Alexis ZAJDENWEBER |
Commissaire aux participations de l'État |
Responsable du programme n° 731 : Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État |
En 2017, la révision de la doctrine de l’État actionnaire avait comme objectif de recentrer son portefeuille afin de dégager des moyens d’intervention pour investir dans les entreprises critiques pour l’économie de demain tout en protégeant les intérêts stratégiques de l’État. L’APE souhaitait dès lors concentrer ses interventions auprès :
- des entreprises stratégiques contribuant à la souveraineté nationale, c’est à dire la défense et le nucléaire civil ;
- des entreprises participant à une mission de service public ou d’intérêt général national ou local pour lesquelles la régulation serait insuffisante pour préserver les intérêts publics et assurer les missions de services publics ;
- des entreprises en difficulté dont la disparition pourrait entraîner un risque systémique.
Or le contexte sanitaire, macroéconomique et géopolitique a interrompu le mouvement de cessions et conduit l’Agence des participations de l’État (APE) à infléchir cette doctrine d’intervention au regard de quatre priorités majeures :
- la nécessité de continuer à soutenir des entreprises frappées par la crise ;
- la prise en compte de la souveraineté économique et des besoins liés à la réindustrialisation du pays ;
- les exigences environnementales qui accélèrent considérablement la transformation des modèles économiques ;
- la disruption numérique et technologique qui bouleverse profondément les marchés et les modèles d’activités des entreprises.
S’agissant de la priorité n° 1 (« continuer à soutenir des entreprises frappées par la crise »), l’État, à travers l’APE, a su faire preuve d’une intervention rapide et efficace dans la phase la plus aiguë de la crise sanitaire. L’État a pleinement rempli sa mission de défense des intérêts économiques français en affirmant sa mobilisation auprès d’entreprises françaises à travers des opérations de soutien d’envergure, et dans le cadre plus général du plan de relance de l’économie et du plan de transition favorisant le retour à une situation normalisée.
A ce jour, près de 8,9 Md€ ont été décaissés au titre de l’enveloppe exceptionnelle de financement de 20 Md€ ouverte en LFR 2020, dont 4,05 Md€ pour la SNCF, 3,59 Md€ pour Air France-KLM et 1,03 Md€ pour EDF. Au-delà de ces entreprises stratégiques, l’État a poursuivi son soutien financier au printemps 2022, dans le cadre du Fonds de transition auprès d’entreprises de taille significative particulièrement touchées par la crise mais n’ayant pu bénéficier jusqu’à présent des aides d’urgence de manière suffisante. L’État a ainsi investi à compter du second semestre 2022 auprès de ces entreprises au moyen d’instruments hybrides à hauteur de 78 M€.
Au-delà d’une intervention en capital, l’État a eu recours à un deuxième levier d’intervention, à savoir le recours aux fonds sectoriels, mixtes ou privés. L’objectif est de soutenir en fonds propres certaines filières stratégiques pour sécuriser leurs capitaux : automobile, aéronautique, nucléaire, Lac 1. Au 31 décembre 2022, l’État a souscrit à hauteur de 305 M€ auprès de différents Fonds sectoriels - le Fonds d’Avenir Automobile n° 2, le Fonds France Nucléaire, le Fonds Ace Aero Partenaires - et versé via le CAS PFE 120 M€.
Tels que le montrent les chiffres, l’intervention de l’État via le CAS PFE souligne un fort décalage entre l’enveloppe de 20 Mds€ ouverte en LFR 2020 et les montants effectivement décaissés dans le cadre de ces opérations. Or ce décalage reflète à la fois une situation économique qui n’a finalement pas exigé que l’État intervienne en sauvetage aussi massivement qu’attendu, mais surtout l’efficacité d’autres dispositifs gouvernementaux, dont les prêts garantis par l’État (PGE).
La situation actuelle, marquée par la guerre en Ukraine qui amplifie certains risques économiques, continue de présenter de fortes incertitudes pour les entreprises du périmètre de l’APE (interruption des échanges commerciaux et des approvisionnements en provenance de la Russie ; accroissement du risque de perturbation de la chaîne d’approvisionnement en matériaux et composants ; augmentation du prix des énergies constatée depuis décembre 2021). La situation géopolitique accélère les enjeux de transition énergétique et a très vite imposé des décisions fortes au cours de l’année 2022 pour assurer l’indépendance et la souveraineté de la France, dont celle de devoir détenir la pleine maîtrise de sa production d’électricité.
S’agissant de la priorité n° 2 (« prise en compte de la souveraineté économique et des besoins liés à la réindustrialisation du pays »), l’année 2022 a été marquée par deux opérations significatives permettant d’assurer le développement futur d’EDF.
L’État a tout d’abord souscrit en mars 2022 à l’augmentation de capital d’EDF, pour un montant de 2,654 milliards d’euros, afin de contribuer à la sécurisation de la situation financière d’EDF et sa capacité de financement à court et moyen terme, permettant à l’entreprise de poursuivre sa stratégie de développement dans le cadre de la transition énergétique.
Par la suite, en juillet 2022, l’État a annoncé le lancement d’une offre publique d’achat simplifié des titres de la société EDF (initiée en novembre 2022 et prolongée sur le mois de décembre 2022 et sur les six premiers mois de l’année 2023). Cette opération d’un montant de plus de 9 milliards d’euros assurera à l’État une meilleure réactivité sur des enjeux de très long terme, en particulier la production d’électricité décarbonée en France, et de mener plusieurs chantiers décisifs tels que le programme de construction de six réacteurs de technologie EPR2 d’ici 2050.
S’agissant de la priorité n° 3 (« exigences environnementales qui accélèrent considérablement la transformation des modèles économiques »), l’État actionnaire a poursuivi sa feuille de route pour intensifier l’engagement des entreprises dont il est actionnaire dans la réduction de leur empreinte climatique. A travers son dialogue avec les dirigeants et lors des instances de gouvernance, l’Agence des participations de l’État incite les entreprises dans lesquelles elle détient une participation à s’engager pleinement dans la lutte contre le changement climatique. L’APE incite également à la prise en compte de critères RSE, notamment liés à l’impact carbone, dans les critères de rémunération variable des dirigeants. A la suite de l’envoi à toutes les entreprises du périmètre de l’APE d’une charte RSE en avril 2021, les premiers résultats s’avèrent très encourageants. Ainsi, 100 % des entreprises du portefeuille coté et 57 % du portefeuille non coté se sont dotées d’un objectif de réduction des gaz à effet de serre (GES). Pour 64 % des entreprises du portefeuille coté, cet objectif de réduction des GES est aligné avec l’Accord de Paris, et 27 % d’entre elles sont engagées dans la démarche de certification afin d’attester de cet alignement[1]. En fin d’année 2022, l’APE a pris toute sa part aux travaux relatifs au projet de loi « Industrie verte » et continue de s’engager en faveur de la transition écologique des entreprises de son périmètre.
S’agissant de la priorité n° 4 (« disruption numérique et technologique »), l’État actionnaire a approfondi au cours de l’année sa réflexion avec les entreprises de son périmètre principalement concernées (dont Orange, dont le nouveau plan stratégique « Lead The Future » a été présenté le 16 février 2023). De façon générale, l’APE a fait des questions d’innovation l’un de ses axes de travail majeurs pour les prochains mois, afin d’être en capacité de toujours mieux accompagner les entreprises de son périmètre susceptibles d’être affectées par des ruptures technologiques majeures.
Quel que soit ce contexte, l’État actionnaire garde à l’esprit ses objectifs intrinsèques d’investisseur de long terme : préserver la valeur de ses participations et assurer le succès de ses opérations. L’Agence des participations de l’État assure en effet, quel que soit le contexte et au-delà d’opérations ponctuelles, un suivi permanent des résultats et des perspectives des entreprises, de leur stratégie, et notamment de leurs opérations de croissance externe sous des aspects économiques, industriels et sociaux. Les activités correspondantes sont décrites dans le rapport annuel de l’État actionnaire, rédigé chaque année par l’APE, en application de l’article 142 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques (NRE), et annexé chaque année au projet de loi de finances. Le maintien des indicateurs adossés au programme permettra de suivre leur évolution dans la durée et mesurer les conséquences des différentes crises sur la valeur du portefeuille de l’État et sa composition.
[1] 100 % du portefeuille coté réalise un bilan carbone complet, incluant les émissions indirectes, et 41 % du portefeuille non coté ; 100 % des entreprises du portefeuille coté se sont dotées d’un objectif de réduction des GES et 57 % du portefeuille non coté. Sur le portefeuille coté, pour 64 % d’entre elles cet objectif est aligné avec l’Accord de Paris, et 27 % sont engagées dans la démarche de certification pour attester de cet alignement ; la politique climatique des entreprises est présentée aux organes de gouvernance de manière annuelle pour 100 % des entreprises cotées et près de la moitié des non cotées ; les critères de rémunération des cadres dirigeants intègrent l’impact carbone pour 100 % du portefeuille coté et 76 % du non coté.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Veiller à l'augmentation de la valeur des participations financières de l'État
Indicateur 1.1 : Rentabilité opérationnelle des capitaux employés (ROCE)
Indicateur 1.2 : Suivi et maîtrise de l'endettement
Indicateur 1.3 : Taux de rendement de l'actionnaire
Objectif 2 : Assurer le succès des opérations de cessions des participations financières
Indicateur 2.1 : Écart entre les recettes de cessions et la valeur boursière des participations cédées
Indicateur 2.2 : Taux des commissions versées par l'État à ses conseils