Présentation stratégique du projet annuel de performances |
Catherine PIGNON |
Secrétaire générale du ministère de la justice |
Responsable du programme n° 101 : Accès au droit et à la justice |
La politique publique en matière d’accès au droit et à la justice doit permettre à toute personne qui le souhaite d’avoir connaissance de ses droits et de les faire valoir, quels que soient sa situation sociale ou son domicile. Elle concerne tous les domaines de la vie quotidienne (travail, logement, consommation, famille, etc.), que l’usager soit demandeur d’information, de diagnostic juridique ou d’aide aux démarches ou encore concerné par une action en justice ou un contentieux familial. Elle associe l’État, les professionnels du droit, le milieu associatif, les collectivités territoriales et est orientée prioritairement vers les personnes pour lesquelles l’accès au droit et à la justice est le moins aisé. La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l’aide juridique, dont les trente ans sont commémorés et que complètent les lois n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l’accès au droit et à la résolution amiable des conflits et n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, constitue le socle de cette politique dont le programme 101 met en œuvre les quatre composantes : l’aide juridictionnelle, l’accès à la connaissance de ses droits, l’aide aux victimes d’infractions pénales, la médiation familiale et les espaces de rencontre parent(s) / enfant(s).
Le budget du programme s’élèvera à 680 millions d'euros en 2022, contre 585 millions ouverts par la loi de finances initiale (LFI) pour 2021. L'importance de la progression par rapport à 2021 s’explique notamment par une nouvelle augmentation des crédits de l’aide juridictionnelle.
L’aide juridictionnelle, totale ou partielle, représente un volet essentiel de la politique d’accès au droit et à la justice tant par les objectifs qu’elle poursuit (accès à la justice des personnes aux ressources modestes) que par son poids budgétaire. Elle s’adresse aux personnes physiques (très exceptionnellement, aux personnes morales à but non lucratif) dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir ou garantir leurs droits en justice. Elle consiste en la prise en charge par l’État de tout ou partie des frais relatifs à un procès (rétribution d’avocat, rétribution d’huissier de justice, frais d’expertise, etc.) ou à une procédure pénale (rétribution d'avocat intervenant lors d'une garde à vue, d'une audition libre, d'une présentation devant le procureur de la République, etc.).
Les crédits budgétaires consacrés à l'aide juridictionnelle dans le projet de loi de finances pour 2022 s’élèveront à 615,2 millions d'euros alors que la LFI pour 2021 a ouvert 534 millions, complétés par 28,5 millions de crédits de report. La ressource financière de l'aide juridictionnelle croît ainsi de 52,7 millions d’euros, soit une progression annuelle de 8,6 %. Cette augmentation tient à trois facteurs. Tout d'abord, elle intègre la hausse tendancielle de la dépense résultant des relèvements successifs du plafond d'admission à l'aide juridictionnelle et des diverses réformes qui sont intervenues avant 2022 (revalorisation générale de la rétribution des avocats, révision de la rétribution de certains contentieux essentiellement en matière pénale, réforme de la justice pénale des mineurs, etc.), dont l'effet financier est progressif. Ensuite, elle prend en compte deux mesures qui entreront en vigueur en 2022 : un nouveau relèvement du montant de l’unité de valeur de référence (UV) qui sert à calculer la rétribution de l’avocat et une remise à niveau de la rétribution des autres auxiliaires dont l’intervention est tarifée. Enfin, elle permet de financer l’assistance apportée au grand nombre de personnes constituées parties civiles lors des procès d’assises qui font suite aux attentats perpétrés à Paris en novembre 2015 et à Nice en juillet 2016.
L’année 2022 sera également la première année complète pendant laquelle sera mise en œuvre la réforme du régime de rétribution des avocats commis d’office, introduite par l’article 234 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 et entrée en vigueur le 1er juillet 2021. Désormais, lorsque l’avocat est commis ou désigné d’office dans le cadre d’une procédure mentionnée au nouvel article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991, il peut percevoir la contribution de l’État sans qu'il lui soit nécessaire de déposer une demande d’aide juridictionnelle, ce qui simplifie significativement le processus. L’examen de l’éligibilité du demandeur sera effectué a posteriori, afin de rendre possible, en cas d’inéligibilité, la mise en recouvrement des sommes exposées par l’État et d’améliorer la performance dans ce domaine, déjà suivie par un indicateur.
La simplification des modalités de contractualisation entre les barreaux et les juridictions, annoncée en 2019, s’est traduite en 2020 par la création d’une nouvelle « convention locale relative à l’aide juridique », fruit d’un travail de concertation approfondi entre les juridictions et les barreaux. Sur les 164 barreaux, le nombre de barreaux signataires est estimé à 130 en 2022 (contre 105 en 2020) alors que les dispositifs précédents ne concernaient qu’une soixantaine de barreaux.
Le déploiement du nouveau système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ) sera poursuivi en 2022. En permettant de remplir en ligne les demandes d’aide juridictionnelle, SIAJ accélère et homogénéise leur instruction. En limitant la manipulation des dossiers sur papier, il allège le travail de gestion des juridictions. Les progrès attendus sont suivis par trois indicateurs.
Le budget de l’accès au droit s’élèvera en 2022 à 12,3 millions d’euros, soit une augmentation annuelle de 2,8 millions d’euros (+ 30 %), dont 1,6 million d’euros pour la part contributive du ministère de la justice au fonds France Services.
L’accès au droit est mis en œuvre par les 101 conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) et le conseil de l’accès au droit (CAD) de Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Les CDAD et le CAD, groupements d’intérêt public, sont les référents locaux de l’accès au droit. À ce titre, ils financent et organisent des permanences gratuites d’accès au droit qui sont assurées par le personnel permanent du CDAD, par les professionnels du droit ou encore par des associations. Les subventions que l'État leur accordera en 2022 augmenteront de 12 % par rapport à 2021.
Jusqu’à présent, le réseau de l’accès au droit comportait plusieurs appellations de lieux d’accueil du public : points et relais d’accès au droit (PAD et RAD), maisons de justice et du droit (MJD), antennes de justice (AJ). Bien que correspondant à des statuts et à des offres d’accès au droit et à la justice divers, ces dénominations multiples nuisaient à la lisibilité du réseau judiciaire d’accès au droit pour l’usager. Ainsi, fin 2020, le réseau de l’accès au droit a connu une profonde modification par la création d’une appellation unique destinée à rendre ce réseau plus lisible. Il s’agit de la dénomination "point-justice" qui englobe tous les dispositifs gratuits pour les usagers que coordonne le ministère de la justice.
Actuellement, 1 979 point-justice couvrent l’ensemble du territoire et l’ensemble des publics. En effet, ces lieux sont généralistes ou spécialisés, c’est-à-dire adaptés à un type de public particulier (jeunes, détenus, étrangers, femmes victimes de violences conjugales, personnes âgées, agriculteurs, etc.). Les point-justice sont localisés dans des lieux dédiés ou mutualisés avec d’autres structures, comme les espaces France Services. Afin d’articuler le réseau de l’accès au droit avec les espaces France Services (au nombre de 1 494 en août 2021), les CDAD sont incités à créer ou à relocaliser dans les espaces France Services des permanences d'accès au droit tenues par des juristes ou par des professionnels du droit. En 2022, l’État poursuivra la démarche d’optimisation du maillage territorial des lieux d’accès au droit. Les CDAD seront incités à ouvrir des permanences au gré des nouvelles labellisations « France Services » et des besoins des différents territoires, afin que chaque citoyen trouve à proximité de chez lui un accès au droit performant. La valeur de l’indicateur mesurant la part de la population à moins de 30 minutes d’un point-justice par voie routière devrait ainsi augmenter.
En vertu du décret n° 2017-1072 du 24 mai 2017, l’aide aux victimes est coordonnée par le ministre de la justice, qui est assisté dans cette tâche par la déléguée interministérielle à l'aide aux victimes (DIAV). Composante importante de l'aide aux victimes, l’aide aux victimes d’infractions pénales a pour objectif d’améliorer la prise en charge des victimes d’infractions tout au long de leur parcours judiciaire, jusqu’à leur indemnisation. Il s’agit d’offrir aux victimes, le plus rapidement possible après les faits ou leur révélation, un accompagnement juridique, psychologique et social gratuit et confidentiel et afin de faciliter leurs démarches d’indemnisation.
La mise en œuvre de cette politique publique repose essentiellement sur un réseau d’associations locales qui sont agréées au niveau ministériel, conformément à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, et sont subventionnées par les cours d'appel. Cet agrément est un outil au service de la professionnalisation des associations d’aide aux victimes ; il permet également une meilleure identification par les justiciables. Ces associations reçoivent les victimes et les aident dans leurs démarches. Elles tiennent des permanences dans les 166 bureaux d’aide aux victimes (BAV) implantés dans les tribunaux judiciaires, ainsi que dans des commissariats, des gendarmeries, des hôpitaux, des point-justice. Un tiers d’entre elles ont mis en place des permanences mobiles, et plus de 40 % ont développé des dispositifs d’urgence. En 2020, elles ont accompagné environ 312 500 victimes d’infractions pénales, dont 108 500 dans les BAV (la fréquentation de ceux-ci est suivie par un indicateur de performance).
Le programme 101 finance également deux dispositifs nationaux majeurs : le numéro national d’appel « 116 006 », qui délivre une première écoute et une orientation personnalisée aux victimes, et le dispositif de téléprotection des personnes en grave danger dit « TGD » (début août 2021, on dénombrait 2 310 téléphones déployés), auquel peuvent également contribuer des collectivités territoriales par la voie d'un fonds de concours. Il soutient aussi l'accompagnement des personnes dont le conjoint violent se voit imposer un bracelet anti-rapprochement (BAR), le dispositif d’évaluation personnalisée des besoins de protection des victimes (EVVI), ainsi que les mesures de justice restaurative. Enfin, il soutient, aux côtés de cinq autres ministères, les travaux du centre national de ressources et de résilience (CNRR), groupement d'intérêt public ayant pour tâche de recenser, promouvoir et diffuser les travaux de recherche, les savoirs et les pratiques en matière de prise en charge des victimes, notamment celles présentant un psycho-traumatisme.
L'aide aux victimes d’infractions pénales bénéficiera en 2022 d’un budget de 40,3 millions d'euros, en hausse de 8,2 millions d’euros (+ 26 %) en un an. Grâce à cette ressource budgétaire, le réseau associatif pourra mieux se mobiliser pour apporter son soutien aux victimes dans les situations d’urgence et prendre en charge les victimes dans le cadre d’événements de grande ampleur. Le développement de telles capacités suppose une grande réactivité des associations et l'acquisition de compétences particulières appliquées aux victimes particulièrement vulnérables ou les plus durement touchées. C'est pourquoi est préconisée la mise en place de dispositifs permettant une disponibilité 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 pour une intervention au plus près de l’événement traumatique. Le procureur de la République peut avoir recours à ce type de dispositif sur réquisition (par exemple en cas d’accident mortel de la circulation, d’homicide, d’abus sexuels, de violences aggravées notamment en matière conjugale, etc.).
Les crédits supplémentaires permettront également de répondre aux sollicitations des juridictions qui font état d’un besoin croissant de téléphones grave danger. En outre, le repérage et la prise en charge précoces des violences particulièrement traumatisantes, dont les violences conjugales, impliquent de rendre systématique l'évaluation du danger auquel les victimes sont exposées (dispositif dit EVVI) et aussi de renforcer l'accompagnement par les associations des personnes bénéficiant d'un téléphone grave danger et de celles dont le conjoint violent se voit imposer un bracelet anti-rapprochement (BAR). L’augmentation de crédits permettra en outre de finaliser le déploiement des unités d’accueil pédiatriques enfants en danger (UAPED) et de tendre à développer les mesures de justice restaurative qui contribuent à la reconstruction de la victime et à la responsabilisation de l’auteur. Enfin, ils permettront de suivre les victimes des attentats terroristes de 2015 et 2016 lors des procès hors normes (par leur durée et le nombre de parties civiles) qui se tiendront en 2022.
Le soutien apporté à la médiation familiale et aux espaces de rencontre parent(s)/enfant(s) constitue une réponse adaptée aux conflits qui peuvent se développer dans la sphère familiale, et il contribue à maintenir les liens familiaux malgré les séparations ou les divorces.
La mise en œuvre de cette politique repose essentiellement sur un réseau d'environ 300 associations et services offrant des prestations en matière de médiation familiale ou bien gérant un espace de rencontre parent(s)/enfant(s). L’objectif de ce réseau est de favoriser un règlement apaisé des conflits familiaux (médiation familiale) et la préservation des liens entre un enfant et son ou ses parent(s) dans des situations où ces derniers ne peuvent l'accueillir à leur domicile (espaces de rencontre).
Le recours à la médiation familiale s'inscrit dans le développement des modes alternatifs de règlement des conflits que promeut la loi de programmation 2018-2022 et réforme pour la justice. Témoigne de cette orientation l’expérimentation, prolongée jusqu’en 2022, que mènent actuellement onze tribunaux judiciaires pour juger de l’intérêt de rendre obligatoire, avant la saisine du juge, une tentative de médiation lors de certains différends familiaux.
En 2022, les crédits atteindront 12,3 millions d‘euros, soit une progression de 2,6 millions en un an (+ 10,4 %). Dans une large mesure, cette progression tient à l’effort financier de 2 millions d’euros qui est consenti au bénéfice de la médiation familiale et qui ouvre la possibilité d'inclure en 2022 de nouveaux tribunaux dans l'expérimentation mentionnée ci-dessus. Par ailleurs, les subventions versées aux espaces de rencontre continueront de croître avec une augmentation de 0,6 million d’euros sur un an. En effet, alors que 90 % des mesures mises en œuvre par les espaces de rencontre résultent d’une décision judiciaire, l'État entend que le délai entre la décision ordonnant une mesure et la première rencontre entre parent et enfant soit le plus court possible.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance |
Objectif 1 | Favoriser l'accès de tous au droit et à la justice |
Indicateur 1.1 | Délai de traitement des demandes d'aide juridictionnelle |
Indicateur 1.2 | Part des demandes d'aide juridictionnelle déposées et traitées par voie dématérialisée |
Indicateur 1.3 | Part de la population à moins de 30 minutes d'un lieu d'accès au droit (LAD) par voie routière |
Objectif 2 | Garantir l'efficience du dispositif d'aide juridictionnelle |
Indicateur 2.1 | Coût de traitement d'une décision d'aide juridictionnelle |
Indicateur 2.2 | Taux de mise en recouvrement des frais avancés par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle |
Objectif 3 | Améliorer l'accompagnement des victimes d'infraction(s) |
Indicateur 3.1 | Taux de fréquentation des bureaux d'aide aux victimes (BAV) par les victimes d'infractions pénales |