation et la valorisation des collections patrimoniales, en premier lieu celles dont l’État est propriétaire, par le développement de la lecture, à travers l’appui apporté au réseau des bibliothèques publiques et un soutien aux partenaires associatifs, et enfin par un ensemble d’actions en direction de l’économie du livre, avec pour finalité le maintien et la promotion de la diversité éditoriale.
Dans le secteur des industries culturelles, l’intervention publique n’a pas pour objectif de se substituer aux acteurs privés, vecteurs naturels de la création et garants de son originalité, mais d’assurer certains équilibres, notamment en termes de diversité et d’accès à l’offre, que les règles économiques du marché n’assurent pas à elles seules. Elle vise en particulier à faciliter l’accès des entrepreneurs des industries culturelles à l’ensemble des outils de développement économique à leur disposition.
Le contexte numérique appelle en tout état de cause une évolution des modalités de l’intervention publique, aussi bien en matière normative, qu’en termes de maintien d’un équilibre économique propice à la diversité de la création. Il s’agit par ailleurs de garantir, à travers le financement de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), la mise en œuvre de la réponse graduée.
En 2019, l’action publique en faveur de l’économie du livre a été particulièrement mobilisée autour des axes suivants.
Tout d’abord, les problématiques sociales et fiscales concernant les auteurs de l’écrit, et plus largement l’ensemble des artistes-auteurs, ont acquis une acuité forte à l’occasion de plusieurs échéances concomitantes propres à affecter directement les créateurs : relèvement de la CSG au 1er janvier 2018 (entièrement compensé pour les artistes-auteurs par la suppression de la cotisation à l’assurance maladie et, en l'absence de cotisation chômage, par une aide financière transitoire en 2018 et 2019, qui sera suivie à partir de 2020 d'un dispositif pérenne de prise en charge d'une fraction de la cotisation retraite des artistes-auteurs) ; poursuite des opérations de transfert à l’ACOSS de la fonction de recouvrement des cotisations et contributions sociales des artistes-auteurs ; préparation du système universel de retraite (discussions sur la réforme des retraites entre organisations professionnelles et Haut-commissariat à la réforme des retraites). Une large démarche de concertation a été poursuivie toute l’année, en particulier au sujet du dispositif des revenus accessoires, et la mission confiée à Bruno Racine sur l’auteur et l’acte de création a permis l’audition d’un grand nombre de représentants d’artistes-auteurs dans le but d’améliorer les conditions de la création en France.
Le comité de pilotage interministériel pour le développement d’une édition numérique nativement accessible a établi en 2018 un plan stratégique, décliné en plusieurs axes d’actions qui sont aujourd’hui mises en œuvre pour améliorer l’accès des personnes en situation de handicap à l’offre éditoriale, ceci dans la perspective de l’entrée en vigueur des exigences de la directive « Acte européen d’accessibilité » en 2025. Ce comité réunit, outre l’ensemble des administrations et établissements publics concernés, les organisations représentant les personnes handicapées ainsi que celles représentant les différents acteurs concernés de la chaîne du livre (éditeurs, libraires, bibliothécaires).
Le contexte européen a été marqué par l’adoption le 17 avril 2019 de la directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique (le secteur du livre étant particulièrement concerné par les dispositions relatives aux exceptions, ainsi que par celles ayant trait à la gestion collective) dont les travaux de transposition, déjà entamés, doivent aboutir avant juin 2021.
Enfin, un important dispositif d’étude autour de l’économie de la filière du livre à destination de la jeunesse a été élaboré en lien avec les organisations représentant les auteurs, les éditeurs et les libraires. Ce travail concerté, qui aboutira au second semestre 2020, permettra, sous réserve d’une participation suffisante des auteurs, des éditeurs et des libraires aux différentes enquêtes, d’apporter des éclairages sur le partage de la valeur au sein de ce segment éditorial, ainsi que sur les effets du phénomène de « surproduction ».
En matière de lecture publique, l’année 2019 a été marquée par le déploiement du Plan Bibliothèques, présenté par le gouvernement en avril 2018 à la suite du rapport d’Erik Orsenna et de Noël Corbin, inspecteur général des affaires culturelles. Ce programme d’actions gouvernemental décline deux objectifs : « ouvrir plus », à savoir élargir l’amplitude horaire d’ouverture des bibliothèques, et « offrir plus », c’est-à-dire étendre les missions des bibliothèques dans les champs culturel, éducatif, numérique et social, tout en accompagnant les professionnels dans cette transformation.
En 2019, grâce à la consolidation de l’abondement de 8 M€ des crédits du concours particulier « bibliothèques » au sein de la dotation générale de décentralisation, 144 nouveaux projets d’extension des horaires d’ouverture ont bénéficié du soutien de l’État, portant à 343 le nombre de projets actifs à la fin 2019. Ces 343 projets concernent 640 communes et ont permis une extension moyenne hebdomadaire de 8h30, qui bénéficie à 9,1 millions de Français vivant dans une commune dont au moins une bibliothèque a étendu ses horaires. Cet effort des collectivités territoriales et de l’État bénéficie à tous les territoires : 60 % des projets concernent des communes de moins de 10 000 habitants. Cet effort sera poursuivi en 2020 avec l’objectif d’accompagner au moins 400 projets et de toucher plus de 14 millions de Français d’ici la fin de cette année.
L’année 2019 a également permis de consolider la dynamique du volet « offrir plus » du Plan Bibliothèques en maintenant la progression des crédits dévolus à la diversification des missions des bibliothèques. Les crédits mobilisés à cette fin sur le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture », ont été consolidés en 2019 (+3M€), en particulier pour financer les dispositifs contractuels avec les collectivités territoriales, tels que les Contrats Départementaux Lecture Itinérance ou les contrats Territoire Lecture. Ces dispositifs contractuels permettent d’inscrire les bibliothèques au cœur des politiques d’inclusion sociale, numérique et culturelle : 52 % des CTL comportent au moins un quartier politique de la ville dans leur périmètre. Les premiers bénéficiaires de ces contrats sont les tout-petits, les jeunes, les personnes âgées et les personnes en situation de handicap.
L’année 2019 a permis la finalisation du décret réformant la partie réglementaire du Code du patrimoine (livre III relatif aux bibliothèques) qui est paru le 4 mars 2020.
Enfin, les travaux de réhabilitation (deuxième phase) du quadrilatère Richelieu de la Bibliothèque nationale de France se sont poursuivis en 2019, pour une livraison des espaces à l’automne 2021. La rénovation des espaces publics de la Bibliothèque publique d’information, confiée elle aussi à l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), débutera en 2021, l’année 2019 ayant permis d’achever les études préalables à la consultation des entreprises.
Pour sa troisième édition en janvier 2019, la « Nuit de la lecture » dans les bibliothèques et les librairies de l’ensemble du territoire a confirmé son succès avec près de 450 000 participants et 5 000 événements partout en France et dans 30 pays à travers le monde.
En matière de soutien aux industries culturelles, l’année 2019 a permis la consolidation des éditions régionales et internationales du forum « Entreprendre dans la culture » : l’événement s’est ainsi exporté à Mannheim en Allemagne, à Dakar au Sénégal, et à Montréal au Canada. Cette manifestation de promotion et de valorisation de l’entrepreneuriat culturel permet ainsi d’apporter des informations concrètes aux professionnels de la culture, ainsi qu’aux étudiants qui souhaiteraient entreprendre dans le secteur culturel, afin de les accompagner dans leur professionnalisation et le développement de leur structure. Le succès de la seconde édition de l’appel à projets dédié aux structures proposant des dispositifs d’accompagnement aux jeunes entreprises du champ culturel, et qui a distingué une trentaine d’entreprises réparties sur tout le territoire national, témoigne également du dynamisme de l’entrepreneuriat culturel dans notre pays.
L’année 2019 aura également été marquée par le lancement au mois de novembre des Etats généraux des industries culturelles et créatives, en lien avec le ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le ministère de l’Economie et des finances. Cette démarche vise à préparer l’installation en 2020 d’un Comité stratégique de filière, préalable à l’élaboration d’un contrat de filière.
Dans le champ plus spécifique du soutien au secteur de la musique enregistrée, le ministère de la Culture articule plusieurs dispositifs susceptibles de s’adapter aux différents besoins de la filière, afin de l’accompagner dans l’évolution des modes d’accès à la musique induits par les technologies numériques, et de promouvoir ainsi les objectifs de diversité culturelle dans l’ensemble de la production musicale.
L’instauration, par le décret n° 2016-1422 du 21 octobre 2016, de l’aide à l’innovation et à la transition numérique de la musique enregistrée contribue à l’adaptation des modèles économiques des PME et TPE du secteur aux nouveaux usages numériques. Ce dispositif, ouvert aux producteurs phonographiques indépendants, aux distributeurs, aux plates-formes de musique en ligne et à leurs intermédiaires techniques, permet de prendre en charge jusqu’à 30% (avec un plafond de 50 000 €) des dépenses liées à des projets d’innovation, de développement technologique, de structuration et d’adaptation de leurs outils productifs aux nouveaux usages. 52 projets ont bénéficié de ce dispositif en 2019, à hauteur de 1,46 M€.
La consolidation du soutien au Bureau export de la musique française, dont la subvention a été augmentée de 1,3 M€ en 2018 pour atteindre 2,64 M€, et maintenue à ce niveau en 2019, a donné un signal politique fort à la filière musicale, dans un environnement au sein duquel le développement à l’export constitue une condition fondamentale de son équilibre économique et l’un des vecteurs majeurs de son développement.
Enfin, la prorogation de l’aide à l’emploi dans l’édition phonographique, instaurée par le décret n° 2017-1046 du 10 mai 2017 et prévue dans le cadre du dispositif du Fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS), a permis en 2019 d’aider 176 projets d’enregistrements au sein des entreprises phonographiques œuvrant pour la diversité musicale.
Sur le plan de la structuration de la filière musicale, la mission de préfiguration du Centre national de la Musique confiée par le Premier ministre aux députés Émilie Cariou et Pascal Bois a rendu son rapport en janvier 2019. Ces travaux se sont concrétisés par l’adoption de la loi du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique (CNM), nouvel organisme créé au 1er janvier 2020, sous la forme d’un établissement public à caractère industriel et commercial. L’objectif de ce centre est de rassembler la filière musicale et de mieux répondre aux enjeux de diversité culturelle, de soutien économique, de développement international et d’action territoriale, dans une logique d’intérêt général. Il est destiné à regrouper, sur la base du volontariat, outre le Centre national de la Chanson, des Variétés et du Jazz (CNV) auquel il se substitue, les organismes d’intérêts général de la filière de statut associatif (FCM - Fonds pour la création musicale, Burex - Bureau export de la musique française, IRMA - Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles, CALIF - Club action des labels et disquaires indépendants français), ainsi que les dispositifs d’aides et leviers d’actions afférents. Parallèlement aux travaux législatifs, l’année 2019 aura permis la constitution d’un comité opérationnel regroupant auprès du ministère de la culture les représentants de ces différentes structures, afin de définir la gouvernance et l’organisation administrative du CNM, et pour élaborer ses modalités de fonctionnement sur les plans juridiques, budgétaires, sociaux, informatiques et immobiliers. Ces travaux ont vocation à se poursuivre au premier semestre 2020, à l’issue duquel les organismes associatifs devraient prononcer leur dissolution, afin de parvenir à la mise en place opérationnelle complète de l’établissement.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance |
Objectif 1 |
Favoriser l'accès du public aux bibliothèques et le développement de la lecture |
Indicateur 1.1 |
Fréquentation des bibliothèques |
Indicateur 1.2 |
Amélioration de l'accès au document écrit |
Objectif 2 |
Soutenir la création et la diffusion du livre |
Indicateur 2.1 |
Renouvellement de la création éditoriale |
Indicateur 2.2 |
Part de marché des librairies indépendantes |