Emmanuel MOULIN |
Directeur général du Trésor |
Responsable du programme n° 336 : Dotation du Mécanisme européen de stabilité |
Ce programme, créé par la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, constitue le support de la contribution française au capital du Mécanisme européen de stabilité (MES), organisation internationale qui a son siège à Luxembourg.
CONTEXTE DE LA MISE EN PLACE DU MES
Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), régi par un accord-cadre signé le 7 juin 2010 par les États membres de la zone euro (modifié par un avenant à l’accord-cadre en date du 18 octobre 2011) a été mobilisé dans le cadre de trois programmes d’assistance financière, au bénéfice de trois pays :
l’Irlande depuis novembre 2010 (17,7 Md€) ;
le Portugal depuis mai 2011 (26,0 Md€ déboursés dont 24,0 Md€ restant à rembourser au 31 décembre 2022) ;
la Grèce depuis mars 2012 (130,9 Md€).
Le FESF a été créé en tant qu’institution temporaire. Le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2010 a décidé l’instauration d’un mécanisme permanent : le MES. Le traité instituant le MES est entré en vigueur le 27 septembre 2012 et le MES a été inauguré officiellement le 8 octobre 2012.
Le MES a pour but de mobiliser des ressources financières et de fournir un soutien à la stabilité de ses membres qui connaissent, ou risquent de connaître, de graves problèmes de financement, si cela est indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble ou de ses États membres.
L’assistance financière apportée par le MES fait l’objet d’un protocole d’accord entre le MES et l’État membre concerné. Ce protocole d’accord peut être actualisé au vu de l’évolution de la situation macroéconomique, financière et budgétaire.
Les interventions du MES sont subordonnées à une stricte conditionnalité, adaptée à l’instrument d’assistance financière choisi. La Commission européenne – en lien avec la Banque centrale européenne (BCE) et, lorsque cela est possible, conjointement avec le Fonds monétaire international (FMI) – est chargée de veiller au respect de cette conditionnalité, au travers des revues (généralement trimestrielles) des programmes d’assistance financière. Ces revues déterminent le déboursement des tranches successives de l’assistance financière.
CAPITAL ET CAPACITÉ D’INTERVENTION
Le MES repose sur un capital souscrit par les États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro selon une clé de contribution fixée à l’annexe I du traité instituant le MES (légèrement supérieure à 20 % pour la France, non révisée durant l’année 2022). Suite à l’adhésion de la Lituanie fin 2014, le capital autorisé du MES est fixé à 704,8 Md€, et se compose de parts libérées (80,5 Md€) et de parts appelables (624,3 Md€). La souscription de la France au capital autorisé est de 142,6 Md€, dont 16,3 Md€ de parts libérées. Le MES dispose d’une capacité d’engagement de 500 Md€, dont 86,2 Md€ en cours d’utilisation au 31/12/2022 (cf. supra).
Les instruments d’assistance du MES disponibles sont :
une assistance financière à titre de précaution, sous la forme d’une ligne de crédit (« Enhanced Conditions Credit Line », ECCL) assortie de conditions. L’instrument mis en place par le MES dans le cadre particulier de la crise Covid‑19 (« Pandemic Crisis Support Instrument », PCS) est une assistance financière sur la base de la ligne de crédit de précaution ECCL déjà existante, et adaptée à l’ampleur de la crise : il est accessible à tous les États membres de la zone euro, à hauteur de 2 % de leur PIB. La seule condition attachée à ce soutien financier est l’obligation d’y recourir pour financer les coûts directs et indirects de santé et de prévention liés à la pandémie ;
une assistance financière pour la recapitalisation d’institutions financières, sous forme de prêts à un État membre du MES, dans le but spécifique de recapitaliser des institutions financières de cet État membre ;
un accord de prêt ;
un soutien sur le marché primaire, via des achats sur ce marché de titres émis par un État membre du MES, en vue d’optimiser le rapport coût efficacité de l’assistance financière ;
un soutien sur le marché secondaire, via des achats sur ce marché de titres de dette d’un État membre du MES, sur la base d’une analyse de la BCE reconnaissant l’existence de circonstances exceptionnelles sur les marchés financiers et de risques pour la stabilité financière ;
un instrument de recapitalisation directe d’institutions financières qui vise à mettre un terme au cercle vicieux entre risques bancaires et souverains, en permettant une recapitalisation directe d’un bilan bancaire si le secteur privé ne parvenait pas à y pourvoir et si le coût d’une telle prise en charge par l’État membre concerné constituait un risque pour la stabilité de ses finances publiques.
REVISION DU TRAITE INSTAURANT LE MES
Les chefs d’État ont validé en décembre 2019 la révision du traité MES. Cet accord acte principalement l’engagement de deux réformes :
le renforcement de l’efficacité des lignes de crédit du MES à destination des États membres : une ligne de crédit plus souple et attractive, sans Memorandum of Understanding (MoU), est mise en place pour les États aux fondamentaux économiques solides. Pour les États qui ne répondent pas aux critères, l’accès à la ligne de précaution du MES est inchangé comparé à ce que prévoit le traité avant révision, restant conditionné à un MoU.
la création du filet de sécurité au Fonds de résolution unique (dit « backstop ») : ce nouvel instrument de gestion de crise doit permettre au MES de prêter jusqu’à 68 Md€ au Conseil de résolution unique (CRU), l’agence européenne en charge de la résolution des établissements bancaires défaillants. Cet instrument a pour objectif d’augmenter la capacité financière du CRU et ainsi d’augmenter la résilience et la crédibilité du cadre de résolution bancaire. Le filet de sécurité au Fonds de résolution unique a été conçu pour être neutre budgétairement à moyen terme. Par ailleurs, cet instrument vient en remplacement de l’instrument de recapitalisation directe des banques qui sera amené à être annulé.
Le nouveau traité n’est pas encore entré en vigueur en raison des procédures nationales de ratification toujours en cours. Le recours de membres du parlement allemand auprès de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a été rejeté le 9 décembre 2022. Le traité révisé a donc été ratifié définitivement par l’Allemagne le 19 décembre 2022. Le traité entrera en vigueur une fois que l’Italie aura ratifié le traité.
VERSEMENT PAR LA FRANCE DE SA SOUSCRIPTION AU CAPITAL APPELÉ DU MES
La souscription de la France aux parts libérées du capital autorisé du MES, d’un montant total de 16,3 Md€, a été versée en cinq tranches de 3,3 Md€ chacune. Les deux premières tranches ont été versées le 11 octobre 2012, la troisième tranche le 29 avril 2013, la quatrième le 31 octobre 2013 et la cinquième le 29 avril 2014. Le capital du MES a été marginalement réajusté suite à l’adhésion de la Lettonie et de la Lituanie en 2013 puis 2014, sans impact sur le capital libéré par la France, maintenu à 16,3 Md€. Toutefois, ce capital libéré a également varié de manière marginale à la suite de la fin de la période de transition de certains États membres fondateurs du MES, qui avaient bénéficié, en raison de critères économiques, d’une correction temporaire de leur contribution au capital du MES durant douze ans à compter de la date d’adoption de l’euro. Afin de doter rapidement le MES de l’ensemble de son capital, les autres États membres (dont la France) ont alors contribué temporairement davantage au capital du MES. Le remboursement des avances a été effectué à la fin des périodes de transition, soit en janvier 2019 pour la Slovénie (avec un versement reçu par la France de 7,2 M€), en janvier 2020 pour Malte (versement reçu de 2,9 M€) et en janvier 2021 pour la Slovaquie (versement reçu de 27,6 M€).
AUTRE VERSEMENT PAR LA FRANCE
En 2017, la dérogation permettant au MES de ne pas payer les intérêts négatifs sur les facilités de dépôt placées auprès de l’Eurosystème a été levée. Le MES a donc commencé à verser des intérêts sur son dépôt placé auprès de l’Eurosystème.
Au cours de l’année 2017, le MES a transféré 31 Md€ de la Bundesbank à la Banque de France. Afin d’assurer la neutralité de ce placement sur le capital du MES, dont la préservation est essentielle pour la stabilité financière de la zone euro, le Gouvernement français s’est engagé à procéder à la rétrocession au MES des intérêts perçus par la Banque de France tant que ceux-ci resteraient négatifs et sous réserve que d’autres États prennent un engagement similaire. Les intérêts rétrocédés par la France au MES se sont ainsi établis à 86,71 M€ au titre de l’exercice financier 2017, à 102,5 M€ au titre de l’exercice 2018, à 98,0 M€ au titre de l’exercice 2019 et à 62,4 M€ au titre de l’exercice 2020. A noter que de telles rétrocessions n’ont pas le caractère d’une dotation en capital accroissant la quote-part de la France au MES.
En 2019, le processus de remboursement a été prolongé à la suite de l’ouverture d’un compte du MES auprès de l’Italie, en novembre 2019, puis des Pays-Bas, en février 2020, qui ont pris un engagement similaire à celui pris par la France et l’Allemagne.
En 2022, si des crédits ont été ouverts en loi de finances initiale à hauteur de 57 M€ afin de rétrocéder au MES les intérêts perçus au titre de l’exercice financier 2021 (finalement notifiés par le MES à 54,3 M€), aucune dépense n’est intervenue, en raison de l’application de la clause de réciprocité à la suite de la non-rétrocession par l’Allemagne.
IMPACT DE LA CAPITALISATION DU MES SUR LA DETTE ET LE DÉFICIT DE LA FRANCE
Conformément à l’avis du comptable européen Eurostat en date du 7 avril 2011 et sous réserve de modifications ultérieures par le comptable national (Insee et Eurostat) de l’enregistrement comptable de ces opérations, l’impact sur les finances publiques de la contribution de la France au capital du MES est le suivant :
les versements des cinq tranches de la souscription de la France aux parts libérées du capital autorisé du MES (ainsi que les éventuels versements ultérieurs dès lors qu’ils n’auraient pas vocation à couvrir des pertes du MES) sont considérés comme des opérations financières au sens de la comptabilité nationale. De ce fait, ces versements (i) augmentent la dette brute au sens de Maastricht mais ont un effet neutre sur la dette nette et (ii) augmentent le déficit budgétaire mais pas le déficit public au sens de Maastricht ;
les éventuels versements ultérieurs, s’ils ont vocation à couvrir des pertes du MES, seront considérés comme des dépenses des administrations publiques en tant que transferts en capital. De ce fait, ces versements (i) augmenteront la dette brute au sens de Maastricht et la dette nette et (ii) augmenteront le déficit budgétaire ainsi que le déficit public au sens de Maastricht ;
le capital appelable non libéré est traité comme un passif contingent des États et n’a aucun impact sur les comptes de l’État s’il n’est pas appelé.
Enfin, la dette du MES, compte tenu de son importante capitalisation, n’est pas imputée aux États membres qui en sont actionnaires (seul le capital appelé a un impact sur la dette au sens de Maastricht, cf. supra).
INTERVENTIONS DU MES
Aujourd’hui, le MES est engagé dans le financement de trois programmes d’assistance financière, tous clôturés, au bénéfice de :
l’Espagne : encours de 41,3 Md€ dont 20,1 Md€ restant à rembourser au 31 décembre 2022 ;
Chypre : encours de 6,3 Md€ déboursé, sans remboursement à ce stade ;
la Grèce : au titre du troisième programme d’aide à la Grèce, l’encours déboursé est de 61,9 Md€ dont 59,8 Md€ restant à rembourser au 31 décembre 2022.
En août 2022, la Grèce est sortie du régime de surveillance renforcée, et est entrée dans le régime de surveillance post-programme, au même titre que Chypre et l’Espagne. Cette surveillance post-programme régulière biannuelle est menée par la Commission européenne et par la BCE afin d’identifier d’éventuels risques dans la capacité à rembourser les prêts. Les derniers rapports de surveillance post-programme de la Commission, publiés après les missions réalisées à l’automne 2022 auprès de Chypre, de l’Espagne et de la Grèce, concluent à la capacité de ces pays à rembourser leurs prêts à court terme.