Alexis ZAJDENWEBER |
Commissaire aux participations de l'État |
Responsable du programme n° 358 : Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire |
Tandis que le contexte sanitaire, marqué par la Crise du Covid‑19, a conduit l’État à infléchir significativement sa politique actionnariale dès le printemps 2020 en recentrant principalement son intervention auprès des entreprises alors fragilisées, ce dernier, à travers l’Agence des participations de l’État (APE), a su faire preuve d’une intervention rapide et efficace dans la phase la plus aiguë de la crise sanitaire. L’État a ainsi pleinement rempli sa mission de défense des intérêts économiques français en affirmant sa mobilisation auprès d’entreprises françaises à travers des opérations de soutien d’envergure, et dans le cadre plus général du plan de relance de l’économie et du plan de transition favorisant le retour à une situation normalisée.
Ainsi, au-delà du suivi de la gestion des conséquences de la crise sanitaire dans les entreprises en matière d’adaptation du travail, de chômage partiel, de protection des personnels, de relance des activités, l’État a conforté son rôle d’actionnaire de long terme à travers l’APE, en assurant aux entreprises les capitaux dont elles avaient besoin pour améliorer leur situation bilancielle et sécuriser leur capital face aux prises de contrôle inamicales dont elles étaient susceptibles de faire l’objet dans un contexte d’effondrement des valeurs boursières.
Face à la crise sanitaire, l’État a notamment proposé, à travers (i) la création d’un nouveau programme 358 (ii) le renforcement des moyens d’intervention du CAS « Participations financières de l’État », une réponse budgétaire.
En effet, à travers plus de 80 entités dont 11 entreprises cotées qui composent son portefeuille, l’APE est présente dans différents secteurs tels l’énergie, l’industrie, les transports, les services et la finance, particulièrement exposés pour certains à la crise du COVID.
Dès le mois de mars 2020, à la suite d’une analyse de l’impact évaluatif de la crise sanitaire et économique sur les capacités financières des grandes entreprises à participation publique mais également sans actionnariat public, menée par l’APE, la direction générale des entreprises et la direction générale du Trésor, une vingtaine d’entreprises stratégiques présentes dans les secteurs les plus exposés à la crise (transport aérien, transport automobile, et équipementiers, industries extractives, distribution…) ont été identifiées comme entreprises particulièrement vulnérables pouvant nécessiter des soutiens massifs en capital (Projet Gaia).
Tandis qu’aucune visibilité n’était possible quant à l’ampleur de la crise, ses conséquences, sa durée, et alors que les larges dispositifs d’aides d’État mis en œuvre en faveur des entreprises (dont les prêts garantis par l’État - PGE) n’existaient pas encore, une approche « statistique » et systématique a été retenue sur un périmètre d’entreprises cotées pour lesquelles il était en pratique possible de mettre en œuvre des estimations évolutives dans le temps, au regard notamment des prévisions des analystes financiers et des sociétés comparables.
Dans ce contexte, l’APE a bénéficié de leviers budgétaires majeurs lui permettant d’intervenir directement auprès des entreprises de son portefeuille, mais également auprès de fonds sectoriels (aéronautique, automobile, nucléaire) en soutien aux filières stratégiques.
Ainsi :
Une enveloppe exceptionnelle de financement de crédits de 20 Md€ a été ouverte sur le programme 731 du CAS « Participations Financières de l’État » (CAS PFE) par la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 permettant ainsi via le CAS PFE de conduire l’ensemble des opérations de soutien en fonds propres, quasi-fonds propres et titre de créances auprès des entreprises concernées,
Parallèlement, le programme 358 intitulé « Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire » a été créé par la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, doté également de 20 Md€, destiné exclusivement à abonder en recettes le programme 731 préalablement à toute opération de soutien financier des entreprises ainsi fragilisées par la crise.
Dès l’année 2020, 8 304 M€ ont été versés sur le CAS PFE à partir du Programme 358 répartis comme suit :
4 050 M€ ont été versés préalablement à la souscription par l’État à l’augmentation de capital de la Société nationale SNCF intervenue le 15 décembre 2020 à hauteur de 4 050 M€ ;
3 150 M€ ont été versés au titre :
- de l’avance en compte courant d’actionnaire de 3 000 M€ consentie le 6 mai 2020 à la société Air France – KLM, ayant donné lieu à deux versements respectivement de 1 000 M€ en novembre 2020 et de 2 000 M€ en décembre 2020 ;
- du Fonds Ace Aéro Partenaires au titre duquel l’État a souscrit à hauteur de 150 M€ le 30 juillet 2020 pour 67 500 parts S1 du Compartiment Support du Fonds et 82 500 parts S2 du Compartiment Plateforme du Fonds. Au 31 décembre 2022, dix libérations sont intervenues pour un montant global de 78,83 M€ (dont 42,53 M€ au titre du Compartiment Support et 36,30 M€ au titre du Compartiment Plateforme).
1 104 M€ ont été versés en prévision du règlement de la souscription à l’émission d’obligations à option de conversion et/ou d’échanges en actions nouvelles ou existantes (OCEANEs) d’EDF intervenue le 8 septembre 2020. Le règlement est finalement intervenu le 14 septembre 2020 pour un montant de 1 027,63 M€.
Le niveau d’exécution constaté en 2020 a ainsi mis en évidence un écart important entre l’enveloppe des 20 Md€ ouverte en loi de finances rectificative et les besoins réels de reconstitution de fonds propres des entreprises à financer à partir de ces disponibilités budgétaires. Or cette situation a été interprétée, dans un premier temps, non pas comme le signe d’une reprise immédiate de l’activité des entreprises concernées, mais comme un décalage dans le temps de leurs besoins de recapitalisation : en effet les entreprises, notamment les entreprises stratégiques menacées par les conséquences économiques de la crise sanitaire, ont pu bénéficier d’un large éventail de mesures économiques visant à alléger les contraintes de trésorerie, à savoir notamment le recours aux PGE, l’activité partielle ainsi que le report d’échéances fiscales et sociales.
Compte tenu de ce constat, le choix a été fait de poursuivre en 2021, et non de les suspendre, les dispositifs de soutien au bénéfice de grandes entreprises stratégiques françaises fragilisées dans le contexte de la crise sanitaire afin d’anticiper d’éventuels besoins de recapitalisation.
En conséquence, les crédits non consommés au 31 décembre 2020 au titre de l’enveloppe de 20 Md€ ouverte en LFR 2 pour 2020, soit 11 696 M€, ont été maintenus et reportés dans leur intégralité au titre du programme 358.
Cependant, le ralentissement dans la mise en œuvre effective des opérations typées « COVID » s’est confirmé en 2021 et 2022, conduisant l’État à adapter ses moyens d’intervention en fonction des besoins réels des entreprises.
En effet, tout au long de l’année 2021, un fléchissement progressif dans le déploiement des mesures de soutien s’est traduit par un niveau de dépenses moindre, soit 671,82 M€ au titre du Programme 358 répartis comme suit :
516,82 M€ ont été versés à l’occasion de la souscription par l’État, le 14 avril 2021, à l’augmentation de capital de la société Air France-KLM à hauteur de 593,19 M€. Le solde de recettes nécessaire au financement de l’opération, soit 76,37 M€, a été financé à partir du reliquat de recettes versées sur le CAS PFE en amont de la souscription aux OCEANEs EDF en 2020, et non utilisées ;
105 M€ ont été versés lors de la souscription par l’État au Fonds d’Avenir Automobile 2 intervenue le 18 janvier 2021 à hauteur de 105 M€. Au 31 décembre 2021, un premier appel de fonds est intervenu à hauteur de 31,5 M€ ;
50 M€ ont été versés lors de la souscription par l’État au Fonds France Nucléaire intervenue le 12 octobre 2021 à hauteur de 50 M€. Un premier appel de fonds a donné lieu à un premier décaissement à partir du CAS PFE à hauteur de 10 M€.
En conséquence, le Programme 358 a fait l’objet, dès 2021, d’annulations progressives de crédits au cours de la gestion à hauteur de 7 200 M€ par décret n° 2021-620 du 19 mai 2021, permettant ainsi de dégager les ressources suffisantes pour le financement du fonds de solidarité pour les entreprises et de l’activité partielle, ramenant ainsi le montant des crédits disponibles au titre du programme 358 en 2021 à 4 496 M€.
Cette annulation de crédits a conduit à réduire à due concurrence (soit 7 200 M€) le niveau d’intervention pour les opérations de crise financées depuis le programme 731. Enfin, une dernière annulation de crédits sur le programme 358 est intervenue par la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021 à hauteur de 429 M€.
A la suite de ces annulations budgétaires, les crédits budgétaires disponibles sur le programme 358 pour la gestion 2021 ont été revus à la baisse et dès lors fixés à 4 067 M€. Au regard du niveau d’exécution constaté en 2021, soit 671,82 M€, le Programme 358 a bénéficié en 2022 d’un report de crédits au titre de 2021 de 3 395,17 M€.
Enfin, le niveau d’exécution du programme 358 réalisé au titre de l’année 2022 a permis de confirmer le caractère désormais contenu, dans ses montants, de l’intervention de l’État via le Programme 358, grâce au soutien public mis en place par ailleurs.
Ainsi, 128 M€ ont été versés à partir du Programme 358 répartis comme suit :
78 M€ ont été versés à l’occasion de la souscription par l’État :
a) le 29 juillet 2022, à l’emprunt obligataire d’un montant de 18 M€ réalisé par la société Saint-Jean Industries SAS par émission de 180 obligations simples prenant la forme de titres subordonnés à durée indéterminée d’une valeur nominale de 0,100 M€ chacune.
b) le 6 septembre 2022, à l’emprunt obligataire d’un montant de 60 M€ réalisé par la société Résides Études Investissement par émission de 600 obligations simples prenant la forme de titres subordonnés à durée indéterminée d’une valeur nominale de 0,100 M€ chacune.
50 M€ ont été versés en anticipation d’une prochaine souscription de l’État au Fonds France Nucléaire en 2023 (cette opération s’inscrivant dans le cadre du Plan de Relance) et d’un nécessaire besoin de financement des prochains appels de fonds quand bien même le Programme 358 serait supprimé ;
0,068 M€ ont été versés à l’occasion de la souscription par l’État, le 7 juin 2022, à l’augmentation de capital d’Air France-KLM pour un montant de 645,14 M€, dont 638,10 M€ ont été libérés par conversion en titre de capital de la société de 6 381 titres super subordonnés à durée indéterminée NR4 de 100 000,00 € de valeur nominale chacun émis par la société et souscrit par l’État le 20 avril 2021, 6 975,39 M€ ont été libérés par conversion en titre de capital de la société des intérêts courus jusqu’au 16 juin 2022 (exclu) sur les 6 381 titres super subordonnés à durée indéterminée NR4 convertis, et 68 141,61 € ont été libérés par versement d’espèces.
Dans ces conditions et compte tenu des réajustements à la baisse des prévisions de dépenses du Programme 358 confirmés dès le premier trimestre 2022, alors même que des besoins de financement conséquents s’avéraient urgents au titre du CAS PFE (en prévision notamment du lancement de l’offre publique d’achat simplifiée sur les titres de capital de la société EDF qui a nécessité l’ouverture de crédits supplémentaires à hauteur de 12 732 M€ à la fois sur le CAS PFE et sur le Programme 367 à travers la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022), des mouvements budgétaires ont été opérés tout au long de la gestion 2022 à partir du Programme 358.
Dans un premier temps, l’arrêté portant report croisé entre le Programme 358 et le Programme 367 en date du 25 mars 2022 a permis l’annulation de crédits sur le Programme 358 à hauteur de 1 046 M€ pour report à due concurrence sur le Programme 367. Dans un contexte marqué par l’absence de recettes de cessions, les crédits supplémentaires du Programme 367 ont permis d’abonder le CAS PFE en recettes suffisantes, afin de sécuriser le financement de l’ensemble des opérations en capital à venir, dans un premier temps jusqu’en septembre 2022, et de maintenir ainsi jusqu’à cette date un solde comptable positif à hauteur de 1 350 M€ au titre des opérations hors Covid.
Par la suite, 1 924 M€ ont été annulés sur le Programme 358 par Décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance, soit un solde de crédits disponibles sur le Programme 358 au titre de la gestion 2022 de 425 178 021 €.
Enfin, la décision ayant été prise, en fin d’année, de ne pas reconduire le Programme 358 sur l’année 2023 compte tenu d’un recours aux dispositifs d’intervention typés COVID de moins en moins justifié, une dernière annulation de crédits est intervenue à hauteur de 296 978 021 € par la loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022.
Sous l’effet conjugué des annulations de crédits et du niveau de consommation en 2022, le solde de crédits restant sur le Programme 358 s’élève à 131 858,39 € au 31 décembre 2022.
Ainsi, sur la période 2020-2022, les dépenses intervenues sur le Programme 358 au titre des abondements en recettes du CAS PFE s’élèvent au total à 9 103 M€ (exactement 9 103 890 119,95 €) assurant le financement d’opérations en soutien en fonds propres, quasi-fonds propres et titres de créances aux entreprises affectées par la crise sanitaire à partir du CAS PFE à hauteur de 8 869 M€ (exactement 8 869 215 119,95 €).
Le report de solde de recettes de 234,675 M€ ainsi disponibles au titre du CAS PFE au 31 décembre 2022 et reporté sur le CAS PFE au titre de la gestion 2023 assurera, à compter de 2023, le financement des prochains appels de fonds restant à libérer au titre des Fonds sectoriels (Fonds France Nucléaire, Fonds Avenir Automobile 2, Fonds Ace Aéro Partenaires).
Si le suivi régulier et l’actualisation des besoins en fonds propres des entreprises identifiées comme vulnérables est désormais interrompu compte tenu de la sortie de crise COVID, l’APE maintient néanmoins un intérêt particulier pour les entreprises hors périmètre APE dès lors qu’elles sont considérées comme stratégiques, ou ayant des activités stratégiques, dans un contexte économique et énergétique difficile et incertain.
Par ailleurs, l’APE continue de suivre spécifiquement les entreprises relevant du périmètre APE.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Assurer le succès des opérations de renforcement des fonds propres, quasi fonds propres et titres de créances des entreprises stratégiques
Indicateur 1.1 : Plus-values réalisées lors de la cession des titres acquis grâce à l'abondement du Compte d'affectation spéciale "Participations financières de l'Etat"
Indicateur 1.2 : Durée en mois entre la date effective de l'opération financière de prise de participation et l'opération de cession des titres acquis.
Objectif 2 : Contribuer au redressement économique et financier des entreprises stratégiques les plus affectées par la crise sanitaire
Indicateur 2.1 : Nombre d'entreprises bénéficiaires d'une opération de renforcement exceptionnel des participations financières de l'Etat.
Indicateur 2.2 : Maitrise de l'endettement des entreprises bénéficiaires d'une opération de renforcement exceptionnel des participations financières de l'Etat mesurée par le poids de la dette (dette nette/capitaux propres)