Présentation stratégique du projet annuel de performances |
Virginie LASSERRE |
Directrice générale de la cohésion sociale |
Responsable du programme n° 177 : Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables |
La politique d’hébergement et d’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, soutenue par le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », vise à permettre l’accès au logement tout en garantissant une réponse aux situations d’urgence qui soit la plus adaptée aux besoins. Cette politique s’inscrit dans un contexte où la demande de mise à l’abri exprimée demeure très élevée en raison de la crise économique et l’intensité des flux migratoires observés en France ces dernières années.
La mise à l’abri s’est amplifiée dans le contexte de crise sanitaire dû au coronavirus (environ 30 000 places ouvertes) pour protéger les personnes à la rue, en squats ou en campements du risque de contamination s’agissant de publics réputés particulièrement vulnérables en raison de leurs comorbidités et de leurs conditions de vie dégradées. Pour faire face à cette situation inédite, des mesures exceptionnelles de prévention et de soin pour les personnes précaires en structures ou à la rue ont été mises en place en lien avec les agences régionales de santé (équipes sanitaires mobiles, création de centres d’hébergement spécialisés pour les malades non graves…). Des mesures, notamment celles développées pour aller à la rencontre des personnes à la rue, en hébergement, ou en campement ont été inscrites dans le Ségur de la santé, garantissant leur pérennisation (création d’équipes santé et précarité, LHSS de jour et « hors les murs », etc.). Le renforcement de mesures prises en matière de prévention et de soins des précaires constitue un investissement qui permet d’éviter des coûts d’hospitalisation importants, de réduire la pression sur les services d’urgence, et est un facteur d’amélioration de l’insertion des personnes les plus démunies.
Le premier pilier de la politique de l’hébergement et de l’accès au logement repose sur le développement de l’offre de logements adaptés. Le plan quinquennal 2018-2022 « pour le logement d’abord et la lutte contre le sans-abrisme » a permis, de reloger 150 000 personnes sortant d’hébergement ou à la rue après deux années de mise en œuvre. L’acte II du plan logement d’abord prévoit d’amplifier les résultats en termes de développement des pensions de famille et de places d’intermédiation locative, ainsi que le nombre d’attributions de logements sociaux pour les personnes sortant d’hébergement (17 000 ménages en 2021).
Depuis 2018, 14 408 places en intermédiation locative ont été créées. Avec un rythme de création de 8 000 places par an, l’objectif de 40 000 places sera atteint sur le quinquennat.
L’objectif d’ouverture de 10 000 places en pensions de famille d’ici 2022 sera plus difficile à atteindre puisqu’on comptabilise, depuis 2017, la création de 3 754 places. Afin d’accélérer l’atteinte de l’objectif, le forfait journalier en pension de famille sera revalorisé de 2 € (18 € contre 16€, soit +12,5 %), ce qui permettra de le rendre plus attractif pour les opérateurs et ainsi d’augmenter le nombre de projets.
L’acte II du logement d’abord se traduira aussi par le lancement d’un nouvel appel à manifestation d’intérêt (AMI) permettant d’identifier de nouveaux territoires de mise en œuvre accélérée du logement d’abord. Les résultats obtenus depuis deux ans dans les 23 territoires sélectionnés lors du premier AMI sont encourageants mais doivent encore être confirmés, d’où la nécessité de prolonger et d’amplifier la démarche engagée.
Afin de poursuivre la dynamique observée sur le logement d’abord, les moyens déployés au bénéfice de la politique d’accroissement de l’offre de logements adaptés (pensions de famille, intermédiation locative) seront en hausse de 64,7 M€ en 2021 sur le programme 177.
Le second pilier de cette politique publique repose sur l’amélioration de la fluidité vers le logement, en mobilisant l’ensemble des leviers à disposition. A ce titre, les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO), qui constituent au niveau territorial la pierre angulaire de la politique de l’hébergement et du logement, et son outil informatique (SI SIAO) concourent directement à la meilleure connaissance des publics et à l’amélioration de la fluidité.
En 2021, les SIAO bénéficieront du financement de 150 ETP supplémentaires, notamment pour développer les missions de coordination des acteurs de la veille sociale et d’accès au logement. Ce besoin a été étayé dans une étude réalisée par l’ANSA en 2019 sur la mise en place d’un SIAO unique par département issu de la loi ALUR. Des partenariats devront être noués avec les acteurs du logement permettant un accès plus rapide au logement. La gouvernance des SIAO pourra aussi être adaptée en fonction de l’activité du SIAO ; certains territoires seront ainsi amenés à mutualiser certaines missions des SIAO au niveau interdépartemental.
L’outil informatique SI SIAO va faire l’objet d’une refonte d’ici la fin de l’année 2020 permettant, dans un objectif d’amélioration de la gestion des demandes d’hébergement et de logement, la mise en œuvre d’une base unique de gestion de données pour les volets insertion et urgence comprenant le 115. De plus, des extractions de données sous forme de tableaux de bord seront possibles une fois la base de données refondue, constituant une véritable avancée pour piloter la politique publique. Par ailleurs, des travaux sont prévus en 2021 pour interfacer le SI SIAO vers les applicatifs du secteur du logement social (système national d’enregistrement (SNE) et Système Priorité Logement (SYPLO) afin de faciliter les orientations vers le logement. Ces travaux permettront de faciliter la réorientation vers des dispositifs mieux adaptés à leurs besoins comme c’est déjà le cas pour les demandeurs d’asile et les réfugiés qui sont actuellement dans le parc d’hébergement généraliste. En effet, depuis l’instruction du 4 juillet 2019 prise en application de la loi Asile, une information est transmise mensuellement à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) concernant la prise en charge des demandeurs d’asile et des bénéficiaires d’une protection internationale via le SI SIAO, afin de pouvoir les réorienter dans les structures qui leur sont destinées le plus rapidement possible.
Ce système d’information constitue un enjeu majeur dans l’organisation de l’activité des SIAO et dans la collecte de données au niveau national permettant de définir des orientations stratégiques relatives à la politique de l’hébergement d’urgence et du logement. A ce titre, la base de données du SI SIAO a vocation à alimenter les travaux lancés par la DREES depuis 2019 prenant appui sur l’ensemble des bases de données disponibles (enquête ad hoc de la DREES et l’étude nationale des coûts de l’hébergement) pour pouvoir faire une étude sur le public à la rue ou hébergée. La dernière enquête sur ce champ a été réalisée par l’Insee en 2012.
Le troisième pilier de la politique de l’hébergement et de l’accès au logement repose sur le repérage des personnes hébergées ou à la rue pouvant accéder à un logement. Il s’agit de consolider les premiers niveaux de réponses apportées aux personnes en situation d’exclusion dans une logique de repérage et d’orientation le plus précocement possible de ces publics. Le Gouvernement a donc décidé de réaliser un effort budgétaire significatif pour renforcer les dispositifs de la veille sociale. En 2019, une enveloppe de 5 M€ avait été allouée aux maraudes en vue d’assurer leur professionnalisation. En 2020, une enveloppe supplémentaire de 4M € a permis de cofinancer avec les collectivités locales le panier de services des accueils de jour (extension des horaires, mise en place d’une bagagerie, diversification des modes d’intervention auprès des usagers). En 2021, cet effort sera poursuivi et amplifié, avec 12 M€ supplémentaires (4 M€ pour les accueils de jour et 8 M€ pour le renfort des SIAO).
D’autres chantiers contribueront en 2021 à structurer le secteur de l’hébergement d’urgence en poursuivant le double objectif d’améliorer la qualité des places d’hébergement d’urgence à des coûts maîtrisés et la fluidité vers le logement en s’engageant dans des projets de transformation de l’offre d’hébergement.
Dans le cadre de la création ou de la pérennisation sur deux ans de 14 000 places d’hébergement, dont 7 000 dès 2020, des travaux seront engagés avec le secteur associatif d’ici la fin de l’année 2020 pour élaborer un cahier des charges précisant les prestations attendues et fixer un coût cible national maximum. Les 1 000 places dédiées aux femmes victimes de violence créées en 2020 suite aux annonces faites dans le cadre du Grenelle pour lutter contre les violences conjugales, décomposées en 370 places d’hébergement et 630 places financées par l’allocation temporaire de logement (ALT), l’ont été sur la base d’un cahier des charges précisant les prestations attendues pour répondre aux besoins spécifiques des femmes victimes de violence. Le présent projet de loi de finances pour 2021 prévoit la création de 1 000 nouvelles places d’hébergement dédiées aux femmes victimes de violence ; ce quantum est inclus dans les 14 000 places nouvelles ou pérennisées précitées.
Des travaux seront menés au niveau national en 2021 sur la base des données transmises par les gestionnaires de structures d’hébergement, recensées chaque année dans le cadre de l’étude nationale des coûts (ENC) afin de réduire les disparités de coûts observés entre les régions pour des structures de mêmes groupes homogènes d’activité et de mission (GHAM). C’est une nouvelle étape de la convergence des coûts introduite en 2018 avec la mise en place d’une démarche de convergence progressive à la baisse vers des tarifs plafonds pour les CHRS. En 2020, en raison de la crise sanitaire cette convergence a été suspendue, elle reprendra en 2021.
Dans la continuité du plan de réduction des nuitées hôtelières engagé en 2018, il est prévu en 2021 de fixer des objectifs de réduction du recours aux nuitées hôtelières en substituant à des places d’hôtel des places d’hébergement d’urgence ou des places en intermédiation locative ou de pensions de famille. Le recours à des marchés publics pour la gestion hôtelière des nuitées hôtelières est fortement encouragé ainsi que la mutualisation de ce marché public avec le secteur de l’asile.
En 2021, la montée en charge de la contractualisation pluriannuelle entre l’Etat et les gestionnaires de CHRS se poursuivra. Une enveloppe de 2 M€ de crédits d’aide à la contractualisation doit permettre d’accompagner les gestionnaires de structures dans cette voie. La démarche de contractualisation est aussi un levier pour faire évoluer l’offre d’hébergement et en transformer une partie en solutions de logements. En effet, la loi Elan a facilité la transformation de places d’hébergement d’urgence subventionnées en places de CHRS, sous condition de signature d’un contrat pluriannuel d’objectif et de moyens (CPOM). Selon l’enquête réalisée en 2019, 4 504 places d’hébergement d’urgence passeront sous statut autorisé d’ici 2022. Une actualisation de ces chiffres sera effectuée en 2021. Des éléments de cadrage ont été élaborés et seront transmis d’ici la fin de l’année 2020 aux territoires, précisant les prérequis techniques et réglementaires pour réaliser des opérations de transformation de places autorisées de CHRS en pensions de famille ou pour mettre en place un accompagnement hors les murs.
En complément de la refonte du fonds de l’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), qui est abondé par les bailleurs sociaux à hauteur de 15 M€ par an depuis 2020, plusieurs actions d’accompagnement en faveur de publics spécifiques seront mises en œuvre ou reconduites en 2021. L’enveloppe de 11 M€ pour accompagner les personnes bénéficiaires de la protection internationale (BPI) vers le logement sera reconduite en 2021. Les femmes victimes de violence conjugales feront aussi l’objet de mesures d’accompagnement renforcées face au danger auquel elles sont confrontées lorsqu’elles quittent le domicile conjugal (coordination entre la plateforme d’écoute 3919 et le SIAO, mise en place pour les forces de l’ordre d’une application informatique de géolocalisation des sites d’hébergement)
Enfin, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté est également mobilisée à hauteur de 35 M€ en 2021 autour de ces objectifs avec l’ambition de soutenir les publics les plus fragiles. Ce soutien se concrétise comme en 2020 à travers l’adaptation des centres d’hébergement pour les familles, notamment monoparentales, les sortants d’institution et les femmes victimes de violence. La stratégie nationale intervient également de façon soutenue dans la politique de résorption des bidonvilles. Elle contribue aussi à l’expérimentation d’un « chez soi d’abord pour les jeunes »), à des projets innovants comme Emile, qui vise à proposer à des personnes en difficulté d’insertion professionnelle et mal-logées en Ile-de-France de débuter un nouveau projet de vie dans un territoire d’accueil ayant des besoins de main d’œuvre et du logement disponible. Elle finance également, à hauteur de 3 M€, une plateforme d’accompagnement de ménages hébergés à l’hôtel en Ile-de-France, n’ayant pas bénéficié d’un bilan social, mais qui sont susceptibles d’accéder rapidement à un logement avec un accompagnement social renforcé.
Acteurs et pilotage du programme
Le pilotage du programme ainsi que l’animation interministérielle et partenariale des politiques de lutte contre l’exclusion, dont la politique d’accueil, d’hébergement et d’insertion constitue un axe majeur, sont confiés à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Elle travaille en étroite coordination avec la délégation interministérielle pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées (DIHAL), la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté (DIPLP), la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), la direction générale des étrangers en France (DGEF), et la délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (DIAR). Elle exerce ses missions, en s’appuyant notamment sur le secrétariat du comité interministériel de lutte contre l’exclusion (CILE), le conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE).
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance |
Objectif 1 | Améliorer la qualité de l'offre de services pour les personnes les plus vulnérables |
Indicateur 1.1 | Taux de réponse positive du SIAO (service intégré d'accueil et d'orientation) aux demandeurs d'hébergement et de logement |
Indicateur 1.2 | Part des personnes sortant de CHRS qui accèdent à un logement |
Indicateur 1.3 | Proportion de places en logement accompagné par rapport au nombre de places d'hébergement (HI + HS + HU) |
Objectif 2 | Améliorer l'efficience de l'offre de services pour les personnes les plus vulnérables |
Indicateur 2.1 | Suivi de la contractualisation pluriannuelle entre les opérateurs locaux et l'État |