Présentation stratégique du projet annuel de performances |
Thomas COURBE |
Directeur général des entreprises |
Responsable du programme n° 193 : Recherche spatiale |
Le programme « Recherche spatiale » a pour finalité d’assurer à la France et à l’Europe la maîtrise des technologies et des systèmes spatiaux nécessaires pour faire face aux enjeux d’autonomie stratégique et de sécurité, de développement économique, de recherche, d’environnement ou encore d’aménagement du territoire qui se posent ou sont susceptibles de se poser à elles. La stratégie du programme est mise en œuvre pour l’essentiel par son opérateur principal, le Centre national d’études spatiales (CNES), dans le cadre du contrat pluriannuel d’objectifs et de performance qui le lie à l’État. Elle est résolument tournée vers :
- l’essor économique d’un secteur porteur de croissance et créateur d’emplois en utilisant le levier de l’export pour soutenir le développement des entreprises françaises ;
- l’innovation permettant à l’industrie de maintenir sa supériorité technologique et sa compétitivité ;
- le développement de l’usage du spatial au service du citoyen, de la société et de l’État, en apportant, grâce aux solutions satellitaires, des réponses innovantes et efficaces aux enjeux de notre société et aux besoins régaliens ;·
- l’amélioration de la connaissance, sur les grandes questions scientifiques en sciences de l’Univers et sur le fonctionnement du système terrestre, notamment pour la compréhension et le suivi du changement climatique.
Par ailleurs, le programme 193 finance la contribution française à l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (Eumetsat), qui développe et opère une flotte de satellites météorologiques européens en orbite géostationnaire (Meteosat) et en orbite polaire (Metop et EPS), les exploite et en diffuse les résultats. Les techniques spatiales étant intrinsèquement duales, la coopération avec le ministère des armées est particulièrement importante ; le CNES est aussi subventionné par le programme 191 « Recherche duale» (civile et militaire).
En dépit de l’importance croissante du rôle des investisseurs privés dans le secteur spatial, la contribution directe ou indirecte des États au financement des programmes et infrastructures spatiales reste essentielle. Les applications commerciales, bien qu’indispensables et en forte croissance, ne suffisent en général pas à couvrir l’ensemble des coûts de développement, de déploiement et d’opération des infrastructures spatiales. Dès lors, les orientations retenues par la puissance publique en matière de politique spatiale sont primordiales. Pour identifier les priorités stratégiques de la filière spatiale française tout en optimisant l’investissement public dans ce secteur, le Comité de concertation État-industrie sur l’Espace (COSPACE) rassemble les représentants des ministères concernés, les communautés scientifiques, le CNES, le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), les industriels (des maîtres d’œuvre jusqu’aux PME et aux startups), les opérateurs et les fournisseurs de services.
L’industrie spatiale européenne s’est fortement structurée au cours des années 2010 avec l’émergence d’un maître d’œuvre principal pour les lanceurs (ArianeGroup, alliance d’Airbus et du motoriste Safran dont la filiale Arianespace est l’opérateur des lancements depuis le Centre Spatial Guyanais), et de trois maîtres d’œuvre concurrents pour les systèmes satellitaires (Airbus Defence & Space (ADS), Thales Alenia Space (TAS) et l’allemand Orbitale Hochtechnologie Bremen (OHB)). Aussi les agences spatiales ont principalement vocation à assurer la maîtrise d’ouvrage des programmes, la préparation du futur et le soutien à l’excellence technique, en veillant à ce que l’industrie reste à la fois compétitive, innovante et compétente. L’intensité de la concurrence portée par des industriels américains soutenus par la puissance publique au moyen de commandes et d’aides au développement et l’émergence de puissances spatiales, autrefois peu ouvertes à l’exportation, telles que la Chine, l’Inde, le Japon ou Israël, plaident en faveur du soutien de l’État à l’industrie spatiale. C’est plus particulièrement le cas pour le secteur des télécommunications, où les industriels français sont parmi les principaux acteurs mondiaux et font l’objet d’une très forte compétition internationale, dans un contexte de mutation du marché vers de grandes constellations de satellites en orbite basse et une baisse significative des commandes de satellites en orbite géostationnaire.
Les programmes engagés dans le cadre de l’Agence spatiale européenne (ESA) et du programme d’investissements d’avenir (PIA) relatifs à la nouvelle génération de satellites de télécommunications utilisant une propulsion tout électrique se poursuivent. L’objectif est de renforcer l’industrie française et européenne face à ses concurrents transatlantiques. L’État et l’industrie ont engagé des projets ambitieux de développement de plates-formes géostationnaires de nouvelle génération, optimisées pour la propulsion-électrique (NEOSAT, satellite à propulsion électrique), de développement des charges utiles Internet très haut débit (THD) et du segment sol associé très haut débit par satellite (THD-SAT), de développement des processeurs numériques, de communications optiques et d’autres technologies permettant d’intégrer de la flexibilité dans des satellites Internet. Ce sont déjà plus d’une vingtaine de satellites issus des filières NEOSAT et autres filières de satellites tout électriques qui ont été vendus par TAS et ADS.
Enfin, le développement des applications spatiales et des services est stratégique pour la filière des infrastructures spatiales en raison de son impact sur la croissance du marché des satellites et des lanceurs. Le secteur aval commence à se développer mais peine encore à construire des modèles économiques viables. Le CNES a déjà noué plusieurs accords de partenariats avec des acteurs industriels, comme la SNCF, avec des instituts fédérant des filières, comme VEDECOM pour l’automobile, mais aussi avec des régions utilisatrices de services spatiaux. Il a déployé des efforts pour mettre en place des outils d’aide à la diffusion et à l’utilisation des capacités et données spatiales au travers de l’initiative « Connect by CNES ». En complément, le COSPACE accompagne sept dispositifs régionaux d’accélération de projets appelés « Boosters » qui regroupent des acteurs du spatial, du numérique et des domaines applicatifs. Ces structures, portées par des pôles de compétitivité, ont pour mission de faire émerger des projets innovants valorisant les données spatiales grâce aux technologies numériques, de créer un environnement favorable au rapprochement des acteurs de différents secteurs et d’accompagner les entreprises qui développent et commercialisent ces nouveaux services. En plus d’une présence à Station F, campus de startups, le CNES a également été retenu par BPI-France comme chef de file d’un consortium apporteur d’affaires pour le fonds d’investissement « French Tech Seed » afin de compléter cet effort de soutien à un nouvel écosystème. L’État s’est saisi de cet enjeu dans le cadre du plan de relance spatial à travers un dispositif dédié à la filière aval du spatial. Il s’agit de la première étape d’une politique industrielle orientée vers la structuration par l’aval de la filière spatiale française. Les activités commerciales en lien avec les applications spatiales et les usages connaissent en effet une croissance importante.
C’est à l’échelle européenne que l’ensemble des moyens disponibles pour la définition d’une politique spatiale d’envergure susceptible d’assurer et de renforcer la position de leadership européen doivent être mobilisés de manière efficace. Si historiquement la maîtrise d’ouvrage des programmes spatiaux européens était assurée par l’Agence spatiale européenne (ESA) ou Eumetsat, l’Union européenne joue désormais un rôle majeur dans le secteur spatial et a adopté le plus important budget spatial de son histoire dans le Cadre Financier Pluriannuel 2021-2027. Il permettra la montée en puissance des programmes Copernicus (développement des services ; 8 satellites Sentinel en orbite actuellement, une nouvelle génération de satellites en cours de développement), EGNOS et Galileo (26 satellites en orbite depuis juillet 2018 et premiers services opérationnels depuis fin 2016), ainsi que le lancement de nouveaux programmes portant sur la surveillance de l’espace (SSA/SST) ou les communications gouvernementales par satellite (GovSatCom).
L’Union a d’autre part adopté un règlement spatial européen en mai 2021 auquel la France a très largement contribué. En outre, la Commission européenne a négocié avec l’ESA et l’EUSPA (la nouvelle agence de l’Union pour le programme spatial créée par le règlement spatial) un accord de partenariat financier tripartite (FFPA) qui a été finalisé en juin 2021 pour la mise en œuvre du programme spatial.
La stratégie spatiale française en Europe est définie en cohérence avec les résolutions prises par les ministres européens lors des différentes réunions du Conseil espace conjoint à l’UE et l’ESA. Elle s’exprime à l’occasion des Conférences ministérielles de l’ESA dont le prochain aura lieu en novembre 2022 à Paris. Cette conférence déterminera les engagements de la France pour les trois prochaines années en termes de soutien stratégique pour le domaine des lanceurs ainsi que pour les activités des industriels français sur les systèmes orbitaux (sciences, exploration, télécommunications, observation de la Terre, etc.). A l’issue de la dernière conférence ministérielle qui s’est déroulée en 2019 à Séville, la France a été le premier contributeur à l’ESA sur les programmes lanceurs et le troisième dans le domaine des satellites. Alternativement, certains programmes spatiaux ambitieux sont développés en coopération bilatérale directe entre le CNES et la NASA (exploration martienne, par exemple) ou d’autres partenaires étrangers (Chine, Inde, Japon, etc.), ou en coopération entre l’ESA et des grands partenaires non européens (NASA, Roscosmos).
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance |
Objectif 1 | Intensifier le rayonnement international de la recherche et de la technologie spatiales françaises |
Indicateur 1.1 | Production scientifique des opérateurs du programme |
Indicateur 1.2 | Chiffre d'affaires à l'export de l'industrie spatiale française rapporté aux investissements des cinq dernières années |
Objectif 2 | Garantir à la France et à l'Europe un accès à l'espace libre, compétitif et fiable |
Indicateur 2.1 | Part du marché « ouvert » des lancements de satellites prise par Arianespace |
Indicateur 2.2 | Coût moyen du lancement de satellites par le lanceur Ariane 5 |
Objectif 3 | Maîtriser les technologies et les coûts dans le domaine spatial |
Indicateur 3.1 | Tenue des coûts, des délais et des performances pour les 10 projets phares du CNES |
Objectif 4 | Intensifier les efforts de valorisation de la recherche spatiale dans le but de répondre aux attentes de la société |
Indicateur 4.1 | Nombre d'instruments spatiaux développés ou co-développés par la France utilisés à des fins applicatives |
Objectif 5 | Parfaire l'intégration européenne de la recherche spatiale française |
Indicateur 5.1 | Taux de présence des projets européens dans les projets financés par le CNES |