Eric JALON |
Directeur général des étrangers en France |
Responsable du programme n° 303 : Immigration et asile |
Au sein de la mission « Immigration, asile et intégration », les politiques publiques portées par le programme 303 « Immigration et asile » répondent aux deux objectifs de garantie de l’exercice du droit d’asile et d’une maîtrise des flux migratoires.
GARANTIR L’EXERCICE DU DROIT D’ASILE
A la suite de l’invasion de l’Ukraine par les forces armées russes le 24 février 2022, le Conseil de l’Union européenne a décidé d’actionner le dispositif exceptionnel de protection temporaire pour faire face aux déplacements massifs de populations dans les pays membres de l’Union. Ce dispositif visait à octroyer aux personnes concernées une protection internationale immédiate à laquelle étaient associés un certain nombre de droits, évitant ainsi la saturation des systèmes d’asile nationaux.
En France, les droits attachés à la protection temporaire ont été déclinés de la manière suivante :
la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour (APS) sur le territoire français d’une durée de 6 mois portant la mention « bénéficiaire de la protection temporaire »,
le versement de l’allocation pour demandeur d’asile,
l’accès à un hébergement d’urgence ainsi qu’un soutien dans l’accès au logement,
l’accès aux soins par une prise en charge médicale,
la scolarisation des enfants mineurs,
l’autorisation d’exercer une activité professionnelle.
Entre les mois de mars et de décembre 2022, les préfectures ont délivré plus de 141 000 APS, dont plus de 86 000 primo-demandes. En ajoutant les mineurs, qui ne sont pas comptabilisés dans les APS, ce sont plus de 100 000 personnes qui ont été accueillies en France, en majorité des femmes seules ou accompagnées d’enfants.
Dans ce contexte, le Gouvernement, par l’instruction du 10 mars 2022 des ministres chargés de l’intérieur, des solidarités et de la santé, de la transition écologique et de la citoyenneté, a chargé les préfets de départements de mettre en œuvre et de coordonner les opérations d’accueil. Un plan national d’accueil a été déployé sous l’égide d’une cellule interministérielle de crise (CIC-Ukraine) pour répondre aux besoins de prise en charge de 100 000 déplacés d’Ukraine en France, afin que ceux-ci puissent être accueillis, hébergés et accompagnés vers le logement, aussi rapidement que possible. A cette fin, l’État a pu s’appuyer sur un élan de solidarité de la part de nombreux acteurs, collectivités territoriales, bailleurs, particuliers ou associations.
Le dispositif d’accueil et d’hébergement, coordonné par le préfet de département en lien avec les associations désignées localement, s’est structuré en trois phases :
des « sas d’urgence », c’està-dire des hébergements de très courte durée (au maximum 15 jours) à proximité des principaux lieux d’arrivée des déplacés ;
des lieux d’hébergement collectifs incluant un accompagnement social adapté ou une prise en charge par des particuliers en attente d’un logement pérenne ;
un accès au logement pérenne, en privilégiant l’intermédiation locative.
Le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer a assuré le financement de l’hébergement de premier niveau, correspondant aux sas d’urgence, aux lieux d’hébergement collectifs et, marginalement, à des places d’hôtel. Cette prise en charge a conduit le ministère, au plus fort de la crise à mobiliser près de 30 000 places d’hébergement.
La prise en charge de ces personnes a entraîné des dépenses imprévues pour le programme 303. Au total, ces dépenses se sont élevées à 481,8 M€, dont 253,3 M€ pour l’hébergement, 218,5 M € pour l’allocation versée aux bénéficiaires de la protection temporaire (BPT) et 10,1 M€ pour les accueils de jour destinés à assurer un premier accueil lors des arrivées et pour prendre en charge les transports lors des desserrements entre régions. Une enveloppe de 300 M€ a été ouverte par décret d’avance dès le mois d’avril, complétée par des crédits disponibles du programme 303 (166,9 M€) et par une ouverture de 19,5 M€ en loi de finances rectificative (LFR) du 1er décembre 2022.
Avec 138 577 premières demandes enregistrées en guichets uniques (GUDA), le nombre de demandes d’asile est reparti fortement à la hausse pour la deuxième année consécutive, après l’arrêt brutal de 2020 lié à l’épidémie de Covid‑19. Cette progression a été de +33 % entre 2021 et 2022. Dans le même temps, 131 254 demandes ont été introduites auprès de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), soit une hausse de +27 % par rapport à 2021. Ce volume est proche de celui d’avant la crise sanitaire (132 826 demandes en 2019) qui était le plus haut niveau historique enregistré.
Les dépenses de l’allocation pour demandeurs d’asile (ADA) au bénéfice de demandeurs d’asile, c’est-à-dire hors BPT d’Ukraine, ont continué de diminuer en 2022 avec 270,2 M€ versés à Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) pour l’ADA contre 382,4 M€ en 2021. Cette diminution est l’un des effets du renforcement de l’effectif d’officiers de protection de l’OFPRA effectué en 2020, qui a permis de réduire le stock et le délai d’instruction des demandes et par conséquent la durée de perception de l’ADA.
L’OFPRA a ainsi maintenu un haut niveau d’activité décisionnelle en 2022 avec de 134 454 décisions rendues (donnée non stabilisée à cette date et sous réserve des conclusions du rapport d’activité 2022 de l’office), bien qu’en léger retrait par rapport au niveau historique de 2021 de 139 810 décisions. Ce niveau d’activité décisionnelle a permis de maîtriser le stock de dossiers alors que les flux de demandes d’asile repartaient à la hausse (+27 %). Le stock s’est ainsi établi à près 47 300 dossiers en décembre, enregistrant une diminution de ‑4 % par rapport à l’année précédente (49 207 dossiers en décembre 2021). La part des dossiers de plus d’un an est ainsi passée de 17 % en décembre 2021 à seulement 3 % en décembre 2022. Dans le même temps, la part des dossiers de moins de deux mois est devenue majoritaire au sein du stock (38 % en décembre 2021 et 52 % en décembre 2022). L’âge moyen du stock a donc continué de baisser, en passant de 176 jours (5,8 mois) en décembre 2021 à 94 jours en décembre 2022 (3,1 mois). Le délai de traitement a été réduit de plus de trois mois ; il a atteint 159 jours en moyenne en 2022 (5,2 mois) contre 261 jours en 2021 (8,6 mois). En décembre, il a atteint son plus bas niveau avec 121 jours (4 mois). Il s’agit du meilleur résultat depuis une douzaine d’années.
La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a enregistré 61 552 recours en 2021 contre 68 243 en 2021. Le taux de recours contre les décisions de rejet prises par l’OFPRA s’est établi à 81 %, en légère baisse par rapport à 2021 (83 %). Les décisions rendues par la Cour sont est en légère diminution (67 142 décisions contre 68 403 décisions en 2021, soit ‑2 %). L’activité de la Cour a été perturbée par un mouvement de protestation des avocats de près de cinq mois en début d’année qui a entraîné le renvoi de 5 000 dossiers à une audience ultérieure. Le stock de la CNDA est néanmoins passé de 33 353 dossiers en 2021 à 27 763 en 2022, soit une réduction de ‑17 %. Le délai moyen de décision de la Cour s’établit à 199 jours (6 mois et 16 jours) contre 222 jours en 2021 (7 mois et 8 jours).
En matière d’hébergement des demandeurs d’asile, la loi de finances pour 2022 prévoyait l’ouverture au 1er juillet 2022, de 1 500 places de CAES, de 2 500 places de CADA et de 900 places d’HUDA en outre-mer, si la prévision d’ADA ne laissait pas entrevoir de dépassement au milieu de l’année. Cette condition n’a pas été satisfaite en raison des dépenses liées à la crise ukrainienne. La mise en œuvre des actions du schéma national 2021-2023 visant à mieux héberger les demandeurs d’asile au sein du dispositif national d’accueil (DNA) s’est néanmoins poursuivie. Le mécanisme d’orientation directive, qui permet de mieux répartir sur le territoire métropolitain les demandeurs d’asile enregistrés en Île-de-France, est monté en puissance. En 2022, près de 19 400 personnes ont été orientées de l’Île-de-France vers les autres régions, hormis les Hauts-de-France.
Enfin, la revalorisation salariale de 183 euros nets mensuels de certains travailleurs sociaux annoncées par le Premier ministre lors de la conférence des métiers de l’accompagnement social et du médico-social le 18 février 2022 a été prise en charge à partir du 1er avril 2022. Environ 5 500 salariés ont bénéficié de la mesure au sein des dispositifs d’hébergement pour demandeurs d’asile.
GERER DE MANIÈRE LISIBLE, ADAPTÉE ET ÉQUILIBRÉE LES FLUX MIGRATOIRES
L’objectif est de garantir le respect des règles d’entrée et de séjour des étrangers sur le territoire.
Depuis 2017, l’accent a été mis sur trois axes :
l’attractivité de la France, dont le développement est recherché à travers la mise en œuvre de la carte de séjour pluriannuelle (CSP) mention « passeport talent » qui peut être délivrée dès la première admission sur le territoire, aux étrangers hautement qualifiés, aux jeunes diplômés salariés, aux créateurs d’entreprise, aux investisseurs, aux chercheurs ou encore aux étrangers ayant une renommée nationale ou internationale ;
l’amélioration des démarches des étrangers en préfecture, à travers l’exploitation des fonctionnalités permises par un nouveau système d’information, l’administration numérique pour les étrangers en France (ANEF). Déjà déployé pour certains titres, il offre aux usagers un accès dématérialisé plus simple à la demande de titre de séjour, limite le nombre de déplacements en préfecture et modernise la gestion des demandes ;
la lutte contre l’immigration irrégulière, renforcée par le rétablissement des contrôles aux frontières (RCIF), le maintien du nombre de retours forcés vers les pays tiers et l’intensification des démantèlements de filières clandestines.
La primo-délivrance des titres de séjour (les chiffres présentés reposent sur une estimation réalisée à partir des tendances mesurées au 31 décembre 2022) augmente de 17,2 % en 2022 par rapport à 2021 et dépassent les niveaux de 2019 (277 406 titres délivrés) avant la crise de la Covid‑19. Ainsi, 320 330 titres de séjour ont été délivrés contre 273 260 titres en 2021.
L’immigration familiale représente une part importante du flux migratoire. Le nombre de titres délivrés en 2022 pour un motif familial est en hausse (+4,6 %) et retrouve un niveau identique à celui d’avant la crise sanitaire. Cette évolution à la hausse est due aux titres délivrés aux membres de famille d’étranger (+15 % sur la période).
Le nombre de premiers titres délivrés aux étudiants en 2022 (108 340) est en hausse de +22,8 % par rapport à l’année 2021 (88 235). Cette augmentation, pour la deuxième année consécutive, peut s’expliquer par la reprise des mobilités étudiantes qui avaient été très nettement ralenties par la crise sanitaire, mais aussi par une meilleure efficience de l’ANEF. En effet, les difficultés liées aux interconnexions entre l’ANEF et d’autres SI (absence de retour du casier national judiciaire et des données biométriques dans SBNA) ont été résolues à la fin de l’année 2021, ce qui a permis de faciliter les dépôts de demandes et les délivrances de titres « étudiant » en 2022.
L’immigration professionnelle est également marquée pour une hausse globale de +45 %, avec la délivrance, en 2022 de 52 570 premiers titres pour motifs économiques. Parmi ces titres, on peut dénombrer 11 946 passeports talent, dont les délivrances (hors membres de famille) ont augmenté de +51 % en 2022. Ici encore, la levée des restrictions sanitaires et la reprise de l’activité économique sont de nature à expliquer ces chiffres.
La France a délivré 1 743 430 visas en 2022 (pour 2 342 331 demandes), soit une hausse de 137 % par rapport à 2021. Ceci confirme une forte reprise après la forte baisse enregistrée au cours des années 2020-2021 à la suite de la crise sanitaire. La délivrance des visas de long séjour représente 16 % de la délivrance totale de visas. Le Maroc, l’Algérie, l’Inde, l’Arabie saoudite et la Turquie constituent les cinq premiers pays de délivrance des visas (ordre en 2021 : Arabie saoudite, Maroc, Algérie, Tunisie, Turquie).
La délivrance des visas étudiants connaît une nette hausse avec près de 120000 visas délivrés contre 98 600 visas en 2021, soit une hausse de la délivrance de 22 %. La délivrance de visas étudiants a donc dépassé l’année 2019 qui constituait l’année de référence pré-pandémie de COVID. De façon générale, la délivrance de visa s’accroît pour tous les publics relevant de la politique d’attractivité, à l’exemple des « passeports talents » (13.600 à motif économique soit +25 % par rapport à 2021), les principaux postes concernés étant Tunis, Beyrouth, Casablanca, Moscou et Washington.
Le programme 303 soutient également les dépenses pour le fonctionnement des moyens numériques du réseau diplomatique et consulaire pour la délivrance des visas.
En matière de lutte contre l’immigration irrégulière, en 2022, l’activité éloignement a progressé avec une hausse du nombre de sorties du territoire de +15,5 % : 19 429 étrangers (chiffres provisoires) ont quitté le territoire suite à un éloignement, à un départ volontaire aidé ou encore à un départ spontané. La fin progressive des mesures liées à la crise sanitaire (notamment tests PCR) et une amélioration de la coopération consulaire ont permis cette progression. Cette progression est particulièrement marquée concernant l’éloignement des ressortissants des pays tiers vers les pays tiers (+44 % par rapport à 2021).
Le nombre des non-admissions à la frontière en 2022 s’élève à 84 529, soit une progression de 7 % par rapport à 2021, à périmètre comparable (78 924 mesures), c’est-à-dire hors mesures COVID aux frontières.
Les efforts en matière de lutte contre l’immigration irrégulière portent en particulier sur l’éloignement des étrangers ayant commis des infractions graves ou représentant une menace grave pour l’ordre public : en 2022, 3 615 étrangers en situation irrégulière présentant un profil de ce type ont été éloignés. L’amélioration du dispositif d’éloignement des étrangers représentant une menace pour l’ordre public se traduit par une forte priorisation des placements en rétention et des éloignements de profils signalés au titre de l’ordre public : 2 154 éloignements de ce type de profils ont été réalisés à partir des CRA entre le 3 août et le 31 décembre 2022. Au tout début de l’année 2023, ces profils représentent 90 % des retenus. Sur toute l’année 2022, 19 429 éloignements et départs d’étrangers en situation irrégulière (ESI) ont été effectués, soit une progression de +16 % par rapport à 2021. Des progrès significatifs en matière d’éloignement sont enregistrés, y compris avec les pays du Maghreb. Ainsi, 987 retours forcés ont été effectués vers l’Algérie sur toute l’année 2022, alors qu’en 2021 seuls 34 éloignements forcés avaient pu être opérés vers ce pays.
L’objectif d’augmentation des capacités de rétention s’est déjà traduit en 2022 avec la mise en service d’une part du nouveau CRA de Lyon Saint-Exupéry 2 (métropole de Lyon) pour une capacité de 140 places, et d’autre part du LRA de Nanterre (département des Hauts-de-Seine) pour une capacité de 12 places. En ce qui concerne les CRA, cette évolution de la capacité de rétention en termes de places se conjugue avec un constat d’efficacité traduit par une augmentation générale du taux d’occupation. En effet, le taux d’occupation réelle de places en CRA a progressé de 8 % depuis le 1er septembre 2022, atteignant 90 % (soit un gain de 106 places affectées).
Par ailleurs, le dispositif expérimental de préparation au retour des étrangers en situation irrégulière (DPAR), notamment des demandeurs d’asile déboutés, qui constitue un des axes du plan « Garantir le droit d’asile, mieux maîtriser les flux migratoires » est pleinement déployé et opérationnel, avec 2151 places financées sur le programme 303.
SE DOTER DE SYSTEMES D’INFORMATION FACILITANT LA RELATON ENTRE L’ADMINISTRATION ET L’USAGER ET RENFORCANT LES CAPACITÉS DE CONTROLE
Depuis la création de la direction du numérique au sein du ministère de l’Intérieur (DNum) au 1er janvier 2020, les dépenses liées au développement des grands programmes numériques de la direction générale des étrangers en France (DGEF), l’administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) et France Visas (FV), mais aussi le programme pour des frontières sécurisées et fluides (PFSF), ont été transférées au programme 216. Cependant, les dépenses liées aux autres programmes numériques développés par la DGEF et au maintien en conditions opérationnelles (MCO) des applications et systèmes d’information qui ont vocation à être remplacés par les nouveaux systèmes d’information, continuent d’être financées sur le programme 303.
De même, les dépenses d’investissement en vue de l’harmonisation des systèmes d’informations biométriques de la DGEF sont financées sur le programme 303.
Enfin, les crédits liés au « sac-à-dos numérique » ont également été conservés sur le P. 303. Il s’agit notamment de nouveaux capteurs pour les systèmes biométriques déployés. Ces dépenses ont vocation à faciliter le travail des agents de terrain afin de diminuer les tâches répétitives et de renforcer leur montée en compétence. Les dépenses introduites au profit des usagers, notamment dans le cadre de l’accessibilité ou de l’existence d’un compte usager unique, visent pour leur part à favoriser la logique de positionnement de l’usager étranger au cœur de ces systèmes.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Optimiser la prise en charge des demandeurs d'asile
Indicateur 1.1 : Part des demandeurs d'asile hébergés
Indicateur 1.2 : Part des places occupées par des demandeurs d'asile et autres personnes autorisées
Objectif 2 : Réduire les délais de traitement de la demande d'asile
Indicateur 2.1 : Délai de l'examen d'une demande d'asile par l'OFPRA
Indicateur 2.2 : Taux de transfert des demandeurs d'asile placés sous procédure Dublin
Objectif 3 : Améliorer l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière
Indicateur 3.1 : Nombre de retours forcés exécutés
Indicateur 3.2 : Nombre d'éloignements et de départs aidés exécutés