Présentation stratégique du projet annuel de performances |
Jean-Baptiste GOURDIN |
Directeur général des médias et des industries culturelles |
Responsable du programme n° 334 : Livre et industries culturelles |
En matière de livre et, plus largement, d’industries culturelles (cet ensemble, outre le livre, englobant notamment les secteurs de la musique, du cinéma, de l’audiovisuel et du jeu vidéo), l’intervention publique vise à favoriser la diversité et le renouvellement de la création, ainsi que sa diffusion auprès des publics les plus larges. Il s’agit d’un enjeu de démocratie car la richesse de la création et la capacité du public à y accéder sont des conditions essentielles, non seulement de l’épanouissement de chacun, mais également de la cohésion de la collectivité dans son ensemble. À cet égard, l’action de l’État dans le domaine des industries culturelles n’a évidemment pas vocation à se substituer à celle des acteurs privés, vecteurs spontanés de la création et garants de son originalité ; elle se donne en revanche pour objectif légitime d’assurer certains équilibres, notamment en termes de diversité et d’accès à l’offre, que les règles économiques du marché n’assurent pas à elles seules. La loi du 10 août 1981 sur le prix du livre – dont les principes ont été étendus à l’univers du numérique par la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique – et le crédit d’impôt en faveur de la production phonographique sont à ce titre emblématiques de la politique du ministère de la Culture en faveur de la diversité de la création. Plus généralement, le contexte numérique conduit à faire évoluer les modalités de l’intervention publique, aussi bien en matière normative que de soutien et de régulation, afin de maintenir un équilibre économique propice à la diversité de la création.
Créé en loi de finances pour 2011, le programme 334 « Livre et industries culturelles » regroupe, au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles », les crédits spécifiquement attribués par l’État, d’une part, à sa politique en faveur du livre et de la lecture (action 1) et, d’autre part, aux priorités du ministère de la Culture en matière d’industries culturelles, et plus spécialement dans le domaine de la musique enregistrée (action 2).
S’agissant du livre et de la lecture, la politique de l’État consiste à favoriser le développement de la création littéraire et la diffusion la plus large possible du livre et des pratiques de lecture, à travers l’action des différents acteurs concernés : auteurs, éditeurs, diffuseurs/distributeurs, libraires, collectivités territoriales, bibliothèques.
Si la lecture publique est une compétence décentralisée, l’État accentue son effort d’accompagnement des collectivités territoriales dans le développement et la modernisation de leurs bibliothèques. Relayant une ambition présidentielle approfondie par le rapport d’Erik Orsenna, le plan Bibliothèques du Gouvernement a pour objectif de soutenir l’extension de l’ouverture des bibliothèques (« ouvrir plus ») et l’élargissement de leurs missions vers les champs éducatif, culturel et social (« offrir plus »). L’État contribue aussi à la poursuite du maillage du territoire en équipements de lecture publique et à la mise à niveau de leur offre, en particulier en matière de lutte contre l’illettrisme et la fracture numérique. Cet accompagnement se traduit dans les différentes aides portées par le programme 334 ou d’autres programmes budgétaires (principalement le programme 119 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ou encore le programme 361 de la mission « Culture »), comme par un travail d’expertise et de conseil, au travers notamment de l’exercice du contrôle scientifique et technique prévu par le Code du patrimoine ou des synthèses de l’activité des bibliothèques territoriales produites par l’Observatoire de la lecture publique.
L’État joue en outre un rôle moteur en matière d’expérimentation et d’innovation dans les pratiques de lecture. Cette politique passe soit par des opérations expérimentales sur les objectifs nationaux que constituent l’éducation artistique et culturelle ou l’éducation aux médias et à l’information, soit par un soutien aux associations qui développent des actions originales en direction de certains publics, en particulier les plus éloignés de la lecture (publics empêchés notamment). En la matière, la Bibliothèque publique d’information (Bpi), établissement public de référence, joue un rôle de laboratoire au service de toutes les bibliothèques, en expérimentant certaines pratiques pour élargir et diversifier les publics qui la fréquentent.
L’État s’attache parallèlement à la valorisation des collections patrimoniales dont les personnes publiques sont propriétaires, qu’elles soient conservées au sein de la Bibliothèque nationale de France (BnF) ou bien dans des bibliothèques relevant de collectivités territoriales. L’Etat soutient ainsi l’enrichissement, le signalement et la numérisation de ces collections, notamment au travers de la politique de coopération de la BnF dont Gallica et le catalogue collectif de France constituent les programmes les plus emblématiques. Il s’emploie aussi à préparer, au travers de l’adaptation du dépôt légal, la conservation de la production numérique, toute à la fois reflet de l’activité des industries culturelles et partie essentielle de notre patrimoine de demain.
La politique publique en direction de l’économie du livre vise à promouvoir et maintenir la diversité éditoriale. Elle s’appuie pour cela sur une approche dynamique de la propriété littéraire et artistique, sur une régulation économique spécifique au secteur et sur un ensemble d’interventions ciblées tendant à encourager la diversité des acteurs de la « chaîne du livre », notamment la librairie indépendante qui demeure le principal lieu de diffusion des titres à vente lente.
De manière transversale, cette politique prend particulièrement en compte le défi du numérique, tant dans ses aspects patrimoniaux (dépôt légal numérique, œuvres libres de droits) que pour ce qui concerne la diffusion commerciale des livres, dans le respect du droit d’auteur (cf. directive sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique adoptée le 17 avril 2019) et du principe fondamental de rémunération de la création. Ce défi numérique est également une opportunité pour le développement de l’accès à la lecture pour les personnes en situation de handicap, pour lequel le ministère de la culture œuvre avec l’ensemble des acteurs de la chaîne du livre numérique, en lien avec le secrétariat d’Etat chargé des personnes handicapées.
Dans ce contexte, l’année 2022 sera principalement marquée, dans le domaine du livre et de la lecture, si la situation sanitaire le permet, par :
• le retour à un fonctionnement normal des bibliothèques et une reconquête des usagers perdus lors des derniers mois ;
• le maintien de la dynamique d’élargissement des horaires d'ouverture et de transformation des bibliothèques territoriales ;
• une consolidation de la formation des agents et des bénévoles œuvrant dans les bibliothèques territoriales ;
• la poursuite des actions prioritaires engagées en faveur du développement de la lecture, au niveau central comme au niveau déconcentré, avec notamment le développement du dispositif des contrats territoire lecture, la progression du nombre des contrats à destination des bibliothèques départementales et la montée en puissance des actions d’éducation artistique et culturelle ou d’éducation aux médias et à l’information ;
• l’achèvement du chantier de rénovation du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (BnF), qui ouvrira au public en 2022, l'amorçage du projet de création d'un nouveau centre de stockage de la BnF dans la continuité de l'appel à manifestation d'intérêts du 29 juin 2020, et la préparation du projet de rénovation de la Bibliothèque publique d’information (Bpi), en lien avec celle du Centre Pompidou (CNAC-GP) ;
• la mise en œuvre des orientations stratégiques retenues dans le cadre des contrats d’objectifs et de performance de la BnF, de la Bpi et du Centre national du livre (CNL);
• la création d’une Maison européenne du dessin de presse et du dessin satirique, projet porté par Maryse Wolinski et la communauté des dessinateurs de presse, auquel l'Etat contribuera en 2022 à hauteur de 2 M€, en collaboration avec les collectivités partenaires du site retenu;
• la mise en œuvre pour la période 2022-2024 des conventions de mise à disposition des conservateurs d’État des bibliothèques dans les 54 bibliothèques municipales ou intercommunales classées ;
• la poursuite du dialogue avec les auteurs et l’ensemble des créateurs dans le contexte de la modernisation des règles de leur protection sociale et de leur régime fiscal ;
• le renforcement de la politique de soutien au réseau de librairies, à travers une aide exceptionnelle à la modernisation de leurs solutions de vente à distance dont la crise a montré la grande utilité ;
• l’organisation d’un événement institutionnel de dimension européenne consacré aux grands enjeux pour le livre et la lecture dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne ;
• l’approfondissement de la démarche en faveur du développement de l’édition de livres numériques nativement accessibles aux personnes en situation de handicap, avec en parallèle, la poursuite des travaux de transposition de l’Acte européen d’accessibilité au secteur du livre numérique ;
• L’entrée en vigueur de la proposition de loi, actuellement examinée par le Parlement, relative à l’économie du livre, dont un certain nombre de dispositions auront un caractère structurant pour le secteur (modernisation de la loi de 1981 relative au prix du livre, relations entre auteurs et éditeurs, modernisation du dépôt légal...).
Dans le secteur de la musique enregistrée, l’année 2022 sera marquée par l’achèvement de la montée en puissance des capacités d’intervention du Centre national de la musique (CNM), qui s’est fortement mobilisé, dès sa création au 1er janvier 2020, pour soutenir la filière musicale, très sévèrement affectée par la crise sanitaire. Dans ce contexte, et face à un secteur dont la reprise d’activité reste fragile, le CNM a été doté de moyens budgétaires supplémentaires, sa dotation progressant de 5 M€.
Le CNM a par ailleurs atteint en 2021 son périmètre opérationnel complet, après l’intégration le 1er novembre 2020 des associations d’intérêt général de la filière destinées à le rejoindre (Bureau export de la musique, Fonds pour la Création Musicale, Club Action des Labels et des Disquaires Indépendants Français, Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles), et le transfert de dispositifs auparavant gérés par le ministère de la Culture (crédits d’impôt en faveur des industries phonographiques et du spectacle vivant depuis le 1er octobre 2020, aide à l’innovation et à la transition numérique de la musique enregistrée en 2021).
En mettant en œuvre dès ses premières semaines d’existence des mesures de soutien d’urgence à la filière musicale, très fortement impactée par la crise sanitaire, le CNM a démontré son rôle stratégique pour l’ensemble du secteur. Il a pour cela bénéficié de moyens exceptionnels à hauteur de 152 M€ en 2020. Afin de poursuivre cette politique de soutien à la filière musicale dans son ensemble, le CNM bénéficie dans le cadre du Plan de relance d’une enveloppe exceptionnelle de 200 M€ issus du programme 363. La première tranche de 170 M€ versée en 2020 est ainsi complétée par une enveloppe de 30 M€ en 2022, qui permettra au CNM de soutenir le redémarrage de l’activité du secteur et de maintenir certains dispositifs de soutien exceptionnel, notamment la sauvegarde des entreprises du spectacle, le renforcement des aides sélectives et la reconstitution du droit de tirage, ou encore le soutien aux auteurs-compositeurs et aux éditeurs exposés à un effet décalé de la crise sanitaire du fait du calendrier des répartitions de droits.
En outre, le ministère poursuit ses actions en faveur du développement de l’entrepreneuriat culturel, les crédits mobilisés à cette fin étant inscrits, depuis 2018, au programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture ».
Ces actions en direction des industries culturelles seront par ailleurs amplifiées en 2022 par les mesures mises en œuvre dans le cadre du Plan de relance, sur les crédits du programme 363, qui permettront de financer le développement de « quartiers culturels créatifs » orientés vers l’entreprenariat culturel et les commerces culturels au sein ou autour de tiers-lieux à hauteur de 1,5 M€, ou encore le soutien à des projets et actions permettant la mise en valeur des contenus culturels francophones en ligne au travers de la mission franco-québécoise sur la découvrabilité numérique (accessibilité et visibilité) pour 2 M€ sur la période 2022-2023.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance |
Objectif 1 | Favoriser l'accès du public aux bibliothèques et le développement de la lecture |
Indicateur 1.1 | Fréquentation des bibliothèques |
Indicateur 1.2 | Amélioration de l'accès au document écrit |
Objectif 2 | Soutenir la création et la diffusion du livre |
Indicateur 2.1 | Renouvellement de la création éditoriale |
Indicateur 2.2 | Part de marché des librairies indépendantes |