Présentation stratégique du projet annuel de performances |
Emmanuel BARBE |
Délégué à la sécurité routière |
Responsable du programme n° 207 : Sécurité et éducation routières |
Le programme 207 a pour finalité de lutter contre l’insécurité routière et donc de réduire le nombre de personnes tuées et blessées sur les routes de France. Il répond à plusieurs enjeux :
un enjeu humain lié à la souffrance engendrée par la perte ou le handicap d’un proche, sachant que pour 1 personne tuée sur les routes, on estime à 7 celles qui sont gravement blessées ;
un enjeu social lié à la disparition d’une partie des forces vives de la société, notamment les jeunes adultes ;
un enjeu économique, le coût total de l’insécurité routière étant estimé à 33,4 milliards d’euros en 2018 (La sécurité routière en France, bilan de l'accidentalité de l'année 2018, ONISR, p. 23).
Le délégué à la sécurité routière, responsable du programme 207, est le chef de file de l’action des différents services de l’État dans leur lutte contre l’insécurité routière. Par définition, cette politique publique est de long terme et à forte dimension interministérielle car elle implique d’agir sur différents vecteurs (comportements, routes, équipements,). Elle est d’ailleurs décrite dans un document de politique transversale spécifique (DPT sécurité routière) qui retrace les contributions des services de l’Etat.
Les orientations en matière de lutte contre l’insécurité routière, sont notamment fixées par le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR).
Afin d’éclairer leurs décisions, les pouvoirs publics et le CISR bénéficient des travaux conduits dans le cadre du Conseil national de sécurité routière (CNSR). Cette instance qui regroupe des acteurs privés, publics et associatifs œuvrant en matière de sécurité routière a été renouvelée en 2017.
Dans sa nouvelle configuration, le CNSR dispose de 4 commissions (usagers vulnérables, éducation routière et risque routier professionnel, véhicules- technologies innovantes- infrastructures, santé et déplacements sur la route). Il peut s’appuyer sur un Comité des experts pour examiner des problématiques spécifiques.
Par ailleurs, les pouvoirs publics disposent également de l’Observatoire national interministériel de sécurité routière (ONISR). Il s’agit d’un organisme indépendant qui collecte et analyse toute donnée liée à l’accidentalité.
Bilan 2018 de l’accidentalité
3 488 personnes ont perdu la vie sur les routes de France en 2018 (- 5,3 % par rapport à 2017), dont 3 248 en France métropolitaine (- 5,8 %) et 240 dans les Outre-mer (+ 1,7 %). La mortalité a fortement baissé avec 196 décès de moins par rapport à 2017. C’est le nombre de décès le moins élevé jamais enregistré sur les routes de France, soit 7 de moins qu’en 2013, année record.
La France (métropole + Outre-mer) est au 14ème rang de l’Union européenne : 52 personnes ont été tuées par million d’habitants. Ce taux est de 50 en métropole et de 87 en Outre-mer. En métropole sur la période 2014-2018, seuls 32 départements sont en-dessous de la moyenne nationale. La mortalité rapportée au trafic (en milliards de km parcourus par les véhicules) diminue et s’établit pour la France métropolitaine à 5,4 en 2018. Elle est cette année à un minimum historique jamais atteint.
Le fichier national des accidents corporels (BAAC) enregistre 73 253 personnes blessées, dont 69 887 en métropole (- 4,8 % par rapport à 2017) et 3 366 dans les Outre-mer (- 2,6 %).
Les années 2016 à 2018 ont été consacrées à la traduction effective des mesures actées dans le plan d’action de la sécurité routière de janvier 2015 ou décidées lors du Comité interministériel de la sécurité routière des 2 octobre 2015 et 9 janvier 2018.
A ce jour, la plus grande partie des mesures du plan gouvernemental de janvier 2015 a été mise en œuvre : elles concernent notamment l’abaissement du taux d’alcoolémie pour les conducteurs novices, l’interdiction du port de tout écouteur au volant ou au guidon, le renforcement de la protection des usagers les plus vulnérables, l’observation de la diminution de la vitesse maximale autorisée sur des routes bidirectionnelles, l’expérimentation du double prélèvement salivaire en matière de contrôle de l’usage des stupéfiants, ou l’amélioration de la signalisation (support de panneaux « fusibles »).
Parallèlement, l’essentiel des mesures décidées par le CISR du 2 octobre 2015 est aujourd’hui mis en œuvre. Sont en particulier concernés la refonte de la stratégie radar, le renforcement de la lutte contre les conduites addictives et les comportements dangereux, la protection des usagers vulnérables (cyclistes, deux-roues motorisé) mais également l’adaptation des outils à disposition de la sécurité routière aux nouvelles technologies.
Dans un contexte d’ augmentation de la mortalité routière entre 2014 et 2015, après 12 années de baisse continue, le CISR a de nouveau été réuni par le Premier ministre le 9 janvier 2018, en présence de 10 ministres et secrétaires d’Etat, ce qui témoigne de l’engagement de l’ensemble du Gouvernement pour lutter contre l’insécurité routière.
Le CISR du 9 janvier 2018 a retenu 18 mesures qui s’articulent essentiellement autour de deux axes majeurs :
L’engagement de chaque citoyen en faveur de la sécurité routière
La sécurité routière concerne chacun et le CISR a l’ambition de mobiliser le plus grand nombre possible de citoyens et d’acteurs de la vie publique en faveur de la sécurité routière : jeunes, étudiants, seniors, partenaires sociaux, agents de l’Etat, etc.
Depuis 2016, les entreprises se mobilisent contre le risque routier professionnel. : chaque année, les accidents routiers professionnels (qu’ils soient effectués lors de trajet professionnel ou liés à des déplacements des missions professionnelles occasionnelles) sont la première cause de mortalité au travail. En 2018, ce sont 482 (contre 480 en 2017) personnes qui ont été tuées lors d’un déplacement lié au travail dont 335 (346 en 2017) lors d’un trajet domicile-travail et 147 (134 en 2017) lors d’un déplacement réalisé dans l’exercice d’une mission professionnelle. Dans le cadre de sa politique de sensibilisation du monde professionnel à ce risque, la DSR a mobilisé plus de 1 270 entreprises représentant plus de 3 millions de salariés autour de l’Appel national « 7 engagements pour une route plus sûre ». Parallèlement, depuis le 1er janvier 2017, les employeurs sont tenus de désigner tout conducteur, salarié ou non, auteur d’une infraction routière commise au moyen d’un de leurs véhicules d’entreprise et sont sanctionnés d’une amende le cas échéant si cette désignation n’est pas réalisée.
Au niveau local, la mobilisation s’effectue sous la responsabilité du préfet de département qui préside le comité départemental de sécurité routière et coordonne les services de l’Etat. Son action est facilitée par la mise en place d’un nouveau document général d’orientations (DGO) pour la période 2018-2022 sur la base des orientations définies au niveau national (risque routier professionnel, conduite sous l’emprise de l’alcool et des stupéfiants, public jeunes et publics séniors) et complétées en fonction des enjeux locaux. Co-signé par l’État et les collectivités territoriales, ce document définit les orientations locales et traduit la mobilisation des acteurs en faveur de la sécurité routière pour quatre ans. A partir de ce document, est élaboré annuellement le plan départemental d’actions de sécurité routière (PDASR) pour le volet sensibilisation, prévention et communication. Ce plan bénéficie dans le cadre d’un dialogue de gestion biannuel de moyens budgétaires au titre du programme 207. Est également élaboré le plan départemental des contrôles routiers (PDCR) qui a vocation à guider et à optimiser l’action des forces de l’ordre dans leur mission de contrôle de l’application du code de la route par les usagers et de constatation des infractions et délits routiers.
Protéger l’ensemble des usagers de la route
Réduction de la vitesse maximale autorisée sur certaines routes. La vitesse excessive ou inadaptée aux circonstances est présente en 2018 dans 27 % des accidents (en causes multiples). Cette proportion est plus élevée que la moyenne chez les conducteurs de deux-roues motorisés (45 %). La réduction de 90 km/h à 80 km/h des vitesses maximales autorisées sur les routes à double-sens sans séparateur central est entrée en application le 1er juillet 2018 et sera évaluée durant deux ans.
L’évaluation de cette mesure a été confiée par la délégation à la sécurité routière, au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), en lien avec l’ONISR et l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar). Un point d’étape est réalisé dans le rapport « Abaissement de la vitesse maximale autorisée à 80 km/h – Évaluation 12 mois, Cerema juillet 2019 ».
Un an après la mise en œuvre de la mesure, les estimations montrent que 206 vies ont été épargnées sur le réseau hors agglomération hors autoroutes, alors que le reste du réseau enregistre 37 tués de plus,
Lutter contre la conduite sous l’emprise de l’alcool. L’alcool constitue une des premières causes de mortalité sur la route. Dans 30 % des accidents mortels, un conducteur est alcoolisé. Cette part est stable depuis 2000 et monte à 50 % la nuit. D’une part, le premier objectif du CISR du 9 janvier 2018 est d’inciter tous les usagers de la route à l’auto évaluation de leur taux d’alcoolémie afin de leur permettre d’objectiver leur aptitude ou non à la conduite. D’autre part, le CISR rend obligatoire la pose d’un éthylotest anti-démarrage avec suivi médico-psychologique en cas de récidive d’infraction de conduite en état alcoolique. Par ailleurs, la conduite sous stupéfiants est également une cause majeure de mortalité routière. En 2018, elle a concerné 23 % des personnes tuées dans les accidents où l’information stupéfiants est connue. Depuis 2017, le contrôle de la conduite sous l’emprise des stupéfiants est désormais facilité par l’usage d’un prélèvement salivaire sans recours à une prise de sang.
Mieux faire respecter l’interdiction de la tenue en main du téléphone pendant la conduite. Une communication téléphonique multiplie par trois le risque d’accident matériel ou corporel et, selon l’expertise collective Ifsttar‑Inserm, près d’un accident corporel de la route sur dix serait lié à l’utilisation du téléphone en conduisant.
A l’avenir, comme prévu dans un article de la Loi dite « LOM » (Loi d’Orientation des Mobilités), les forces de l’ordre pourront retenir le permis de conduire d’une personne sanctionnée pour conduite avec usage de téléphone tenu en main dès lors qu’en même temps est commise une infraction menaçant la vie d’autrui.
Protéger les piétons. En 2018, les accidents ont provoqué la mort de 470 piétons, soit 14 % de la mortalité routière. La moitié des piétons tués a 65 ans ou plus ; ces derniers décèdent pour 88 % en agglomération. Les trois quarts des piétons tués de 18 à 44 ans le sont de nuit hors agglomération. La mortalité des piétons et le vieillissement de la population nécessitent une adaptation des infrastructures routières. La visibilité des piétons pourra être améliorée en aménageant les abords immédiats des passages piétons, notamment par la matérialisation d’une ligne d’effet des passages piétons en amont de ceux-ci qui indique aux véhicules l’endroit où ils doivent s’arrêter. La protection des piétons mal ou non-voyants sera renforcée par une optimisation des dispositifs sonores ou tactiles associés aux feux-rouges.
En outre, sont récemment apparus dans l’espace public, des engins de déplacement personnels (EDP) motorisés comme les trottinettes électriques, monoroues, gyropodes,etc. Un décret est actuellement en cours de finalisation pour donner un cadre juridique aux EDP motorisés et interdire leur utilisation sur les trottoirs.
Accompagner le développement de la pratique du vélo en toute sécurité. En 2018, 175 cyclistes ont été tués dans un accident de la route. Ce chiffre est stable par rapport à 2017 (+ 2 tués). La mortalité est en augmentation depuis 2015 (149 tués). En 2018, les cyclistes représentent 5 % de la mortalité routière.
Il convient de sensibiliser deux publics différents, jeunes et adultes, à une pratique sûre du vélo et préconiser le port du casque.
Protéger et responsabiliser les usagers de deux-roues motorisés. En 2018, les usagers des deux-roues motorisés (cyclomotoristes et motocyclistes) représentent 23 % de la mortalité routière pour seulement 2 % du trafic. Il est donc indispensable de continuer à améliorer la pratique du motocyclisme, en agissant à la fois sur la formation, l’équipement (encourager le port des bottes et d’une protection gonflable thorax/abdomen) et sur la visibilité (autoriser l’allumage de jour des feux antibrouillard).
Le Conseil national de la sécurité routière (CNSR) s’est réuni le 9 juillet 2019 en séance plénière. A cette occasion, le ministre de l’Intérieur a souligné le bon avancement de la mise en œuvre des 18 mesures décidées par le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du 9 janvier 2018.
Ainsi, la plupart des mesures du CISR impliquant l’adoption d’une disposition législative sont intégrées au projet de loi d’orientation des mobilités (LOM). Il s’agit notamment de l’invisibilité temporaire de certains contrôles routiers par les forces de l’ordre sur les applications communautaires d’aide à la conduite ou de la suspension du permis de conduire en cas d’infraction commise en même temps que l’usage du téléphone portable tenu en main.
Cette future loi offrira également aux présidents de Conseil départemental, aux présidents d’intercommunalité et aux maires, la possibilité de relever sur certaines portions de leur domaine routier la vitesse maximale à 90 km/h.
En ce qui concerne l’éducation routière, une réforme a été engagée en 2019 pour offrir un meilleur accès à un permis de conduire moins cher. Cette réforme qui s’articule autour de dix mesures vise à moderniser l’apprentissage de la conduite, le choix de l’auto‑école et l’inscription à l’examen de conduite. Le 22 juillet 2019, sont entrées en application, les trois premières mesures : le passage de l’épreuve pratique à 17 ans, le développement de la formation sur simulateur de conduite et la conversion facilitée du permis « boîte automatique » en permis classique.
Que ces mesures et dispositifs relèvent de la sécurité routière ou concernent l’éducation routière, ils sont financés par le programme 207. A cette fin, celui-ci est structuré en trois actions :
l’action n° 01 « Observation, prospective, réglementation et soutien au programme » porte les crédits nécessaires à la réalisation d’études et d’expérimentations concernant les risques relatifs à l’insécurité routière, la diffusion de l’information et des recommandations utiles vers le public ainsi que l’évaluation de l’efficacité des actions menées ;
l’action n° 02 « Démarches interministérielles et communication » regroupe les crédits de communication vers le public par des actions de sensibilisation et de mobilisation, d’animation et d’évaluation de la politique interministérielle de sécurité routière et de pilotage des évolutions de la réglementation routière ;
l’action n° 03 « Éducation routière » permet le financement de la formation à la sécurité routière pour l’ensemble de nos concitoyens (épreuves du permis de conduire, permis probatoire, enseignements et attestations délivrés en milieu scolaire…).
Récapitulation des objectifs et indicateurs de performance |
Objectif | Mobiliser l'ensemble de la société sur la sécurité routière pour réduire le nombre d'accidents et de tués sur les routes |
Indicateur | Nombre annuel des tués (France métropolitaine et départements d'outre-mer) |
Objectif | Améliorer le service du permis de conduire dans le cadre du développement de l'éducation routière tout au long de la vie |
Indicateur | Délai d'attente médian aux examens et coût unitaire d'obtention du permis de conduire |