Bilan stratégique du rapport annuel de performances |
Jean-François Hebert |
Directeur général des patrimoines et de l'architecture |
Responsable du programme n° 175 : Patrimoines |
Précisions sur le changement de responsable du programme
Sur proposition de Roselyne BACHELOT-NARQUIN, ministre de la Culture, Jean-François HEBERT, a été nommé directeur général des patrimoines et de l'architecture, en remplacement de Philippe BARBAT, par un décret en conseil des ministres du 17 février 2021, publié le lendemain au journal officiel.
Le programme 175 « Patrimoines » finance les politiques publiques destinées à constituer, préserver, enrichir, mettre en valeur et rendre accessible au public le plus large, le patrimoine dans toutes ses composantes, matériel et immatériel, muséal, monumental, urbain, paysager, archéologique comme archivistique, ainsi que l’architecture. L’ensemble des services et établissements concernés par le programme (administration centrale, services déconcentrés, services à compétence nationale et opérateurs) contribue à la réalisation de ces objectifs.
L’année 2020 a été marquée par la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 entrainant des conséquences économiques et sociales majeures. Pour éviter l’effondrement du secteur de l’architecture et des patrimoines, un plan de relance et des mesures de soutien en gestion 2020, dont l’ensemble se chiffre à près de 700 millions d’euros sont déployés pour permettre à tous les acteurs publics et privés de préserver leurs activités en 2020 et surtout en 2021. Dans ce contexte, le ministère de la Culture a par ailleurs poursuivi son action et accordé une attention constante à l’ensemble des chantiers de la politique patrimoniale.
1. Une mobilisation d’une ampleur inédite pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire sur le secteur du patrimoine et de l’architecture
Comme de nombreux secteurs, celui du patrimoine et de l’architecture a été durement affecté par la crise. Une étude menée par le ministère de la Culture chiffre la baisse d’activité des filières économiques du patrimoine et de l’architecture à -30% sur l’année 2020. Les professions de la filière patrimoniale, dont le savoir-faire est reconnu à l’international, sont fragilisées, de même que les structures publiques comme privées qui irriguent les territoires de leur savoir-faire. La crise sanitaire a conduit à la fermeture des institutions patrimoniales et architecturales pendant près de six mois. Leur fréquentation enregistre une chute spectaculaire de 70% par rapport à 2019. Le modèle économique des opérateurs patrimoniaux est mis à mal avec des pertes consécutives à la crise estimées à 270 M€ pour la seule année 2020.
L’Etat et le ministère de la Culture se sont fortement mobilisés dès le début de la crise pour répondre à l’urgence, aider le secteur culturel à faire face aux mesures sanitaires ainsi qu’à soutenir la reprise d’activité. Au-delà des mesures transversales de soutien et d’accompagnement mises en place par l’Etat dont ont pu bénéficier les professionnels du secteur (fonds de solidarité, activité partielle, prêts garantis par l’Etat, reports d’échéances fiscales et sociales), des aides d’urgence sectorielles ont été déployées en 2020 à hauteur de 69 M€ dont 64 M€ pour soutenir les opérateurs nationaux les plus fragilisés par la crise et 5 M€ pour doter le fonds de soutien à la filière économique du patrimoine et de l’architecture installé en 2021 et abrité par l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC).
Ces moyens seront complétés par le déploiement du plan de relance pour le secteur de l’architecture et du patrimoine de 614 M€ en 2021 et 2022.
Le ministère a conduit un dialogue constant avec les professionnels des différents secteurs (archéologie, conservation-restauration, musées, architecture…) pour favoriser la reprise rapide d’une activité soutenue dans le respect des exigences sanitaires. Des protocoles sanitaires sectoriels ont été élaborés. Le ministère de la Culture a incité les opérateurs patrimoniaux et leurs réseaux à reprendre, dans les conditions sanitaires nécessaires, les chantiers de conservation et de restauration sur les collections et les monuments, ainsi qu’à maintenir, autant que possible, les budgets dédiés aux opérations de conservation-restauration. Les opérateurs d’archéologie préventive ont été en capacité d’accompagner la reprise progressive de l’aménagement du territoire.
Le ministère de la Culture a par ailleurs encouragé et soutenu les projets qui ont permis de conserver – voire de renouveler – le lien avec les publics (expositions numériques, découverte de l’histoire de l’art, projets d’éducation artistique et culturelle, etc.). L’utilisation des ressources numériques sur internet a fortement augmenté pendant cette période de crise sanitaire. Dans le domaine des archives, des services ont donné accès à distance à des documents non encore diffusables sur internet et ont développé des offres de numérisation à la demande. Plusieurs services ont appelé à collecter des archives relatives au confinement (mémoires de confinement).
La crise sanitaire a par ailleurs souligné le besoin de doter la Direction générale des patrimoines et de l’architecture d’un levier d’action financier à destination de ses filières économiques. Un mécanisme de soutien pérenne, adapté aux besoins de financement, doté de 10 millions d’euros, a été décidé. Hébergé au sein de l’Institut du financement du cinéma et des industries culturelle (IFCIC), ce fonds agira comme établissement de crédit pour les architectes constitués en société, qui pourront emprunter, ou solliciter des garanties d’emprunt. Il leur fera bénéficier, en outre, de sa solide expertise financière.
Face à une concurrence internationale qui impacte la filière française de l’architecture, une stratégie partenariale et interministérielle de soutien à l’exportation a été relancée en réactivant le comité pour l’exportation de l’architecture, le COMAREX, entre le ministère de la Culture, le MEAE et le MCTRCT, en lien avec nos opérateurs respectifs.
Enfin, pour soutenir durablement la filière par un suivi précis et partenarial de ses enjeux socio-économiques de long terme, la préfiguration d’un observatoire économique de la filière et des métiers de l’architecture a été engagée pour une mise en œuvre effective en 2022.
2. Le ministère de la Culture a poursuivi les travaux de sécurisation de Notre-Dame de Paris et le déploiement du plan d’action « sécurité cathédrales »
À la suite de l’incendie, le 15 avril 2019, de la cathédrale Notre-Dame de Paris, l’année 2020 a été consacrée à la mise en place de l’établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris (EP-RNDP) créé par décret n° 2019-1250 du 28 novembre 2019. Les fonctions « financière » et « maîtrise d’ouvrage » de l’EP ont été rapidement structurées, permettant la poursuite sans interruption du chantier lors du transfert de la maîtrise d’ouvrage de la DRAC d’Île-de-France à l’EP-RNDP.
Les travaux de sécurisation-consolidation de la cathédrale, estimés à 165 M€ ont progressé, en dépit des confinements, conformément au calendrier et devraient être achevés à l’été 2021. La mise sur cintres des 28 arcs-boutants du chœur et de la nef s’est achevée fin février ; l’échafaudage sinistré a été déposé fin novembre ; le déblaiement et le nettoyage des voûtes sont terminés depuis mi-septembre ; les tests de nettoyage des sols et des murs des chapelles-témoins ont été effectués durant l’été ; la dépose du grand orgue est achevée.
Le ministère de la Culture a poursuivi le déploiement du plan d’action « sécurité cathédrales », lancé en octobre 2019, après l’incendie de Notre-Dame de Paris, et destiné à renforcer les opérations préventives de mise en sécurité contre les incendies des cathédrales appartenant à l’Etat. Les outils de gestion partagée (plan de sauvegarde des biens culturels, cahier des charges d’exploitation) sont en cours de généralisation et 4,6 M€ d’étude et de travaux de sécurisation ont été engagés.
3. Le ministère a poursuivi son action de mise en valeur des territoires, de transmission du patrimoine aux générations futures et de développement des partenariats avec les différents acteurs
En 2020, le programme « Patrimoines » s’est attaché à financer des projets irriguant l’ensemble du territoire afin de favoriser l’accès de chacun à la culture.
Dans le domaine des monuments historiques, l’année 2020 a été marquée par la mise en œuvre de mécanismes de financement innovants :
Au-delà de ces dispositifs, les deux tiers du budget ont été cette année encore délégués au niveau déconcentré, permettant la poursuite de projets d’ampleur :
Dans le domaine de l’architecture, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ont poursuivi leurs actions de valorisation et de diffusion de l’architecture en région par le soutien aux actions de formation et de sensibilisation des publics. Elles ont notamment pris part à la cinquième édition des « Journées nationales de l ’architecture » en octobre 2020, laquelle a repris son volet à destination des jeunes publics, intitulé « Levez les yeux ! ». Elles ont contribué en outre au déploiement du label « Architecture contemporaine remarquable », ainsi qu’à l’extension du réseau des « Villes et pays d’art et d’histoire ». L’architecture est également fortement partie prenante des programmes « Action cœur de ville » et « Petite ville de demain » qui constituent des leviers essentiels pour la revitalisation des centres urbains anciens, développant les politiques de réhabilitation de l’existant, support potentiel d’innovation, et mobilisant l’ensemble des réseaux (CAUE, VPAH, ACE).
S’agissant de la promotion d’une architecture de qualité, une mission interministérielle sur la qualité des logements sociaux, présidée par Pierre René Lemas, a remis ses conclusions à la Ministre et permis la définition d’un plan en faveur de la qualité, prévoyant le lancement en 2021 d’une expérimentation de grande ampleur, des réflexions sur la valorisation du travail de l’architecte, l’engagement volontaire des maîtres d’ouvrage dans des chartes de qualité et la mise en place d’un observatoire de la qualité.
Dans le domaine des archives, la stratégie des archives portée par le comité interministériel aux archives de France, s’est incarnée à travers le cadre commun stratégique de modernisation des archives, validée en 2020, à destination des administrations, des services d’archives mais également des collectivités locales. Durant l’année 2020, au-delà de la priorité sur l’archivage numérique, les questions ont porté sur l’accès aux archives classifiées, ainsi sur les archives relatives à la guerre d’Algérie (dérogations générales et guide sur les disparus de la guerre d’Algérie). La politique du ministère s’est également traduite par un soutien actif aux collectivités territoriales pour la construction ou la rénovation de leurs bâtiments d’archives. Par ailleurs, le ministère soutient également le développement de plates-formes d’archivage numérique avec le dispositif « Archives numériques en territoire » (ANET) qui a remplacé le dispositif AD-Essor et a permis de soutenir 26 projets permettant ainsi de passer en 2020 à 42 directions d’archives départementales avec une plate-forme d’archivage numérique en production (contre 13 directions en 2013).
Dans le domaine des musées, le ministère s’est employé à accompagner les musées en diffusant conseils et bonnes pratiques pour gérer les phases de fermeture et préparer les phases de réouverture dans un contexte toujours incertain. Il a veillé à assurer la continuité du marché de l’art par exemple en maintenant les procédures de certificats d’exportation ou en continuant de tenir les commissions d’acquisition des musées nationaux et territoriaux et a maintenu sa contribution aux acquisitions au travers du fonds du patrimoine. De même, le ministère a continué d’instruire et valider les projets scientifiques et culturels des musées de France et d’apporter son expertise (architectes, conservateurs) en appui de leurs projets afin de limiter autant que possible l’impact de la crise sur les projets en cours et ainsi préparer la sortie de crise.
Dans le domaine de l’archéologie, le ministère a accompagné les opérateurs d’archéologie préventive en contribuant à faciliter la reprise de leurs activités de terrain grâce à l’élaboration concertée d’un guide sectoriel détaillant les mesures sanitaires à observer et les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour limiter la propagation du virus. En outre, le ministère de la Culture a poursuivi sa politique territoriale. Au sein des centres de conservation et d’étude, l’expérimentation en 2019 de la gestion des biens archéologiques avec l’INRAP, conduite sous le contrôle des services régionaux de l’archéologie des DRAC/DAC a abouti à l’officialisation d’une gestion partagée des données scientifiques de l’archéologie sur sept sites. Après l’expérimentation menée en 2019 vers un élargissement européen des Journées nationales de l’archéologie (JNA), la participation active de 29 pays européens, France comprise, a consacré l’extension des JNA en Journées européennes de l’archéologie (JEA). Le contexte sanitaire a nécessité de basculer cette manifestation sur une édition essentiellement numérique (80% des activités proposées) intitulée #Archéorama.
Dans le domaine du patrimoine culturel immatériel, le ministère contribue au renforcement du réseau des acteurs du patrimoine culturel immatériel sur le territoire national en soutenant les actions pour la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’Equitation de tradition française, inscrite à l’UNESCO. La deuxième édition des Journées du patrimoine culturel immatériel « Antilles-Guyane & Festival lyannaj twass ek sèn » ont bénéficié d’un soutien pour leur organisation et la publication de leurs actes mettant en valeur le riche apport de ces territoires ultramarins au PCI de la France.
La politique d’élargissement de l’accès au patrimoine s’est traduite en 2020 par la poursuite de l’accueil du jeune public dans le cadre du projet national d’éducation artistique et culturelle (EAC), notamment dans la continuité du plan « A l’école des arts et de la culture » mis en place en 2018. Le dispositif « La classe, l’œuvre ! » a dû être adapté dès mars 2020, il implique la participation d’environ 2 250 élèves, 144 établissements scolaires et 150 classes inscrits. La manifestation « La Nuit européenne des musées » a été reportée au samedi 14 novembre et proposée via Internet au public. Le dispositif « C’est mon patrimoine ! » en 2020 s’est principalement déroulé pendant les vacances d’été et celles de la Toussaint. Ce sont 71% des projets programmés qui ont pu être maintenus, soit 185 projets. Le soutien financier aux associations de chantiers de bénévoles (Union Rempart, CHAM, Le Club du Vieux Manoir), dans le cadre d’actions de formation de bénévoles et de leurs encadrants ont permis d’accueillir près de 4 000 jeunes sur site.
4. Le ministère de la Culture a poursuivi son action dans le domaine de la restitution des biens culturels issus de contextes coloniaux
La restitution des biens culturels issus de contextes coloniaux a pris une nouvelle orientation donnée par le Président de la République lors de son discours prononcé à Ouagadougou le 28 novembre 2017, dans lequel il a appelé de ses vœux la possibilité que « d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Le ministère de la Culture conduit un travail approfondi, en lien avec le Quai d’Orsay, autour de la refondation des coopérations culturelles franco-africaines ainsi que des voies d’amélioration de la circulation des biens culturels permettant un accès plus large à celles-ci par la jeunesse africaine et de renforcement de la documentation des œuvres d’origine africaine des collections publiques.
Dans ce cadre, la restitution au Bénin de 26 œuvres du trésor royal d’Abomey, conservées par le Musée du quai Branly-Jacques Chirac, à la suite de leur don aux collections nationales par le Général Alfred Dodds et au Sénégal, d’un sabre, avec son fourreau, dit d’El Hadj Omar Tall, conservé par le Musée de l’Armée, à la suite de leur don à ce musée national par le Général Louis Archinard, a été proposée au Parlement sous la forme d’un projet de loi spécifique porté par le Ministère de la culture et représentant le seul moyen de déroger d’une manière très circonscrite au principe d’inaliénabilité des collections publiques. Le transfert de propriété de ces biens a été autorisé par la loi n°2020-1673 du 24 décembre 2020, qui donne un délai d’un an à la France pour procéder au retour matériel des œuvres concernées.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance |
Objectif 1 | Améliorer la connaissance et la conservation des patrimoines |
Indicateur 1.1 | Part des crédits de conservation préventive par rapport aux crédits de restauration des monuments historiques |
Indicateur 1.2 | Archéologie préventive : Proportion des dossiers d'aménagement reçus faisant l'objet d'un arrêté de prescription de diagnostic et/ou d'un arrêté de prescription de fouilles préventives |
Indicateur 1.3 | Qualité de la maîtrise d'ouvrage Etat |
Objectif 2 | Accroître l'accès du public au patrimoine national |
Indicateur 2.1 | Fréquentation des institutions patrimoniales et architecturales |
Indicateur 2.2 | Accessibilité des collections au public |
Indicateur 2.3 | Taux de satisfaction du public des institutions et des sites patrimoniaux |
Objectif 3 | Elargir les sources d'enrichissement des patrimoines publics |
Indicateur 3.1 | Effet de levier de la participation financière de l'Etat dans les travaux de restauration des monuments historiques qui ne lui appartiennent pas |
Indicateur 3.2 | Taux de ressources propres des institutions patrimoniales et architecturales |