Carine CHEVRIER |
Secrétaire générale du ministère de la justice |
Responsable du programme n° 101 : Accès au droit et à la justice |
La politique publique en matière d’accès au droit et à la justice doit permettre à toute personne qui le souhaite d’avoir connaissance de ses droits et de les faire valoir, quels que soient sa situation sociale ou son domicile. Elle concerne tous les domaines de la vie quotidienne (travail, logement, consommation, famille, etc.), que l’usager soit demandeur d’information, de diagnostic juridique ou d’aide aux démarches ou encore concerné par une action en justice ou un contentieux familial. Elle associe l’État, les professionnels du droit, le milieu associatif, les collectivités territoriales et est orientée prioritairement vers les personnes pour lesquelles l’accès au droit et à la justice est le moins aisé. Elle comporte quatre volets : l’aide juridictionnelle, l’accès à la connaissance de ses droits, l’aide aux victimes d’infractions pénales, la médiation familiale et les espaces de rencontre parent(s) / enfant(s).
Les 680,0 M€ ouverts par la loi de finances initiale (LFI) pour 2022 traduisaient une hausse annuelle de 16 % qui profitait à toutes les politiques du programme. Grâce à l’ouverture de crédits supplémentaires par les lois de finances rectificatives, les crédits de paiements consommés en 2022 ont atteint 691,6 M€, soit une progression annuelle de 89,8 M€.
Les dépenses d’aide juridictionnelle ont atteint 631,6 M€ contre 552,7 M€ en 2021. Cette croissance s’explique par quatre facteurs d’importance décroissante et, pour les trois derniers, d’effets progressifs avec le temps
La tenue des procès d’assises qui ont fait suite aux attentats perpétrés à Paris en novembre 2015 et à Nice en juillet 2016 dont le coût est estimé à 46 M€ en 2022 ;
Les deux revalorisations successives, en janvier 2021 puis en janvier 2022, de l’unité de valeur servant à calculer la rétribution des avocats ;
L’augmentation du nombre d’unités de valeur allouées à certains contentieux, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2021 ;
La réforme de la justice pénale des mineurs, qui est entrée en vigueur le 30 septembre 2021.
Par ailleurs, observée en 2021 dans le cadre du renforcement des moyens des juridictions au titre de la justice de proximité pour rattraper les effets de la crise sanitaire sur l’activité des juridictions, l’accélération de la prise en charge de l’aide juridictionnelle se poursuit en 2022 avec 82 % des affaires traitées moins de deux ans après leur ouverture, contre 76 % en 2021 et 70 % en 2020.
L’année 2022 est la première année complète au cours de laquelle a été appliquée la réforme dite de l’aide juridictionnelle garantie qui, dans certaines matières, permet aux avocats commis d’office d’être rétribués sans qu’au préalable une demande d’aide juridictionnelle ait été déposée. Comme attendu, cette réforme a rendu plus fluides les échanges entre les greffes des tribunaux, les avocats et les caisses des règlements pécuniaires des avocats.
Par ailleurs, barreaux et tribunaux judiciaires ont montré un intérêt croissant aux conventions locales pour l’aide juridique, dont le nombre est passé de 124 à 143 en un an. En effet, ces conventions allouent des ressources complémentaires aux avocats, par exemple pour leur formation ou leurs interventions dans des permanences, et accroissent ainsi la qualité du service rendu au justiciable.
Enfin, le ministère a poursuivi le développement du nouveau système d’information de l’aide juridictionnelle (projet SIAJ), qui remplace le logiciel métier AJWIN vieillissant. Le but du SIAJ est de simplifier et de dématérialiser de bout en bout le traitement de l’aide juridictionnelle. Il offre ainsi un site sur internet permettant à un usager de déposer et de suivre sa demande d’aide juridictionnelle depuis un ordinateur, une tablette ou un téléphone. Comme un tiers du dossier est pré-rempli, le SIAJ interrogeant France Connect et la DGFIP dans la logique du principe « dites-le-nous une fois », la tâche du justiciable est facilitée et raccourcie. Le site est totalement accessible aux personnes en situation de handicap. En 2022, 8 % des demandes ont été dématérialisées.
Le SIAJ propose également aux juridictions une application modernisée facilitant le travail des agents et harmonisant leurs pratiques. À la fin de l’année 2022, on dénombrait 141 bureaux d’aide juridictionnelle dotés du nouveau système, soit une progression annuelle de 166 %. Le temps de traitement moyen d’un dossier, sur papier ou dématérialisé, a été réduit et, dorénavant, une décision d’aide juridictionnelle est notifiée en moyenne 8 jours après le constat de complétude de la demande.
La politique publique de l’aide à l’accès au droit doit permettre à toute personne d’avoir connaissance de ses droits de manière anonyme, gratuite et sans conditions de ressources. S’agissant d’un élément fondamental du pacte social, la LFI pour 2022 a alloué 12,3 M€ à cette politique – dont 1,6 M€ pour la part contributive du ministère de la justice au fonds national France services –, soit une progression annuelle de 30 %.
Localement, cette politique est conduite par les cent-un conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) et par trois conseils de l’accès au droit (CAD). Les CDAD et les CAD sont chargés de recenser les besoins, de définir et de mettre en œuvre une politique locale, de dresser et de diffuser l’inventaire des actions menées. Ils s’appuient pour ce faire sur le réseau des point-justice. Ils évaluent aussi la qualité et l’efficacité des dispositifs d’accès au droit auxquels l’État apporte son concours. En 2022, les CDAD/CAD ont reçu 9,9 M€ de subventions, soit une hausse annuelle de 17 %.
Le ministère de la justice a continué de renforcer le maillage territorial des point-justice afin que ces lieux d’accueil et de proximité, qui délivrent des conseils et des informations juridiques, soient situés au plus près des usagers. Ainsi, fin 2022, près de 97 % de la population pouvait accéder à un point-justice en moins de 30 minutes par voie routière.
En outre, depuis 2019, le ministère de la justice participe pleinement au programme France services et sa contribution financière a finalement atteint 2,2 M€ en 2022. Localement, les CDAD et les CAD participent activement à la formation initiale des agents affectés dans les France services et en complément de leur propre réseau, créent et financent les point-justice au sein de ces structures.
Enfin, dans la continuité du développement de la justice de proximité, le ministère de la justice consacre des efforts particuliers pour « aller-vers » les usagers, les informer et promouvoir l’accès au droit. Il a ainsi créé en 2021 le numéro « 30 39 ». Ce service, qui permet d’entrer en contact avec le point-justice le plus proche de chez soi et qui a fait l’objet en 2022 d’une campagne de communication nationale, a enregistré plus de 70 000 appels au cours de sa première année complète de fonctionnement.
L’aide aux victimes d’infractions pénales est une composante majeure de l’action gouvernementale en faveur des victimes. Les crédits ouverts en LFI pour 2022 étaient de 40,3 M€, supérieurs de 8,2 M€ à ceux ouverts en 2021. Les paiements ont atteint 38,6 M€, soit une hausse de 25 % par rapport à 2021, et représentaient 96 % des crédits ouverts en LFI.
Les subventions versées aux associations locales intervenant auprès de victimes d’infractions pénales, qui mettent en œuvre la politique publique au plus près des usagers, ont augmenté de 16 % en un an. Les principaux progrès observés sont les suivants :
– un référentiel publié en avril 2022 recense des engagements et dispositifs afin d’améliorer l’accueil, l’aide et l’accompagnement des victimes en juridiction ;
– l’agrément mis en place par le ministère de la justice a constitué un outil au service de la professionnalisation et de l’identification des actions des associations par les victimes, notamment de violences sexistes et sexuelles ;
– des dispositifs d’urgence, tels des astreintes, ont pu être mis en place afin de réduire les délais d’intervention auprès des victimes ;
– le recours à l’évaluation approfondie des victimes les plus vulnérables (EVVI) a été développé.
Par ailleurs, la hausse des moyens dédiés à l’aide aux victimes a permis d’accompagner la montée en puissance de dispositifs mis en place au bénéfice des victimes les plus vulnérables, comme le téléphone grave danger (TGD), qui participe de la volonté gouvernementale de lutter efficacement contre les violences intrafamiliales, ou le suivi des victimes d’infractions dont les auteurs se sont vu imposer un bracelet anti-rapprochement (BAR). Le numéro d’appel « 116 006 » a continué de fournir aux victimes une écoute et une orientation personnalisée vers des structures adaptées.
Concernant les victimes d’acte de terrorisme, l’essentiel des actions en leur faveur a porté sur l’accompagnement des personnes qui se sont constituées parties civiles à l’occasion des procès relatifs aux attentats commis à Paris en 2015 et à Nice en 2016. En outre, le ministère de la justice a contribué au fonctionnement de la cellule interministérielle d’information du public et d’aide aux victimes que le ministère de l’intérieur pilote depuis 2021.
Le soutien apporté à la médiation familiale et aux espaces de rencontre parent(s)/enfant(s) contribue à maintenir les liens familiaux malgré les séparations ou les divorces. La LFI pour 2022 avait alloué 12,3 M€ essentiellement destinés à soutenir un réseau de 310 associations ou services chargés de mettre en œuvre localement cette politique. Au cours de l’année, 11 M€ ont été dépensés. L’augmentation des subventions versées a permis d’améliorer le maillage territorial des organismes de soutien à la parentalité qui doivent être implantées au plus près des familles. Ainsi, neuf nouvelles structures ont été créées en 2022, dont huit espaces de rencontre.
Le recours à la médiation familiale s’inscrit dans la volonté politique forte de développer des modes alternatifs de règlement des différends, énoncée par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et réaffirmée par le ministre de la justice lors du lancement de la politique de l’amiable le 13 janvier 2023. En 2021, 24 064 médiations familiales ont été réalisées. On en comptait 19 786 en 2020, soit une augmentation de 17 % en un an. En conséquence, les dépenses en matière de médiation familiale sont en augmentation de 15 % sur un an, et ont atteint 3,9 M€ en 2022. Elles ont notamment permis de soutenir la poursuite de l’expérimentation de la tentative de médiation familiale préalable obligatoire menée dans onze tribunaux judiciaires
Dans les situations de violences conjugales, les espaces de rencontre sont identifiés comme des lieux permettant l’exercice des droits de visite dans des conditions garantissant la sécurité des enfants et du parent victime des violences. Les subventions versées aux organismes gérant un espace de rencontre ont atteint 7,1 M€ en 2022, soit une progression annuelle de 17 %, afin de répondre à l’augmentation des prescriptions judiciaires. Les situations de violences conjugales ont représenté 32 % des nouvelles mesures prises en charge en 2022.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Favoriser l'accès de tous au droit et à la justice
Indicateur 1.1 : Délai de traitement des demandes d'aide juridictionnelle
Indicateur 1.2 : Part des demandes d'aide juridictionnelle déposées et traitées par voie dématérialisée
Indicateur 1.3 : Part de la population à moins de 30 minutes d'un lieu d'accès au droit (LAD) par voie routière
Objectif 2 : Garantir l'efficience du dispositif d'aide juridictionnelle
Indicateur 2.1 : Coût de traitement d'une décision d'aide juridictionnelle
Indicateur 2.2 : Taux de mise en recouvrement des frais avancés par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle
Objectif 3 : Améliorer l'accompagnement des victimes d'infraction(s)
Indicateur 3.1 : Taux de fréquentation des bureaux d'aide aux victimes (BAV) par les victimes d'infractions pénales