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Présentation stratégique du projet annuel de performances


Claude D'HARCOURT

Directeur général des étrangers en France

Responsable du programme n° 303 : Immigration et asile


Au sein de la mission « Immigration, asile et intégration », le programme 303 « Immigration et asile » regroupe les moyens des politiques publiques relatives à l’entrée, à la circulation, au séjour et au travail des étrangers, à l’éloignement des personnes en situation irrégulière et à l’exercice du droit d’asile. Il est structuré en quatre actions : « circulation des étrangers et politique des visas », « garantie de l’exercice du droit d’asile », « lutte contre l’immigration irrégulière » et « soutien » où sont inscrits les moyens relatifs au fonctionnement courant des services de la direction générale des étrangers en France.


Pour sa mise en œuvre, le responsable du programme s’appuie sur la direction générale des étrangers en France (DGEF), les préfectures, les ambassades et les postes consulaires, les services de police, de gendarmerie (DCPAF, DCI, DGGN) et des douanes, et les services déconcentrés de l’État – notamment l’inspection du travail et les directions régionales et départementales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités. Il bénéficie du concours de deux opérateurs : l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), ce dernier étant présenté dans le projet annuel de performances du programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ». Des établissements de santé participant au service public hospitalier contribuent également au programme dans le cadre des conventions signées avec les préfectures pour la mise à disposition dans les centres de rétention administrative de personnels hospitaliers et des moyens nécessaires à leur activité.


Le droit d’asile est le premier axe du programme.


La pression migratoire qui demeure exceptionnellement élevée en Europe depuis 2015 a eu des répercussions fortes sur le système d’asile français.


Le plan d’action « garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires », adopté par le gouvernement le 12 juillet 2017 s’articule autour de plusieurs objectifs dont celui d’améliorer le traitement des demandes d’asile et les conditions d’accueil. Il prévoit de ramener le délai d’examen des demandes d’asile, par l’OFPRA puis par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) à six mois en moyenne par des mesures d’organisation portant sur chaque étape de la procédure et par le renforcement des moyens sur l’ensemble de la chaîne de l’asile. L’entrée en vigueur des dispositions de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a permis aux acteurs de l’asile de disposer des outils pour mieux répondre à ces objectifs.


Le renforcement des moyens dédiés à l’accueil des demandeurs d’asile et au traitement de la demande d’asile a déjà produit des effets significatifs. C’est le cas pour le premier accueil et l’enregistrement de la demande d’asile dans les guichets uniques pour demandeurs d’asile. Les délais d’enregistrement ont fortement baissé en passant de 18 jours en 2017 à 4 jours en 2020. En 2021, ce délai est inférieur à 3 jours. Un délai réduit est un enjeu prioritaire puisqu’il permet de limiter la constitution de campements, qui ne sont pas dignes humainement et génèrent des troubles à l’ordre public.


Le délai moyen d’instruction de l’OFPRA a été réduit de plus d’un mois entre 2017 (185 jours) et 2018 (150 jours). En 2020, les moyens de l’Office ont été renforcés de façon conséquente (200 ETPT dont 150 dédiés à l’instruction des demandes d’asile), car les délais avaient de nouveau augmenté en 2019 (161 jours) en raison du dynamisme de la demande d’asile des années précédentes. Si la demande d’asile a baissé brutalement la même année de 27 % dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, la crise sanitaire a également eu un impact sur l’activité décisionnelle de l’Office, qui a rendu près de 90 000 décisions, et sur le délai de traitement, qui s’est accru mécaniquement en atteignant 262 jours. Cette augmentation s’explique par la baisse de l’activité décisionnelle de l’établissement, le vieillissement du stock, en particulier lors du premier confinement, puis la réorientation de l’activité vers le traitement du stock ancien. En 2021, l’OFPRA devrait rendre environ 153 000 décisions, avec un stock qui s’établirait aux alentours de 45 000 dossiers à la fin de l’année (en juillet 2021, le stock avait déjà baissé de près d’un tiers par rapport à décembre 2020), et un délai moyen d’environ 150 jours. En 2022, l’OFPRA devrait rendre environ 170 000 décisions et le délai devrait se situer entre 60 et 90 jours.


L’OFPRA met en œuvre des mesures portant sur chaque étape de la procédure, et notamment sur la réduction du délai entre l’introduction d’une demande d’asile et l’envoi d’une convocation grâce à un nouveau processus de lancement automatisé des convocations. Les dispositions de la loi du 10 septembre 2018 lui permettent en outre de moderniser les modalités de convocation aux entretiens et de notification des décisions en privilégiant la voie électronique. Cette nouvelle étape de la dématérialisation a été lancée en 2020 de manière progressive dans deux régions (Bretagne et Nouvelle Aquitaine). La généralisation a été interrompue par la crise sanitaire et a dû être décalée à 2021.


De son côté, la CNDA (programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives ») a réduit son stock de 20 % en 2019 (de 36 868 à 29 495 dossiers) grâce à un niveau de décisions en progression (66 464 décisions). La dégradation du délai moyen (de 6 mois et 15 jours en 2018 à 7 mois et 5 jours en 2019) s’explique par l’effort de la Cour pour traiter les dossiers dont l’ancienneté dépassait un an. En 2020, la crise sanitaire a sérieusement entamé la capacité de décisions de la CNDA (42 025 décisions,- 37% par rapport à 2019), qui a vu son stock augmenter en même temps que son délai moyen (8 mois et 8 jours en 2020 contre 7 mois et 5 jours en 2019). En 2022, la Cour devrait rendre entre 83 0000 et 86 000 décisions et donc se rapprocher de son délai cible.


Par ailleurs, l’amélioration des conditions d’accueil se poursuit avec la mise à niveau de notre dispositif d’hébergement dédié aux demandeurs d’asile. En 2021, près de 4 700 places supplémentaires devraient être autorisées pour les demandeurs d’asile : 3 000 places de CADA et 1 000 places de CAES sur les crédits du programme 303, auxquelles pourraient s’ajouter jusqu’à 700 places de CAES sur le programme 363 de la mission « Plan de relance », portant le parc dédié à plus de 103 000 places d’hébergement. En 2022, sous réserve que les crédits prévus pour l’allocation aux demandeurs d’asile (ADA) s’avèrent suffisants au regard des informations connues à la fin du premier semestre, 4 900 places supplémentaires pourraient ouvrir (1 500 en CAES et 3 400 en CADA) à la mi-année.


Le nouveau schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés, qui présente une feuille de route pluriannuelle pour la période 2021-2023, est articulé autour de deux exigence majeures : mieux héberger et mieux accompagner les demandeurs d’asile et les réfugiés conformément aux exigences de la directive dite « accueil » n°2013/33/UE du 26 juin 2013. Améliorer l’accès à l’hébergement dans un contexte de quasi-saturation du parc d’hébergement des demandeurs d’asile implique d’actionner conjointement plusieurs leviers. Outre la réduction des délais de traitement des demandes, déjà évoquée, la création de nouvelles places d’hébergement, l’augmentation de la fluidité du parc et le rééquilibrage au niveau national de la prise en charge des demandeurs d’asile sur le territoire sont ainsi les pistes à privilégier. Au-delà des efforts engagés pour accroître autant que possible le parc d’hébergement, des marges de manœuvre existent encore pour simplifier la structuration et les modalités de gestion du parc d’hébergement. Les contrats pluriannuels de performance d’objectifs et de moyens qui permettent aux opérateurs d’asseoir leur action et leur gestion du parc dans le temps sont développés sur l’ensemble du territoire.


Afin de répondre aux difficultés engendrées par la forte polarisation de la demande d’asile au sein de certains territoires comme l’Île-de-France, la loi du 10 septembre 2018 a prévu un mécanisme d’orientation régionale directive des demandeurs d’asile. Ce nouveau dispositif, dont la montée en charge progressive doit s’achever en 2023 dans le cadre de ce schéma national, est de nature à assurer un rééquilibrage territorial de la prise en charge des demandeurs d’asile en orientant mensuellement environ 2 500 demandeurs d’asile depuis l’Île-de-France vers les autres régions du territoire. Ce mécanisme permettra de rompre à terme avec une gestion de l’urgence qui mobilise le plus souvent des dispositifs d’hébergement coûteux, en particulier en Île-de-France.


La loi prévoit aussi que les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) transmettent à l'OFII la liste des demandeurs d'asile et des bénéficiaires d'une protection internationale hébergés dans l’hébergement généraliste. Ces échanges, qui permettent aux demandeurs d’asile et aux réfugiés de bénéficier d’une solution adaptée et aux acteurs de l’hébergement de renforcer leur connaissance partagée des publics, continueront d’être encouragés.


L’amélioration de notre dispositif d’hébergement dédié aux demandeurs d’asile implique également de renforcer la part des demandeurs d’asile hébergés en améliorant l’intégration des bénéficiaires d’une protection internationale et le retour des déboutés du droit d’asile. Pour certaines catégories de déboutés comme ceux issus de pays d’origine sûrs (POS), la loi permet désormais de prendre une obligation de quitter le territoire (OQTF) dès le rejet de la demande par l’OFPRA, même dans le cas d’un recours auprès de la CNDA. Cette mesure est complétée par l’assignation à résidence dans les dispositifs de préparation et d’aide au retour (DPAR) qui ont été renforcés de 1 190 places en 2021 dans le cadre du plan de relance, ainsi que le recours au référé « mesures utiles » permettant d’assurer une meilleure exécution des décisions de sortie de l’OFII. Pour les bénéficiaires d’une protection internationale, des mesures ont été engagées dans le cadre du comité interministériel à l’intégration du 5 juin 2018 pour favoriser leur insertion sociale et professionnelle et les accompagner vers le logement ou dans des dispositifs adaptés, comme les centres provisoires d'hébergement (CPH) pour les plus vulnérables (dispositifs financés sur le programme 104).


La politique d’asile s’inscrit par ailleurs dans un cadre européen en évolution. Plusieurs textes relatifs à l’asile sont en cours de discussion. Leur adoption est importante pour rendre le système européen d’asile plus harmonisé, plus robuste face aux crises et plus solidaire. À cet égard, la réforme du règlement Dublin III est un objectif essentiel, notamment pour mieux gérer les arrivées par la Méditerranée et limiter les flux secondaires. La France reste en effet confrontée à un niveau élevé de flux secondaires. Pour y faire face, outre la réforme du règlement, le gouvernement a choisi de créer des pôles régionaux de mise en œuvre de la procédure Dublin afin d’augmenter le nombre de transferts vers les États membres. Notre efficacité dans la mise en œuvre du règlement Dublin s’est sensiblement améliorée, avec un nombre de personnes transférées vers les pays européens responsables de l’examen de leurs demandes d’asile multiplié par dix entre 2015 (525) et 2019 (5 674).


Une politique d’immigration adaptée au contexte économique et social constitue le second axe du programme 303.


La politique dans le domaine de l’immigration régulière repose sur la délivrance de titres de séjour aux personnes pouvant y prétendre dans le respect des conditions d’entrée et de séjour. Elle doit évoluer pour répondre aux enjeux d’attractivité de la France dans certains domaines. Ainsi l’immigration étudiante fait l’objet d’une attention particulière afin de maintenir le rayonnement de la France en la matière, quatrième pays à accueillir des étudiants internationaux et premier pays non anglophone. La politique migratoire doit permettre par ailleurs de répondre aux besoins de profils internationaux et de compétences de haut niveau pour les secteurs innovants et le réseau des start-up notamment. La loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie consacre ces orientations en faisant évoluer le passeport talent « salarié qualifié/entreprise innovante » afin de répondre davantage aux situations de ce secteur économique et en offrant aux étudiants chercheurs la possibilité de chercher un emploi en France à travers la carte de séjour temporaire d’un an « recherche d’emploi ou création d’entreprise ».


Indissociable de la politique menée dans le domaine de l’immigration légale, la lutte contre l’immigration irrégulière se caractérise par un renforcement des contrôles aux frontières, des mesures d’éloignement, de lutte contre la fraude documentaire et à l’identité et de lutte contre les filières. Elle se traduit, sauf circonstances humanitaires, par des refus d’admissions au séjour, par des renvois dans d’autres États membres de l’Union européenne et par des retours dans les pays d’origine ou dans tout État où l’étranger serait admissible au séjour, ces retours pouvant être assortis d’incitations financières ou d’aides à la réinsertion versées par l’OFII. La lutte contre l’immigration irrégulière s’accompagne également d’un investissement dans des dispositifs destinés à corriger la vulnérabilité des titres et améliorer les contrôles. L’accent est mis sur la lutte contre les filières d’immigration clandestine qui exploitent les victimes de la misère humaine et qui les placent dans des situations favorisant leur exploitation.


En matière de lutte contre l’immigration irrégulière, la loi 10 septembre 2018 a renforcé les outils mis à la disposition des forces de l’ordre (clarification et sécurisation du droit de la non admission, renforcement de l’efficacité de la retenue pour vérification du droit au séjour), tout en accroissant l’efficacité de la rétention administrative (allongement de sa durée dont un premier bilan fin 2019 met en évidence une utilisation conforme aux objectifs fixés par la loi, extension du délai d’appel suspensif du parquet).


Parallèlement au renforcement de l’effectivité des retours forcés, le ministère de l’intérieur entend diversifier les outils pour favoriser les retours volontaires en lien avec l’OFII. Les dispositifs d’aide à la préparation au retour, lancés en 2016, ont été pérennisés en 2019 et renforcés en 2020. Un ambitieux plan de création de 1 100 places de DPAR est prévu en 2021 et 2022 dans le cadre du plan de relance. Par ailleurs, il est attendu en 2021 le plein effet de la loi du 10 septembre 2018 qui prévoit que la possibilité de l’aide au retour est ouverte, sous certaines conditions, aux étrangers en situation irrégulière placés en rétention administrative.


Enfin, un effort important est réalisé dans le cadre de la lutte contre l’immigration irrégulière avec un plan ambitieux d’ouverture de places en CRA.


L’efficacité de la lutte contre l’immigration irrégulière repose également sur une coopération approfondie avec nos partenaires européens et avec les pays d’origine et de transit. Dans le cadre du volet international du plan « Garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires », lancé le 12 juillet 2017. Ce travail commence à porter ses fruits avec une nette amélioration de la coopération consulaire de la part des principaux pays d’origine concernés par l’immigration irrégulière en France.


Enfin, de multiples facteurs politiques, économiques et sociaux, aussi bien en France qu’aux niveaux européen et international, peuvent affecter les résultats du programme. Il s’agit notamment :

  • au niveau de l’Union européenne : de l’élaboration progressive d’une politique européenne en matière d’immigration, d’intégration, d’asile et de co-développement ;

  • au plan international : des mouvements migratoires inédit par leur ampleur, observés en Europe et en France, depuis 2015, ainsi que de la qualité de la coopération notamment au plan consulaire et avec les pays de retour ;

  • au niveau national : des moyens mobilisables dans la lutte contre l’immigration irrégulière dans un contexte marqué notamment par le rétablissement des contrôles aux frontières depuis novembre 2015 en raison de la menace terroriste.



Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance


Objectif 1

Optimiser la prise en charge des demandeurs d'asile

Indicateur 1.1

Part des demandeurs d'asile hébergés

Indicateur 1.2

Part des places occupées par des demandeurs d'asile et autres personnes autorisées

Objectif 2

Réduire les délais de traitement de la demande d'asile

Indicateur 2.1

Délai de l'examen d'une demande d'asile par l'OFPRA

Indicateur 2.2

Taux de transfert des demandeurs d'asile placés sous procédure Dublin

Objectif 3

Améliorer l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière

Indicateur 3.1

Nombre de retours forcés exécutés

Indicateur 3.2

Nombre d'éloignements et de départs aidés exécutés