Présentation stratégique du projet annuel de performances |
Bernard LARROUTUROU |
Directeur général de la recherche et de l'innovation |
Responsable du programme n° 193 : Recherche spatiale |
Le programme « Recherche spatiale » a pour finalité d’assurer à la France et à l’Europe la maîtrise des technologies et des systèmes spatiaux nécessaires pour faire face aux défis de recherche scientifique, de sécurité, de développement économique, d’aménagement du territoire ou encore d’environnement qui se posent ou qui sont susceptibles de se poser à elles. La stratégie du programme est mise en œuvre pour l’essentiel par son opérateur principal, le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES), dans le cadre du contrat pluriannuel d’objectifs et de performance État-CNES « Innovation & Inspiration » signé le 15 décembre 2015 avec ses ministères de tutelle. Elle est résolument tournée vers :
· l’essor économique d’un secteur porteur de croissance et créateur d’emplois en utilisant le levier de l’international pour soutenir le développement des entreprises françaises ;
· l’innovation permettant de relever le défi de la compétitivité ;
· le développement de l’usage du spatial au service du citoyen, de la société et de l’État, en apportant, grâce aux solutions satellitaires, des réponses de plus en plus efficaces et nombreuses aux enjeux de notre société et aux besoins régaliens ;
· l’amélioration de la connaissance, sur les grandes questions scientifiques en sciences de l’Univers et sur le fonctionnement du système terrestre, notamment pour la compréhension et le suivi du réchauffement climatique. A cet égard, l’amélioration du contenu des données, de leur traitement et de la diffusion de produits assimilables est majeure.
Le programme 193 finance également la contribution française à l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (Eumetsat), qui développe et opère une flotte de satellites météorologiques européens en orbite géostationnaire (Meteosat) et en orbite polaire (Metop et EPS), les exploite et en diffuse les résultats. Par ailleurs, les techniques spatiales étant fortement duales, la coopération avec le ministère des armées est particulièrement importante ; le CNES est ainsi également subventionné par le programme 191, en étroite coordination avec le 193.
Malgré le rôle de plus en plus important des investisseurs privés dans le secteur spatial, la contribution directe ou indirecte des États au financement des programmes et systèmes spatiaux reste essentielle. Les utilisations commerciales, bien qu’indispensables, ne suffisent en général pas à couvrir l’ensemble des coûts de développement, de déploiement et d’opération. Dès lors, les orientations retenues par la puissance publique en matière de recherche spatiale sont primordiales.
Le programme multilatéral du CNES tel qu’il figure au contrat d’objectifs et de performance vise également à développer des technologies en soutien à l’industrie française à l’exportation, à accompagner la politique étrangère française et à contribuer au rayonnement de la France dans le domaine spatial. Pour identifier les priorités stratégiques de la filière spatiale française tout en optimisant l’investissement public dans ce secteur, le Comité de concertation État-industrie sur l’Espace (COSPACE) rassemble les représentants des ministères concernés, les communautés scientifiques, le CNES, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), les industriels (des maîtres d’œuvre jusqu’aux PME et aux startups), les opérateurs et les fournisseurs de services.
L’industrie spatiale européenne s’est fortement structurée ces dernières années avec l’émergence d’un maître d’œuvre principal pour les lanceurs (ArianeGroup, alliance d’Airbus et du motoriste Safrandont la filiale Arianespace est l’opérateur des lancements depuis le Centre Spatial Guyanais), et de trois maîtres d’œuvre concurrents (Airbus Defence & Space (ADS), Thales Alenia Space (TAS) et l’allemand OHB - Orbitale Hochtechnologie Bremen) pour les systèmes satellitaires. Aussi les agences spatiales ont surtout vocation à assurer la maîtrise d’ouvrage des programmes, la préparation du futur et le soutien à l’excellence technique, en veillant à ce que l’industrie reste à la fois compétitive, innovante et compétente. L’intensité de la concurrence portée par des industriels américains soutenus par la puissance publique au moyen de commandes et d’aides au développement et l’émergence de puissances spatiales, autrefois peu ouvertes à l’exportation, telles que la Chine, l’Inde, le Japon ou Israël, plaident en faveur d’un soutien pérenne de l’État à l’industrie spatiale. C’est plus particulièrement le cas pour le secteur des télécommunications, où les industriels français sont parmi les leaders mondiaux et font l’objet d’une très forte compétition internationale (USA, Royaume-Uni et Allemagne) alors que l’on connaît depuis quelques années un ralentissement de la demande de satellites traditionnels en orbite géostationnaire. Il faut en effet rappeler que la France réalise plus de la moitié de son chiffre d’affaires sur le marché concurrentiel privé, alors que les autres industriels européens et internationaux sont davantage tournés vers leur marché institutionnel. Cette particularité française, qui permet de maintenir une industrie performante et compétitive de la manière la plus efficiente possible pour l’État (comme soutien et comme utilisateur) doit être préservée. Enfin, l’émergence de nouveaux modèles économiques qui encouragent la diffusion gratuite de données et les projets de méga-constellations en orbite basse, tant pour les télécoms que pour l’observation de la Terre, bouleversent les équilibres traditionnels : les pouvoirs publics doivent assurer un suivi vigilant de ces évolutions.
Les programmes engagés dans le cadre de l’Agence spatiale européenne (ESA) et du programme d’Investissements d’avenir (PIA) relatifs à la nouvelle génération de satellites de télécommunications utilisant une propulsion tout électrique se poursuivent. L’objectif est de renforcer l’industrie française et européenne face à ses concurrents transatlantiques. L’État et l’industrie ont engagé des projets ambitieux de développement de plates-formes géostationnaires de nouvelle génération, optimisées pour la propulsion-électrique (NEOSAT, satellite à propulsion électrique), de développement des charges utiles Internet très haut débit (THD) et du segment sol associé très haut débit par satellite (THD-SAT), de développement des processeurs numériques, de communications optiques et d’autres technologies permettant d’intégrer une dose de flexibilité dans des satellites Internet qui, de 2010 à 2020, devraient passer de 50 à 500 Gigabits par seconde (Gbps) de capacité totale. Ce sont déjà 16 satellites issus des filières NEOSAT et autres filières de satellites tout électriques qui ont été vendus par TAS et ADS. On peut notamment citer en 2018 la commande de l’opérateur Eutelsat à Thales Alenia Space d’un système satellitaire de dernière génération d’une capacité de 500 Gbps baptisé KONNECT VHTS (Very High Throughput Satellite ou satellites de télécommunications de très grande capacité ), qui permettra de répondre aux objectifs du plan gouvernemental France ‘Très haut débit’ en connectant dès 2022 plus de 300 000 foyers des zones blanches de métropole.
L’État suit également avec attention le développement des projets de constellations notamment destinées à Internet, l’industrie française étant impliquée dans les constellations Iridium, Globalstar, OneWeb, Leosat et Telesat. Compte tenu de la multiplication de ces projets et de la pression de plus en plus forte des opérateurs terrestres mobiles avec en particulier une 5G qui se développe. Il est nécessaire de protéger les fréquences déjà utilisées par le secteur spatial, que ce soit pour les besoins satellitaires ou pour les fréquences de radioastronomie. En cela, l’État doit être particulièrement vigilant sur l’impact des décisions qui seront prises lors de la Conférence mondiale des radiofréquences en novembre 2019.
C’est à l’échelle européenne que peut être définie une politique spatiale d’envergure. Historiquement, la maîtrise d’ouvrage des programmes spatiaux européens était assurée par l’Agence spatiale européenne (ESA) ou Eumetsat. L’Union européenne (UE), qui finance Copernicus, Galileo et le programme cadre de recherche « Horizon 2020 » (Horizon Europe à partir de 2021), avec l’appui de l’ESA pour le développement, joue désormais un rôle majeur dans ce domaine. L’UE a rédigé un projet de règlement spatial européen qui s’imposera à tous les États membres à partir de 2021. La France a joué un rôle moteur dans la rédaction de ce texte pour y défendre ses intérêts. En outre, le prochain cadre financier pluriannuel de l’UE, couvrant la période 2021-2027 etdevrait être voté en 2019, permettra la montée en puissance des programmes Copernicus (7 satellites en orbite depuis mi-2018) et sera complété fin 2020 par Sentinel 6A (Jason-CS, topographie des océans), EGNOS et Galileo (26 satellites en orbite depuis juillet 2018 et premiers services opérationnels depuis fin 2016), ainsi que le lancement de nouveaux programmes portant sur la surveillance de l’espace ou les communications gouvernementales par satellite (GovSatCom).
La stratégie spatiale française en Europe est définie en cohérence avec les résolutions prises par les ministres européens lors des différentes réunions du Conseil espace conjoint à l’UE et l’ESA. Elle s’exprime à l’occasion des Conseils ministériels de l’ESA dont le prochain aura lieu fin novembre 2019 à Séville. Ce Conseil ministériel (SPACE 19+) de l’ESA déterminera les engagements de la France pour les 3 prochaines années en terme de soutien stratégique pour le domaine des lanceurs (en particulier Ariane 6, programme engagé par l’ESA en 2014 et confirmé en 2016 avec un premier vol prévu fin 2020) aussi bien que pour les activités des industriels français sur les systèmes orbitaux (sciences, exploration, télécommunications, observation de la Terre, etc.).
La France est le premier contributeur à l’ESA sur les programmes lanceurs mais seulement le troisième dans le domaine des satellites derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni, ce qui peut constituer une menace à terme pour l’industrie française. Alternativement, certains programmes spatiaux ambitieux sont développés en coopération bilatérale directe entre le CNES et la NASA (exploration martienne, par exemple) ou d’autres partenaires étrangers (Chine, Inde, Japon, etc.), ou en coopération entre l’ESA et des grands partenaires non européens (NASA, Roscosmos).
Enfin, le développement des applications spatiales et des services est stratégique pour la filière des infrastructures spatiales en raison de son impact sur la croissance du marché des satellites et des lanceurs. Le secteur aval commence à se développer mais peine encore à construire des modèles économiques viables. Le CNES a déjà noué plusieurs accords de partenariats avec des acteurs industriels, comme la SNCF, avec des instituts fédérant des filières, comme VEDECOM pour l’automobile, mais aussi avec des régions utilisatrices de services spatiaux. Il a déployé des efforts pour mettre en place des outils d’aide à la diffusion et à l’utilisation des capacités et données spatiales au travers de l’initiative « Connect by CNES ». En complément, le COSPACE accompagne sept dispositifs régionaux d’accélération de projets appelés « boosters » qui regroupent des acteurs du spatial, du numérique et des domaines applicatifs. Ces structures, portées par des pôles de compétitivité, ont pour mission de faire émerger des projets innovants valorisant les données spatiales grâce aux technologies numériques, de créer un environnement favorable au rapprochement des acteurs de différents secteurs et d’accompagner les entreprises qui développent et commercialisent ces nouveaux services. En plus d’une présence à Station F, campus de startups, le CNES a également été retenu par BPI-France comme tête de file d’un consortium apporteur d’affaires pour le fonds d’investissement « French Tech Seed » afin de compléter cet effort de soutien à un nouvel écosystème.
Récapitulation des objectifs et indicateurs de performance |
Objectif | Intensifier le rayonnement international de la recherche et de la technologie spatiales françaises |
Indicateur | Production scientifique des opérateurs du programme |
Indicateur | Chiffre d'affaires à l'export de l'industrie spatiale française rapporté aux investissements des cinq dernières années |
Objectif | Garantir à la France et à l'Europe un accès à l'espace libre, compétitif et fiable |
Indicateur | Part du marché « ouvert » des lancements de satellites prise par Arianespace |
Indicateur | Coût moyen du lancement de satellites par le lanceur Ariane 5 |
Objectif | Maîtriser les technologies et les coûts dans le domaine spatial |
Indicateur | Tenue des coûts, des délais et des performances pour les 10 projets phares du CNES |
Objectif | Intensifier les efforts de valorisation de la recherche spatiale dans le but de répondre aux attentes de la société |
Indicateur | Nombre d'instruments spatiaux développés ou co-développés par la France utilisés à des fins applicatives |
Objectif | Parfaire l'intégration européenne de la recherche spatiale française |
Indicateur | Taux de présence des projets européens dans les projets financés par le CNES |