Catherine PIGNON |
Secrétaire générale du ministère de la justice |
Responsable du programme n° 101 : Accès au droit et à la justice |
La politique publique en matière d’accès au droit et à la justice doit permettre à toute personne qui le souhaite d’avoir connaissance de ses droits et de les faire valoir, quels que soient sa situation sociale ou son domicile. Elle concerne tous les domaines de la vie quotidienne (travail, logement, consommation, famille, etc.), que l’usager soit demandeur d’information, de diagnostic juridique ou d’aide aux démarches ou encore concerné par une action en justice ou un contentieux familial. Elle associe l’État, les professionnels du droit, le milieu associatif, les collectivités territoriales et est orientée prioritairement vers les personnes pour lesquelles l’accès au droit et à la justice est le moins aisé. Elle comporte quatre composantes : l’aide juridictionnelle, l’accès à la connaissance de ses droits, l’aide aux victimes d’infraction pénale, la médiation familiale et les espaces de rencontre parent(s) / enfant(s).
Les 585,2 M€ ouverts par la loi de finances initiale (LFI) pour 2021 marquent une hausse annuelle importante (+ 10,3%) qui profite à toutes les politiques du programme. Grâce à des reports de la gestion 2020, les crédits de paiements consommés en 2021 ont atteint 601,3 M€, soit une augmentation annuelle de 29,3 M€. Les dépenses d’aide juridictionnelle, en net recul en 2020, sont supérieures à leur niveau antérieur à la pandémie et les subventions versées au titre des autres politiques, qui, en 2020, ont progressé afin de préserver l’existence du réseau associatif ou des groupements d’intérêt public chargés de la mise en œuvre de ces politiques, ont continué d’augmenter en 2021.
En ce qui concerne l’aide juridictionnelle, les paiements ont atteint 552,7 M€ et, à périmètre constant, sont supérieurs de 60,5 M€ à leur niveau de 2019 et de 18,7 M€ aux crédits ouverts par la LFI pour 2021. Cette croissance des dépenses tient pour l’essentiel à quatre facteurs :
le nombre de missions rétribuées en 2021 a presque retrouvé sa valeur avant la pandémie, ce qui témoigne du retour à un fonctionnement nominal des juridictions ;
le montant de l’unité de valeur servant au calcul de la rétribution des avocats a été revalorisé en vertu d’une disposition de la loi de finances pour 2021 ;
le nombre d’unités allouées à certains types de contentieux a été revu à la hausse par le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 qui prend en compte l’évolution technique des procédures identifiées et le travail qui en résulte pour les avocats ;
la tenue des procès d'assises faisant suite aux attentats perpétrés en 2015 a nécessité de rétribuer des interventions d’une longueur inhabituelle au profit d’un très grand nombre de parties civiles et de renforcer la trésorerie dont disposent les barreaux en fin d’année. Le recouvrement des avances consenties par l’État aux justiciables a également atteint un niveau comparable à celui observé avant la pandémie.
L’année 2021 a également été marquée par la mise en place de deux mesures d’importance qui tendent à simplifier le processus de l’aide juridictionnelle :
D’une part, l’instauration le 1er janvier 2021 du revenu fiscal de référence comme principal critère d’éligibilité à l’aide juridictionnelle facilite la tâche des bureaux chargés de l’examen des demandes et permet d’appliquer de manière uniforme sur l’ensemble du territoire les règles d’attribution de l’aide juridictionnelle.
D’autre part, depuis le 1er juillet 2021, lorsque l’avocat est commis ou désigné d’office dans le cadre d’une procédure mentionnée au nouvel article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991, il peut percevoir la contribution de l’État à sa rétribution sans qu'il lui soit nécessaire de déposer une demande d’aide juridictionnelle et qu’une décision soit prise en ce sens, ce qui simplifie significativement le processus.
L’année 2021 est la deuxième année de mise en œuvre des conventions locales relatives à l’aide juridique (CLAJ) qui reposent sur un mécanisme d’engagements réciproques entre les barreaux et les juridictions et qui contribuent à une meilleure administration de la justice et à une meilleure qualité de l’intervention de l’avocat dans le cadre de l’aide juridictionnelle. Le succès de ce dispositif de contractualisation a été confirmé puisqu’en fin d’année, 145 barreaux et tribunaux judiciaires ont sollicité l’homologation de leur convention.
Par ailleurs, l’objectif visé en matière de déploiement du système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ) a été atteint avec 53 tribunaux judiciaires utilisant ce système au 31 décembre 2021. Le SIAJ permet un traitement dématérialisé de la demande d’aide juridictionnelle de bout en bout. Depuis le dépôt de la demande jusqu'à son instruction et la notification de la décision peuvent se faire de manière informatisée. Cette simplification permettra, à terme, une amélioration du pilotage de l’aide juridictionnelle et une réduction des délais de traitement.
La politique publique de l’aide à l’accès au droit doit permettre à toute personne d’avoir connaissance de ses droits et de les faire valoir de manière anonyme, gratuite et sans conditions de ressources. S'agissant d'un élément fondamental du pacte social, la LFI pour 2021 a alloué 9,5 M€ à cette politique, soit une progression annuelle de 13,7 %. Le taux de consommation des crédits a atteint 92,5 %, à la suite de transferts au profit des espaces de rencontre.
L'aide à l'accès au droit est mise en œuvre par environ 2 000 point-justice. Ces derniers sont répartis sur l’ensemble du territoire national, y compris ultra-marin, que coordonnent les 101 conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) et le conseil de l’accès au droit de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Les CDAD, qui ont reçu en 2021 8,4 M€ de subventions, soit une hausse annuelle de 6,5 %, sont chargés de recenser les besoins, de définir et de mettre en œuvre une politique locale dans le domaine de l’accès au droit, de dresser et de diffuser l’inventaire des actions menées. Ils doivent, en outre, évaluer la qualité et l’efficacité des dispositifs auxquels l’État apporte son concours. Les point-justice sont des lieux d’accueil qui apportent aux personnes faisant face à des difficultés juridiques ou administratives une information de proximité sur leurs droits et devoirs. Plusieurs catégories d'intervenants y sont présentes : professionnels du droit, associations, conciliateurs de justice, délégués du Défenseur des droits, écrivains publics, etc.
En outre, les CDAD continuent à prendre toute leur place au sein du programme France Services. Depuis la création de France Services en juillet 2019, le ministère de la justice s’est pleinement investi aux côtés des neuf autres opérateurs du programme dans sa mise en œuvre et son fonctionnement. Les espaces France Services accueillent chaque usager pour réaliser, seul ou accompagné par un agent formé aux interfaces numériques, un grand nombre de démarches administratives. En matière juridique, l’usager peut y trouver une information généraliste et être aidé dans un grand nombre de domaines. Le 31 décembre 2021, sur les 1 745 France services labellisées, 529 étaient dotées d’un point-justice.
Enfin, dans la continuité du développement de la justice de proximité et afin de proposer une réponse simple à tout usager se trouvant face à un problème ou une question juridique, le ministère de la justice a créé un numéro unique de l’accès au droit, le « 30 39 », entré en service le 6 septembre 2021. Ce numéro est gratuit, joignable depuis l’ensemble du territoire français et depuis l’étranger, et accessible aux personnes sourdes ou malentendantes. Au cours du dernier quadrimestre 2021, il a reçu près de 20 000 appels.
L'aide aux victimes d'infraction pénale est une composante majeure de l'action gouvernementale en faveur des victimes. Les crédits ouverts en LFI pour 2021 sont supérieurs de 3,3 millions d’euros (+ 11,4 %) à ceux ouverts en 2020. Les paiements ont atteint 30,8 M€ en progression annuelle de 6,2 %. Ils représentent 96,0 % des crédits ouverts en LFI. Les subventions versées aux 193 structures locales intervenant auprès de victimes d’infraction pénale ont augmenté de 5,5% en un an.
La progression des paiements a accompagné la montée en puissance des dispositifs mis en place au bénéfice des victimes les plus vulnérables, conformément à la volonté gouvernementale. Ainsi :
– le nombre de téléphones grave danger (TGD) a presque doublé au cours de l'année 2021 pour atteindre 3 320 téléphones, soit 10 % de plus que l’objectif initial ;
– en raison de l’entrée en service du bracelet anti-rapprochement (BAR), le suivi des personnes menacées par une personne qui s’est vu imposer un BAR a pris son essor ;
– le recours à l’évaluation personnalisée (EVVI) des victimes les plus vulnérables a été plus fréquent ;
– des associations ont reçu des compléments de subventions pour mettre en place des astreintes destinées à réduire les délais d’intervention auprès des victimes ;
– le dispositif d’agrément par le ministère de la justice a été étendu aux associations d’aide aux victimes spécialisées dans la prise en charge des victimes de violences sexuelles et sexistes ;
– un référentiel détaillant les bonnes pratiques que doivent appliquer les tribunaux judiciaires à l'égard des victimes a été financé en vue d'une mise en application en 2022.
Concernant les victimes d’acte de terrorisme, l'essentiel des actions en leur faveur a porté sur l'accompagnement des personnes qui se sont constituées parties civiles à l’occasion des procès d’assises relatifs aux attentats commis à Paris en 2015. En outre, le ministère de la justice a fourni un concours humain et financier au fonctionnement de la cellule interministérielle d’information du public et d’aide aux victimes que le ministère de l’intérieur pilote depuis 2021. Enfin, en octobre 2021, sont entrées en service les principales fonctionnalités du système d’information des victimes d’attentats et de catastrophes (SIVAC) qu’exploitent, en cas d’attentat, les services de l’État en contact avec les victimes ainsi que le FGTI (fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions).
Eu égard à l’importance primordiale du réseau associatif qui relaie l’action menée par l’État afin d'apaiser les conflits familiaux (médiation familiale) et à la nécessité de favoriser le maintien des liens entre un enfant et son ou ses parent(s) dans des situations où ces derniers ne peuvent les accueillir à leur domicile (espaces de rencontre), la LFI pour 2021 a augmenté de 10,4 % les crédits consacrés au soutien des 299 organismes œuvrant dans ces domaines. Le taux de consommation des crédits ouverts en LFI a été de 99,2 %.
Le recours à la médiation familiale contribue également à simplifier le déroulement des procédures contentieuses, voire se substitue à ces dernières. Les dépenses de médiation familiale ont atteint 3,5 M€, en hausse de 1,8 % sur un an.
Les subventions versées aux structures gérant un espace de rencontre ont atteint 6,1 M€ en 2021, soit une progression annuelle de 17,5 %, afin de répondre à l’augmentation des prescriptions judiciaires. Cette progression témoigne de la volonté gouvernementale de faire face, en concertation avec la Caisse nationale des allocations familiales, à la saturation des structures confrontées à des situations de plus en plus complexes et de réduire ainsi les délais de prise en charge des mesures.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Favoriser l'accès de tous au droit et à la justice
Indicateur 1.1 : Délai de traitement des demandes d'aide juridictionnelle
Indicateur 1.2 : Part des demandes d'aide juridictionnelle déposées et traitées par voie dématérialisée
Indicateur 1.3 : Part de la population à moins de 30 minutes d'un lieu d'accès au droit (LAD) par voie routière
Objectif 2 : Garantir l'efficience du dispositif d'aide juridictionnelle
Indicateur 2.1 : Coût de traitement d'une décision d'aide juridictionnelle
Indicateur 2.2 : Taux de mise en recouvrement des frais avancés par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle
Objectif 3 : Améliorer l'accompagnement des victimes d'infraction(s)
Indicateur 3.1 : Taux de fréquentation des bureaux d'aide aux victimes (BAV) par les victimes d'infractions pénales