Laurent RIDEL |
Directeur de l'administration pénitentiaire |
Responsable du programme n° 107 : Administration pénitentiaire |
Aux termes de l’article 2 de la loi pénitentiaire, le service public pénitentiaire participe à l’exécution des décisions pénales. Il contribue à l’insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues. Il est organisé de manière à assurer l’individualisation et l’aménagement des peines des personnes condamnées. Ce service public est assuré par l’administration pénitentiaire avec le concours des autres services de l’État, des collectivités territoriales, des associations et d’autres personnes publiques ou privées.
La modernisation du service public pénitentiaire se poursuit en 2023 avec la mise en œuvre de la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance en l’institution judiciaire. Ses principales dispositions, dans leur volet d’exécution de la peine, prévoient une systématisation de la libération sous contrainte pour les condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale inférieure ou égale à 2 ans lorsque le reliquat de peine sera inférieur ou égal à 3 mois, une révision de l’octroi des réductions de peine et la création d’un nouveau statut pour le détenu travailleur instaurant notamment un contrat d’emploi pénitentiaire. Elle a également permis de procéder par ordonnance à l’élaboration d’un code pénitentiaire simplifiant et clarifiant l’accès au droit pénitentiaire, qui a été publié le 5 avril 2022. Cette réforme s’inscrit dans le droit fil de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice qui a apporté des évolutions substantielles en matière de prononcé et d’exécution des courtes peines.
Cette politique s’accompagne d’une programmation immobilière sans précédent, avec la construction de 15 000 places de prisons supplémentaires et d’un effort conséquent en faveur des moyens humains alloués à l’administration pénitentiaire, à travers des renforts d’effectifs et des mesures catégorielles visant à mieux reconnaître la difficulté des métiers pénitentiaires, dans un contexte de retour à une surpopulation carcérale endémique, avec plus de 72 000 détenus à l’été 2022.
La direction de l’administration pénitentiaire bénéficie d’un budget de 3 907 M€ (hors contribution au CAS pensions), en hausse de 267,8 M€, soit +7 % par rapport à la LFI 2022. Les crédits de rémunération (hors CAS pensions) s’élèvent à 2 046 M€ (+9 %), tandis que les crédits hors masse salariale s’établissent à 1 861 M€ (+6 %). 809 emplois seront créés en 2023 : 489 emplois pour doter les nouveaux établissements pénitentiaires relevant du programme 15 000 et 320 autres emplois permettront de faire face aux nouvelles missions confiées à l’administration pénitentiaire et de prendre en compte la hausse d’activité.
Le budget 2023 permettra par ailleurs de poursuivre la dynamique de modernisation des missions de surveillance engagée en 2022 (déploiement du numérique en détention, équipement des agents pénitentiaires en terminaux mobiles polyvalents, modernisation des systèmes d’information), d’amplifier les actions d’insertion et de développer activement le travail en détention et de consolider les moyens dédiés à la maintenance et à l’accroissement de la performance énergétique des établissements et services pénitentiaires.
Dans ce contexte, les crédits prévus pour l’année 2023 soutiendront la mise en œuvre des trois priorités suivantes :
1) Renforcer la sécurité des personnels et des établissements ;
2) Favoriser la réinsertion des personnes placées sous-main de justice (PPSMJ) ;
3) Améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires, ainsi que la prise en charge des personnes placées sous main de justice, en luttant contre la surpopulation carcérale.
1. Renforcer la sécurité des personnels et des établissements
L’administration pénitentiaire s’est donnée pour priorité de réduire les violences, de lutter contre la radicalisation violente et de poursuivre la sécurisation des établissements.
Le combat contre la violence est la condition d’un climat de travail sécurisé et apaisé pour les personnels et d’une exécution de la peine digne pour les personnes placées sous main de justice. Pour atteindre cet objectif, un plan national pluriannuel de lutte contre les violences, sous toutes ses formes, commises tant en milieu ouvert qu’en milieu fermé, a été initié en décembre 2021. Sur la base d’un état des lieux précis de la situation des violences en milieu pénitentiaire, il vise à formuler des propositions concrètes et à déployer, à partir de début 2023, des outils et des pratiques efficaces afin de réduire les violences en détention et en milieu ouvert, à l’encontre des personnels, mais également entre personnes détenues. La conception de ce plan s’accompagne de la montée en puissance du rôle du surveillant pénitentiaire, acteur d’une détention sécurisée, conformément au protocole signé entre le garde des Sceaux et les représentants du personnel en avril 2021.
Par ailleurs, de nouvelles unités pour détenus violents seront ouvertes l’année prochaines à Lyon-Corbas et à Alençon-Condé-sur-Sarthe.
Pour la prise en charge spécifique des personnes radicalisées, 2023 verra se poursuivre la montée en charge des centres de jour, en région comme à Paris. S’agissant des quartiers d’évaluation de la radicalisation, l’ouverture récente d’une structure dédiée aux femmes à Fresnes permet de compléter la prise en charge de ce public dans les quartiers existants de Fleury-Mérogis, Fresnes, Osny et Vendin-le-Vieil. Par ailleurs, pour les détenus radicalisés prosélytes et/ou violents mais accessibles à une intervention collective, le développement des quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR) se poursuit avec la montée en puissance des quatre quartiers supplémentaires ouverts en 2021, dont un dédié spécifiquement à la prise en charge des femmes.
Afin d’accompagner cette politique, des médiateurs du fait religieux supplémentaires seront recrutés en 2023.
A l’issue d’une expérimentation en 2022 qui a démontré leur pertinence, les caméras-piétons seront généralisées à partir de 2023. Cet équipement contribue à l’apaisement des relations avec les personnes détenues dans le cadre des évènements ou incidents ponctuant la vie en détention, permet la collecte de preuves et peut être utilisé à des fins pédagogiques afin d’accompagner les personnels lors de leur formation initiale ou continue.
Face à l’évolution des publics hébergés et à l’augmentation des phénomènes de violence, l’administration pénitentiaire poursuit les actions visant à sécuriser les établissements ainsi que les services pénitentiaires d’insertion et de probation et à mieux protéger les personnels sur leur lieu de travail : déploiement des dispositifs anti-projections, renouvellement des systèmes de radiocommunication, remise à niveau de la vidéosurveillance et des portiques de détection, déploiement de dispositifs anti-drones avec l’acquisition d’une quinzaine de dispositifs supplémentaires.
Faisant suite à la dotation exceptionnelle de 30 M€ consacrée en 2022 au renforcement de la sécurité des domaines pénitentiaires, des moyens importants seront à nouveau consacrés en 2023 à la pose ou au remplacement de clôtures, à l’agrandissement des parkings pour accroître le nombre de places de stationnement et éviter aux personnels de stationner leur véhicule dans un espace ouvert, à la gestion des entrées par lecteur de badges ainsi qu’au traitement des abords des domaines, pour les rendre carrossables et favoriser leur contrôle par les équipes locales de sécurité pénitentiaires.
Afin de lutter contre l’utilisation des moyens de communication illicites en détention, l’installation de dispositifs de neutralisation par brouillage des téléphones portables, engagée depuis 2018 en ciblant les structures sécuritaires et sensibles, se poursuit à raison de 13 établissements supplémentaires sur la période 2022-2023. Par ailleurs, les quartiers d’isolement et disciplinaires des établissements pénitentiaires livrés dans le cadre du programme 15 000 seront systématiquement pourvus de cette technologie, qui prendra en charge la 5G.
Enfin, 3 ans après sa structuration en service à compétence nationale, le service national du renseignement pénitentiaire (SNRP) a fait l’objet d’un audit structurant par l’inspection des services de renseignements, dont les conclusions constitueront la feuille de route du service en 2023 : évolution du positionnement du service, professionnalisation des métiers du renseignement au sein de l’administration pénitentiaire, amélioration de l’attractivité des emplois.
2. Favoriser la réinsertion des personnes placées sous main de justice
Certaines dispositions de la loi du 22 décembre 2021, notamment la systématisation de la libération sous contrainte, seront effectives à partir du 1er janvier 2023, nécessitant la mobilisation des services pénitentiaires d’insertion et de probation. Il conviendra également de poursuivre la diversification de l’offre pénitentiaire afin de multiplier les alternatives à l’incarcération.
A cette fin, les moyens humains des services pénitentiaires d’insertion et de probation continueront à être renforcés et des méthodes de travail renouvelées avec les juridictions et les partenaires seront mises en œuvre.
Le budget 2023 va en outre permettre d’amplifier les efforts engagés ces dernières années en faveur des aménagements de peine et des mesures alternatives à l’incarcération. Pour traduire cette priorité relevant des services pénitentiaire d’insertion et de probation, le PLF prévoit une progression de 34 % des crédits dédié à cette politique.
Ces mesures nouvelles vont notamment permettre de développer le dispositif de bilan socio-professionnel pour toutes les personnes entrant en détention, renforcer les prises en charges collectives des PPSMJ en milieu ouvert et revaloriser le prix de journée du placement extérieur. Un financement est également prévu pour accompagner le déploiement du contrôle judiciaire sous placement probatoire (CJPP) pour les auteurs de violences conjugales. Ce dispositif prévoit une éviction immédiate du domicile conjugal de l’auteur de violences et sa prise en charge globale dans un hébergement adapté, comme alternative à la détention provisoire, avant la comparution devant le juge.
La réinsertion passe également par le développement des activités, du travail et de l’insertion professionnelle. La loi du 22 décembre 2021 opère ainsi un rapprochement de la réglementation du statut du détenu travailleur avec le droit commun du travail. Est ainsi créé un contrat d’emploi pénitentiaire de droit public, qui emprunte les principales caractéristiques du contrat de travail, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à la détention.
Ce contrat permet notamment au travailleur de cotiser, et donc d’ouvrir ses droits, au moment de la sortie, et selon son niveau et sa durée de cotisation, à l’assurance maladie ou au chômage, ainsi qu’à la pension de retraite ou au compte personnel de formation. Il donne aussi lieu à un paiement mensualisé, avec un seuil minimum, et peut comprendre des primes et des heures supplémentaires.
L’agence nationale du travail d’intérêt général et de l’insertion professionnelle (ATIGIP) voit son rôle renforcé par ces mesures et sera, en 2023, porteuse d’ambitions fortes en matière d’accès au travail, par la poursuite de la mise à disposition d’offres de TIG via une plateforme dédiée, TIG 360, et par la multiplication des dispositifs d’insertion par l’activité économique. Elle s’assurera enfin de l’ouverture, à partir de 2025, d’établissements pénitentiaires tournés vers le travail, dénommés InSERRE (Innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l’emploi) ayant vocation à accueillir des personnes détenues dont le reliquat de peine est compris entre 1 an et 3 ans, au sein de 3 sites d’une capacité de 100 à 180 places chacun.
Favoriser la réinsertion des personnes détenues nécessite également de renforcer leur sentiment d’appartenance à la communauté nationale. Après une première expérimentation du vote par correspondance dans les établissements pénitentiaires lors des élections européennes en 2019, la loi du 27 décembre 2019 a pérennisé cette nouvelle modalité de vote pour les personnes détenues afin de leur permettre de participer activement à la vie démocratique du pays. Lors des élections présidentielles 2022, sur 14 609 personnes détenues inscrites sur les listes électorales, 10 740 ont pu voter par correspondance au premier tour et 10 380 au second tour. Avec les trois modalités de vote confondues (VPC, permissions de sortir, procuration), plus de 11 000 personnes détenues ont voté lors des élections présidentielles 2022. Ainsi, le taux de participation de la population pénale a été de 22 %, contre 2 % lors des élections présidentielles de 2017.
Enfin, les enjeux de réinsertion sociale et de prévention de la récidive sont pris en compte à travers le programme immobilier pénitentiaire grâce à la diversification de sa typologie, favorisant une prise en charge différenciée et adaptée au profil et aux besoins des détenus. Les établissements de nouvelle génération offriront notamment un réel parcours de réinsertion et de prévention de la récidive grâce à l’intégration dans les cahiers des charges d’espaces qualitatifs faisant une plus large place à l’accueil et à l’évaluation du parcours d’exécution de peine, au travail, à l’insertion, aux installations sportives et à la zone sanitaire.
3. Améliorer les conditions de travail des personnels pénitentiaires et la prise en charge des personnes sous main de justice
Le programme immobilier pénitentiaire, qui prévoit la création de 15 000 places de prison supplémentaires à l’horizon 2027, entre en 2023 dans sa phase active avec la livraison de 10 nouveaux établissements, soit près de 2 000 places : les centres pénitentiaires de Caen-Ifs et de Troyes-Lavau, le centre de détention de Fleury-Mérogis et 7 structures d’accompagnement vers la sortie (Le Mans, Caen, Osny, Meaux, Avignon, Valence, et Noisy-le-Grand).
Les crédits d’investissement immobilier progressent à nouveau pour atteindre 651 M€ (+15 M€) en crédits de paiement. En complément de la construction de nouveaux établissement, la rénovation et la modernisation du parc pénitentiaire existant sera poursuivie avec une dotation de 130 M€, qui représente un effort sans précédent en construction budgétaire. Dans cette optique, des autorisations d’engagement permettront d’initier la restructuration de l’établissement de Fresnes notamment, structure clé de la région parisienne dont la vétusté nécessite une intervention à court terme.
Le budget 2023 permettra également de franchir un nouveau pas dans le déploiement des nouvelles technologies au sein des établissements, dans l’optique de renforcer la sécurité des personnels et de faciliter l’exercice de leurs missions.
Après avoir équipé de terminaux mobiles les équipes chargées des missions extérieures, comme les extractions judiciaires, les personnels de surveillance seront progressivement dotés, dans les détentions, d’un smartphone leur permettant d’assurer leurs différents types de communication (émetteur/récepteur, téléphone, alarme, accès à distance aux applications métier). A l’issue d’une expérimentation à Fresnes fin 2022, le projet entrera l’année prochaine en phase de généralisation.
En parallèle de la politique de renforcement des effectifs, un effort important de revalorisation statutaire et indemnitaire sera réalisé en 2023 au profit de différentes filières des personnels pénitentiaires, avec un ensemble de mesures catégorielles d’un montant de 34,2 M€. Elles répondent à la nécessaire reconnaissance de ces métiers difficiles, notamment confrontés à la surpopulation carcérale, à la prise en charge de publics carencés, parfois dangereux, auprès desquels les autres institutions sociales ont échoué.
En outre, afin de mieux reconnaître les responsabilités et l’engagement des personnels de direction, le PLF prévoit des mesures fortes visant à revaloriser le régime indiciaire et indemnitaire du corps des directeurs des services pénitentiaires et à permettre l’amélioration nécessaire et attendue de la carrière des directeurs des services pénitentiaires d’insertion et de probation.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Favoriser la réinsertion
Indicateur 1.1 : Pourcentage de personnes placées sous écrou et condamnées bénéficiant d'une mesure sous écrou de DDSE, PE ou SL
Indicateur 1.2 : Evolution du TIG
Indicateur 1.3 : Mesure de l'activité des services pénitentiaires d'insertion et de probation
Indicateur 1.4 : Pourcentage de détenus bénéficiant d'une formation générale ou professionnelle
Indicateur 1.5 : Pourcentage de personnes détenues travaillant à l'intérieur des établissements pénitentiaires
Indicateur 1.6 : Part des prévenus en attente de jugement sur l'ensemble de la population pénale
Indicateur 1.7 : Impact sur la population carcérale du développement des peines courtes alternatives à l'incarcération
Objectif 2 : Améliorer les conditions de détention des personnes sous main de justice ainsi que les conditions de travail des personnels pénitentiaires
Indicateur 2.1 : Taux d'occupation des établissements pénitentiaires
Indicateur 2.2 : Taux de personnes détenues benéficiant d'une cellule individuelle
Indicateur 2.3 : Taux d'établissements pénitentiaires labellisés dans le processus de "prise en charge et accompagnement des personnes détenues"
Indicateur 2.4 : Taux d'occupation des structures dédiées au maintien des liens familiaux
Indicateur 2.5 : Taux de recours à la visioconférence dans le cadre des extractions judiciaires
Objectif 3 : Renforcer la sécurité des établissements pénitentiaires
Indicateur 3.1 : Nombre d'évasions pour 10 000 détenus (sous garde pénitentiaire directe/hors de l'établissement)
Indicateur 3.2 : Nombre d'actes de violence pour 1000 personnes détenues
Indicateur 3.3 : Taux de détenus radicalisés ayant suivi un programme de prévention de la radicalisation violente