Thomas LESUEUR |
Commissaire général au développement durable |
Responsable du programme n° 190 : Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables |
Le programme 190 couvre la recherche dans les domaines du développement durable, de l’énergie, des risques, des transports, de la construction et de l’aménagement. Le caractère transversal du programme lui confère un rôle stratégique pour le développement de la recherche et de l’innovation au service des politiques de développement durable, ainsi que pour le développement des synergies nécessaires. Le programme 190 s’étend donc sur un large panel de domaines de recherche que sont les nouvelles technologies de l’énergie, le nucléaire, les risques nucléaires et radiologiques, les risques environnementaux, les transports, la construction, l’aménagement, les réseaux et l’aéronautique. Ce dernier domaine de recherche s’inscrit par ailleurs parmi les objectifs de France 2030, soulignant l’enjeu gouvernemental de placer l’économie française sur une trajectoire d’investissement permettant d’atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050.
Pour la recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie (NTE), le programme s’appuie sur les compétences du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et d’IFP Énergies nouvelles (IFPEN).
En 2022, l’IFPEN a poursuivi et accéléré les transformations engagées au niveau de ses programmes de recherche et innovation vers les NTE et l’économie circulaire, en phase avec l’évolution du monde de l’énergie, et au service des enjeux et défis de la triple transition écologique, énergétique et numérique.
Conformément à son contrat d’objectifs et de performance 2021-2023, ses travaux sont axés sur la réduction de l’impact des activités humaines et industrielles sur le climat et l’environnement (décarbonation de l’industrie, captage, stockage et valorisation du CO2, recyclage des plastiques, amélioration de la qualité de l’air, etc.), la production d’énergie, de carburants et d’intermédiaires pour la chimie à partir de sources renouvelables, et le développement de solutions pour des transports efficients et à faible impact environnemental. L’IFPEN s’appuie sur les possibilités offertes par le numérique, avec en particulier un recours accru à l’intelligence artificielle, au calcul intensif et à la valorisation des données massives.
De manière transverse, l’IFPEN accompagne également l’essor de la filière hydrogène sur les segments de la chaîne de valeur où ses compétences sont utiles, une expertise illustrée par sa participation aux groupes de travail Économie et Hydrogène de la future SFEC. Ses innovations prennent la forme de procédés, d’équipements, de logiciels ou encore de services. Focalisée sur les enjeux de la transition écologique, la recherche fondamentale d’IFPEN est structurée autour de verrous scientifiques pour optimiser la contribution de ses résultats à l’effort d’innovation. Les travaux d’IFPEN sont menés en partenariat étroit avec les milieux industriels et académiques, notamment dans le cadre de ses deux instituts Carnot IFPEN Transports Énergie et IFPEN Ressources Énergétiques, ou au travers de son implication dans les stratégies d’accélération pour l’innovation, avec le copilotage de trois PEPR.
Le CEA œuvre dans le domaine du photovoltaïque pour favoriser l’émergence d’une filière industrielle européenne grâce au développement de technologies plus performantes. Ses activités visent également à lever les verrous technologiques d’un système énergétique décarboné avec des travaux sur les batteries, le vecteur hydrogène (production, conversion et stockage) ou encore les réseaux. Enfin, le CEA explore des solutions énergétiques totalement neutres en carbone et économiquement soutenables à l’horizon 2050 dans une logique d’économie circulaire du carbone et des matières.L’année 2022 a également vu la poursuite des études et le dérisquage du projet de réacteur Jules-Horowitz.
En matière de nucléaire civil, le CEA mène des programmes de recherche et d’innovation sur les aspects réacteur et cycle du combustible dans deux grands domaines : le soutien à l’industrie nucléaire française et le développement de systèmes nucléaires innovants allant des petits réacteurs modulaires (SMR) et des réacteurs modulaires avancés (AMR) jusqu’aux réacteurs de puissance de quatrième génération. Il poursuit par ailleurs des études sur la fusion thermonucléaire, en particulier via le projet international ITER. En appui de ses activités historiques dans le domaine nucléaire, le CEA a également développé une expertise en radiobiologie et toxicologie nucléaire.
Dans le domaine des risques, le programme porte les crédits de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES).
À l’écoute des besoins issus des politiques publiques, tout comme des besoins de la société et des acteurs économiques, la recherche de l’INERIS se développe en étroite synergie avec ses activités d’appui et de services aux entreprises. Ses équipes mènent des travaux de recherche appliquée au service de l’évaluation et de la maîtrise des risques technologiques. Ils concernent la compréhension, la simulation, voire l’anticipation des phénomènes dangereux et de l’impact environnemental et sanitaire des polluants chimiques, et le développement d’outils et de méthodes pour maîtriser les risques qu’ils induisent, prévenir leur déclenchement et protéger l’environnement, les personnes et les biens. L’activité de recherche de l’INERIS s’appuie sur des moyens expérimentaux uniques (laboratoires, essais en grand ou in situ), de la modélisation et des expertises de terrain.
Le COP 2021-2025 de l’INERIS identifie trois thématiques structurantes :
maîtriser les risques liés à la transition énergétique et l’économie circulaire ;
comprendre et maîtriser les risques à l’échelle d’un site industriel et d’un territoire ;
caractériser les dangers des substances et leurs impacts sur l’homme et la biodiversité.
L’action de l’IRSN, dans le domaine de l’évaluation des risques nucléaires et radiologiques, se déploie selon deux axes complémentaires : la recherche et l’expertise en appui aux pouvoirs publics et autorités compétentes, dans les secteurs civil et de défense. L’approche stratégique d’ensemble de l’IRSN, telle que définie dans le contrat d’objectif État-IRSN pour la période 2019-2023, s’articule autour de ces deux axes auxquels s’ajoutent une implication renforcée aux cotés des autorités et des pouvoirs publics dans le domaine de la préparation et de la réponse aux situations de crise ainsi que la mise en œuvre d’une politique de transparence et d’ouverture à la société.
L’année 2022 aura été marquée par d’importants jalons et d’importantes réalisations techniques, ainsi que par une nécessité d’adaptation et d’anticipation face aux évènements externes au premier rang desquels la situation de conflit en Ukraine et les risques qui pèsent sur les installations nucléaires de ce pays. Dans ce cadre, et tout au long de l’année, l’IRSN est resté mobilisé pour surveiller, évaluer et informer sur la situation des installations et sur les conséquences potentielles associées.
En matière d’expertise, notons la poursuite de l’examen des dossiers relatifs au réacteur EPR de Flamanville, la mobilisation concernant les problèmes de corrosion sous contrainte affectant certains réacteurs du parc électronucléaire ou bien encore, dans le domaine de la défense, la poursuite, dans le cadre du programme Barracuda, de l’examen des dossiers de sûreté relatifs à la nouvelle génération de sous-marins nucléaires d’attaque avec, en particulier, ceux du Duguay-Trouin.L’année 2022 a également été marquée par la réalisation du deuxième essai (essai CIP1-2B) du programme international CIP visant à étudier le comportement thermomécanique de crayons combustibles des réacteurs du parc électronucléaire et réalisé dans le réacteur CABRI exploité par le CEA. Le programme CIP est placé sous l’égide de l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE, et piloté et financé par l’IRSN.
L’implication et l’activité de l’IRSN en matière de recherche auront été tout aussi soutenues et témoignent de l’engagement de l’Institut au service des politiques publiques, qu’il s’agisse du projet européen de recherche PIANO FORTE, coordonné par l’IRSN et qui rassemble 58 partenaires issus de 25 États membres, marquant une nouvelle étape dans la construction d’une Europe de la radioprotection ou bien encore du lancement d’un programme de recherche sur les systèmes de sûreté dits « passifs » qui devraient être largement utilisés dans les nouveaux concepts de réacteurs nucléaires appelés à être déployés dans le cadre de la transition énergétique.
Ces activités techniques, au cœur des missions de l’IRSN, ne sauraient faire oublier les engagements pris par l’Institut en matière de responsabilité sociétale et d’interaction avec les parties prenantes, avec respectivement le déploiement d’une nouvelle feuille de route pour la politique RSE et le lancement des travaux du comité de dialogue ODISCÉ visant à favoriser de nouvelles interactions sciences-société sur l’expertise des risques nucléaires et radiologiques.
En matière de mesure des impacts de l’environnement sur la santé, l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) affecte la totalité de sa subvention du programme 190 au financement d’appels à projet de recherche dans le périmètre du programme national de recherche environnement-santé-travail (PNREST).
Dans les domaines des transports, de la construction, de l’aménagement et des réseaux, le programme finance deux opérateurs de recherche : l’Université Gustave Eiffel (UGE) et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB).
Pluridisciplinaire, l’Université Gustave Eiffel forme des étudiants dans des domaines de compétences très variés et mène des recherches souvent pluridisciplinaires permettant de progresser, entre autres, sur les trois ambitions phares du projet scientifique sur la ville de demain I-Site FUTURE : avancer vers des villes justes et équitables, vers des villes sobres et frugales, et vers des villes sûres et résilientes. Avec un axe fort autour des thématiques de la ville, l’offre de formation de l’Université Gustave Eiffel en porte l’écho, tout en maintenant son engagement dans les domaines que ses établissements investissaient déjà comme les arts, lettres, langues, sciences humaines et sociales, l’informatique, les sciences appliquées, etc. Elle comprend également l’architecture et les domaines associés. L’Université Gustave Eiffel est par ailleurs la première université française en nombre d’alternants.
Le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) est un établissement public industriel et commercial qui reçoit pour mission de l’État de procéder ou de faire procéder à des recherches scientifiques et techniques directement liées à la préparation ou à la mise en œuvre des politiques publiques en matière de construction et d’habitat. Les recherches prévues contribuent à la transition écologique et énergétique, à la transition numérique et à la compétitivité du secteur.
Afin de répondre à ces grands enjeux, l’activité du CSTB se structure autour de quatre domaines d’action stratégiques : bâtiments et quartiers pour bien vivre ensemble ; bâtiments et villes face au changement climatique ; innovation, fiabilisation de l’acte de construire et Rénovation ; économie circulaire et ressources pour le bâtiment.En 2022, l’actualité scientifique du CSTB a été marqué la publication d’un guide pratique à destination des acteurs du secteur bâtiment pour optimiser leurs opérations de déconstruction sélective, par la reconnaissance de l’excellence des chercheurs du CSTB (prix international du meilleur jeune chercheur sur la Qualité de l’Air Intérieur), par les résultats encourageants du Projet SEREINE visant à faire progresser la mesure de la performance énergétique des bâtiments après travaux de rénovation conduisant à prolonger le dispositif pour trois ans, dans le cadre de PROFEEL 2 (2022-2024) et enfin par la validation de la démarche de recherche dédiée à l’élaboration d’une méthodologie de réhabilitation globale et performante des écoles marseillaises par la Ville de Marseille et l’État.
Dans le domaine de l’aéronautique civile, le programme soutient des recherches à long terme, déterminantes pour les performances notamment environnementales des appareils de nouvelle génération et pour la compétitivité de l’ensemble de la filière aéronautique française. En effet, l’industrie aéronautique se caractérisant par la longueur de ses cycles et l’intensité capitalistique des projets, le marché seul ne peut répondre aux besoins de financement des industriels pour les phases de recherche technologique et de développement. Les soutiens sont accordés sous forme soit de subvention à la recherche, soit d’avance récupérable.
L’action de soutien à la R&D aéronautique du plan de relance a été dotée d’une enveloppe de 1,5 Md€ sur la période 2020-2022, à laquelle s’ajoutent 75 M€ de crédits complémentaires au titre de l’action aéronautique de France 2030. Sur l’année 2022, l’intégralité des dotations en AE (186 M€) et en CP (445,4 M€) ont été consommées, comme cela avait déjà été le cas en 2020 et 2021, dont 186 M€ en AE et 335 M€ en CP issus du plan de relance et transférés au programme en cours de gestion.
L’action de soutien à la R&D aéronautique du Plan de Relance, opérée par la DGAC, vise à mettre en œuvre la feuille de route que l’État a définie en concertation avec les industriels français dans le cadre du CORAC lors de la préparation du plan de soutien aéronautique. Cette feuille de route est structurée autour d’une vingtaine de grandes thématiques, qui couvrent l’intégralité des grands domaines d’excellence de la filière nationale. Elle présente une forte ambition tant du point de vue du calendrier que du niveau de rupture technologique visés.
Le volet R&D du plan de relance aéronautique a permis de soutenir près de 230 projets prioritaires, globalement cohérents sur le plan technique et calendaire, couvrant tous les domaines clés de la nouvelle feuille de route du conseil pour la recherche en aéronautique civile (CORAC), en particulier : l’avion de ligne ultra sobre (voilure à grand allongement, gestion optimisée de l’énergie, allègement des structures, ...), les nouveaux moteurs ultra efficaces (moteurs à très grand taux de dilution) et leur intégration à l’avion, l’hybridation électrique de la propulsion, l’avion à hydrogène (études préliminaires de configuration avion, d’architecture et de sécurité d’une chaîne de propulsion complète, étude de conception d’un réservoir à hydrogène cryogénique, ...), les hélicoptères ultra sobres et hybrides/électriques, la compatibilité des aéronefs avec 100 % de carburants d’aviation durables, ou encore l’optimisation des opérations aériennes pour réduire la consommation de carburant.
Au total, plus de 70 % des soutiens engagés contribuent directement à la transition écologique de l’aviation, via des travaux d’exploration et de montée en maturité des technologies clés de décarbonation. Le restant y contribue indirectement, via la recherche de gains d’efficacité et de productivité sur tout le cycle de vie des appareils qui garantiront la compétitivité et l’insertion rapide des futurs aéronefs bas carbone dans les flottes en service.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Développer l'excellence des instituts de recherche au niveau européen et international
Indicateur 1.1 : Production scientifique des instituts de recherche du programme
Indicateur 1.2 : Part des financements européens dans les ressources totales de recherche des instituts de recherche
Objectif 2 : Développer les recherches partenariales entre acteurs publics et entre acteurs publics et privés et valoriser les résultats de la recherche
Indicateur 2.1 : Part des contrats passés avec les industriels et les partenaires dans les ressources des instituts de recherche
Indicateur 2.2 : Part des ressources apportées aux opérateurs par les redevances sur titre de propriété intellectuelle
Objectif 3 : Accroître, par la recherche, la compétitivité et la sécurité nucléaire sur l'ensemble du cycle
Indicateur 3.1 : Maîtrise du déroulement de certains grands projets du CEA
Objectif 4 : Soutenir par la recherche, le développement des nouvelles technologies de l'énergie (NTE) et de l'efficacité énergétique
Indicateur 4.1 : Mesure des transferts des technologies NTE auprès des industriels à partir des travaux du CEA et de l'IFP EN
Objectif 5 : Produire les connaissances scientifiques et l'expertise nécessaires au maintien d'un très haut niveau de protection contre les risques nucléaires et radiologiques
Indicateur 5.1 : Taux de satisfaction des bénéficiaires de l'expertise de l'IRSN (services de l'État et autorités de sûreté)
Objectif 6 : Soutenir l’effort de R&D de la filière aéronautique civile et orienter prioritairement cet effort vers la transition écologique de l’aviation
Indicateur 6.1 : Part des crédits dédiés à la préparation technologique et au développement des avions de transport zéro émission ou ultra sobres
Indicateur 6.2 : Nombre de brevets déposés dans le cadre des projets de R&D soutenus
Indicateur 6.3 : Montant d’autofinancement des dépenses de R&T de la filière aéronautique civile