Emmanuel MOULIN |
Directeur général du Trésor |
Responsable du programme n° 114 : Appels en garantie de l'État (crédits évaluatifs) |
Le programme 114 « Appels en garantie de l’État » porte des dépenses budgétaires qui découlent de la mise en jeu des garanties octroyées par l’État ; il est constitué de crédits évaluatifs (art. 10 de la LOLF). Ces garanties sont de natures diverses : garanties de passifs, opérations d’assurance, garanties d’achèvement, etc.
La majeure partie des garanties de l’État retracées sur ce programme sont des garanties de dettes émises par des tiers ; l’octroi de cette garantie peut alors répondre à différents objectifs :
améliorer les conditions de financement dont bénéficient ces tiers (diminution du coût de financement, allongement de la durée des prêts, etc.), en faisant bénéficier leurs emprunts de la solidité financière de l’État garant. La garantie peut, dans certains cas, constituer une alternative à une intervention directe en crédits budgétaires (bonification de taux par exemple) ;
décharger le bénéficiaire d’un engagement qu’il porte pour le compte de l’État. La garantie de l’État peut permettre à des établissements financiers d’octroyer des prêts ou de se refinancer à moindre coût lorsqu’ils financent des opérations relevant de l’intérêt général (par exemple, la garantie du Fonds d’épargne centralisé à la Caisse des dépôts et consignations).
Lorsqu’elle ne prend pas la forme d’une garantie de dette, la garantie de l’État permet l’assurance de certains risques que le marché privé n’est pas à même de supporter (par exemple, la réassurance des risques auprès de la Caisse centrale de réassurance) ou permet la cession, la restructuration ou la liquidation d’entreprises publiques (telle la garantie de passif de la SNPE pour la dépollution de terrains cédés à Safran).
Le programme 114 financera en 2023 les appels en garantie issus des dispositifs nouveaux créés à partir de 2020 lors de la crise sanitaire de la covid‑19, ainsi que des dispositifs précédemment mis en place et maintenus. Ces dispositifs ont été prolongés et se sont poursuivis en 2022 ; les prévisions de dépenses pour 2023 intègrent des appels en garantie sur la plupart d’entre eux.
I. Plusieurs dispositifs de garantie créés par l’État depuis la crise sanitaire de 2020 ont un impact important sur les prévisions pour 2023 de dépenses du programme 114
Prêts garantis par l’État (PGE)
Le Gouvernement a mis en œuvre dès mars 2020 un dispositif exceptionnel de garanties permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises, à hauteur de 300 Md€ : jusqu’au 30 juin 2022, les entreprises de toute taille et quelle que soit leur forme juridique (par exemple les sociétés, commerçants, artisans, exploitants agricoles, professions libérales, micro-entrepreneurs, associations et fondations ayant une activité économique, etc.), peuvent demander à leur banque habituelle un prêt garanti par l’État pour soutenir leur trésorerie.
Dans le cas général, ce prêt peut représenter jusqu’à trois mois de chiffre d’affaires 2019, ou deux années de masse salariale pour les entreprises innovantes ou créées depuis le 1er janvier 2019. Aucun remboursement n’est exigé la première année, et si l’entreprise en fait la demande à sa banque, seuls les intérêts sont payés la deuxième année ; l’entreprise peut choisir d’amortir le prêt sur une durée maximale de cinq ans à l’issue de la première année, pour une durée totale du prêt de six ans maximum, hors cas de restructurations de PGE décidés dans le cadre de procédures sous l’égide de juges.
Les PGE Résilience ont été mis en place en avril 2022 et visent à soutenir les entreprises affectées économiquement par la guerre en Ukraine. Ils ont été prolongés jusqu’à fin décembre 2022. Ces prêts permettent aux entreprises pénalisées par les conséquences économiques du conflit en Ukraine de faire face à des difficultés de trésorerie : ces prêts peuvent représenter jusqu’à 15 % de leur chiffre d’affaires annuel moyen au cours des trois dernières années.
Mise en œuvre d’un Fonds de garantie paneuropéen de la Banque européenne d’investissement (BEI)
Le 26 mai 2020, le Conseil d’administration de la BEI a approuvé la structure et la documentation juridique du nouveau Fonds de garantie paneuropéen pour faire face aux conséquences économiques de la pandémie de covid‑19, mis en place au bénéfice du Groupe BEI. La création du fonds avait préalablement été approuvée dans son principe par le Conseil européen du 23 avril dans le cadre du programme global prévu par l’UE face à la pandémie de covid‑19.
Ce fonds permet au Groupe BEI d’accroître son appui aux entreprises européennes - principalement aux PME - et dans une moindre mesure à des entités publiques actives dans le secteur de la santé - par la mobilisation de financements supplémentaires pouvant atteindre jusqu’à 200 Md€. Il finance des entreprises qui sont viables sur le long terme mais se trouvent en difficulté dans la crise. Au moins 65 % des financements sont réservés aux PME et au moins 75 % concernent des mécanismes de partage de risque (garanties, contre-garanties, titrisation, etc.) sur des portefeuilles de prêts, contre 25 % maximum pour des financements de type fonds propres.
Les 27 États membres de l’UE ont été invités à constituer une enveloppe de 25 Md€ du Fonds de garantie paneuropéen une contribution proportionnelle à leur quote-part du capital de la BEI, soit un plafond de garantie fixé à 4,7 Md€ pour la France. Ces contributions prennent la forme de garanties mais peuvent également inclure un versement initial. La garantie de l’État a été autorisée par la loi de finances rectificative n° 2020-473 du 25 avril 2020.
Les garanties couvrent les pertes encourues dans les opérations soutenues par le Fonds de garantie paneuropéen. Toutes les pertes seront supportées de manière proportionnelle par les États membres participant.
Ce Fonds de garantie est de nature temporaire avec une période d’investissement initiale fixée jusqu’au 31 décembre 2021.
Garantie de l’État sur des fonds investis dans des prêts participatifs Relance et obligations Relance octroyés à des PME et ETI
Ce dispositif de garantie a été créé par l’article 209 de la loi de finances pour 2021 pour renforcer le bilan des entreprises françaises, soutenir leur capacité d’investissement dans le cadre de la relance en mobilisant jusqu’à 20 Md€ de financements privés.
L’État apporte jusqu’au 31 décembre 2023 une garantie aux investisseurs qui refinancent des prêts participatifs ou des obligations relance. Le dispositif de garantie prévoit la possibilité de couvrir jusqu’à 30 % de l’encours total des fonds bénéficiant de la garantie, plafonné à 20 Md€.
Garantie aux opérateurs de voyages et de séjour (OVS)
Afin de sécuriser et stabiliser le marché de la garantie financière des opérateurs de voyages et de séjours dans un contexte de crise économique et sanitaire, un fonds public de « Garantie des opérateurs de voyages et de séjours » (FGOVS) a été instauré par la loi de finances pour 2022. La gestion administrative du fonds est confiée à la Caisse Centrale de Réassurance (CCR). En contrepartie de la réassurance, des primes seront perçues afin de rémunérer le risque pris par l’État. Le schéma prévu intègre un plafond de pertes (« Loss Cap ») permettant de limiter l’engagement financier de l’État au titre du dispositif. Le plafond de pertes sera fixé dans les conventions de réassurance conclues entre la CCR pour le compte du FGOVS et les garants à un niveau tel qu’il ne soit pas supérieur à 1,5 Md€.
Le dispositif est en attente de validation de la Commission européenne et devrait entrer en vigueur pour les années 2022 et 2023.
II. Les dispositifs de garantie antérieurs à la crise de la covid‑19 sont maintenus
Le programme 114 poursuit en 2023 le financement des appels en garantie sur les dispositifs mis en place avant la crise de 2020, dans le cadre des politiques publiques en faveur des entreprises et de la croissance, de l’aide économique et financière au développement, des transports, du logement, de l’agriculture, etc. Les besoins de financement de ces diverses garanties de l’État pour 2023 prennent ainsi en compte, notamment pour le soutien à l’export, les incidences économiques de la crise covid‑19.
Garanties liées au développement international de l’économie française
L’objectif principal de ces garanties publiques est d’apporter un appui financier aux entreprises françaises exportatrices. L’intervention de l’État au moyen de garanties dans la structuration financière des contrats à l’étranger et dans les démarches de prospection des entreprises se révèle souvent nécessaire en raison de la durée de ces contrats, de leur montant et du risque de contrepartie, que le marché privé ne peut ou ne veut pas prendre en charge seul.
Ces garanties sont retracées sur le compte de commerce 915 « Soutien financier au commerce extérieur », créé par l’article 47 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 et qui reproduit la présentation de l’action 04 du programme 114. Des abondements depuis le programme 114 viennent compenser les sections déficitaires sur l’année précédente du compte de commerce, en fonction de la perception de primes ou de récupérations et du versement d’indemnités de sinistres. La rémunération de Bpifrance Assurance Export au titre de sa mission est quant à elle portée par l’action 07 du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie ».
Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit d’inclure dans les missions de Bpifrance Assurance Export deux procédures de garantie : i) procédure de stabilisation de taux d’intérêt ; ii) garanties pour la construction navale. Ces deux dispositifs devront donc être financés à partir du programme 114 en cas de déficit.
Garanties liées au soutien au domaine social et au logement
L’une des garanties majeures en termes d’exécution gérée sur le programme 114 est la garantie de l’accession sociale à la propriété. En effet, dans le cadre de son action en faveur du logement, l’État encourage l’accession à la propriété ou la rénovation du logement en accordant notamment, et sous certaines conditions, sa garantie aux dispositifs suivants :
les prêts à l’accession sociale à la propriété (PAS) ;
les prêts à taux zéro, notamment le prêt à taux zéro + (PTZ+) ;
les éco-prêts à taux zéro (éco-PTZ).
Garanties liées au soutien du secteur bancaire
1/ Les garanties ad hoc à la suite de la crise de 2008
Diverses actions avaient été mises en place au moment de la crise financière de 2008 afin de venir en soutien au secteur bancaire (via la Société de prise de participation de l’État - SPPE - et la Société de financement de l’économie française - SFEF) et à Dexia en particulier (pour laquelle, le soutien a pris la forme d’apports de fonds propres par les États français et belge ainsi que de garanties de financement apportées par l’État français, la Belgique et le Luxembourg – ce dernier n’étant pas partie à la convention de garantie renouvelée pour la période 2022-2031).
La garantie des États a été renouvelée pour la période 2022-2031, et comprend plusieurs modifications : (i) un abaissement du plafond d’encours total garanti à 75 Md€ ; (ii) une clé de répartition de la garantie à 53 % pour la Belgique et 47 % pour la France, à la suite du retrait du Luxembourg.
L’encours garanti par la France pour Dexia dans le cadre des conventions de garantie successives s’élevait à 22 Md€ au 31 décembre 2021.
Sur la période d’octobre 2008 à fin juin 2022, le montant total des rémunérations prévues au titre des différentes garanties accordées à Dexia (rémunération des garanties et commissions de mise en place) s’élève à 1,074 Md€ (+11,1 M€ depuis juin 2021).
2/ La garantie accordée en 2012 au Crédit immobilier de France
L’article 108 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 a autorisé le ministre chargé de l’économie à octroyer la garantie de l’État aux créances intragroupes et aux émissions du Crédit immobilier de France (CIF), à hauteur respectivement de 12 Md€ et 16 Md€. Au 1er juin 2022, l’encours de la garantie octroyée par l’État au CIF s’établissait à 3,25 Md€ pour la garantie externe et 0,05 Md€ pour la garantie interne. Le cumul de rémunération de la garantie entre 2013 et fin 2021 est de 1,15 Md€.
3/ Le financement-relais du Fonds de résolution unique
Dans le contexte de création du Mécanisme de résolution unique instauré par le règlement UE n° 806/2014 dit « MRU » et par l’accord intergouvernemental du 27 mai 2014, concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique (FRU), le FRU peut être mobilisé pour financer une procédure de résolution bancaire dans un État participant à l’Union bancaire, dans la limite de 5 % du total des passifs de la banque mise en résolution, après que des pertes ont été imputées aux actionnaires et aux créanciers à hauteur de 8 % du passif de la banque concerné.
Compte-tenu de sa collecte progressive de contributions auprès du secteur bancaire, visant à atteindre 1 % des dépôts couverts en 2024, le FRU ne disposera de l’ensemble de ses ressources qu’au 1er janvier 2024. Le financement-relais des États membres au bénéfice du FRU prend la forme de lignes de crédit de chaque État membre à son compartiment national. Cela représente pour la France un effort potentiel maximal de 15,3 Md€. Le mécanisme de cette ligne de crédit est porté par la SPPE.
Contribution française à la garantie des émissions du Fonds européen de stabilité financière
La mise en place du Fonds européen de stabilité financière (FESF) en 2010 par les États membres de la zone euro était destinée à apporter des financements aux États membres de la zone euro jusqu’à hauteur de 440 Md€. Afin d’accomplir les missions prévues par l’accord-cadre, le FESF peut émettre des emprunts bénéficiant de garanties apportées par l’ensemble des États membres de la zone euro. Le ministre chargé de l’économie a été autorisé à apporter la garantie de l’État, à ce titre, par l’article 3 modifié de la loi n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificative pour 2010. Cette garantie relève de l’action n° 5 « Autres garanties » du présent programme.
Le FESF, qui n’est plus autorisé à initier de nouveaux programmes d’assistance financière depuis le 1er juillet 2013, est engagé dans le cadre de trois programmes d’assistance financière pour un encours nominal de prêts de 174,6 Md€ : le programme irlandais depuis novembre 2010 (17,7 Md€), le programme portugais depuis mai 2011 (26,0 Md€) et le programme grec depuis mars 2012 (montant nominal de 130,9 Md€). L’encours des émissions du FESF au 31 décembre 2021 représente un montant nominal de 185,7 Md€. Le solde de 11,1 Md€ traduit en particulier la nécessité de maintenir un niveau suffisant de liquidité pour assurer le refinancement des emprunts du FESF.
L’exposition de la France au titre de la garantie qu’elle apporte à ces émissions est de 73,4 Md€ au 31 décembre 2021 (incluant 8,2 Md€ d’intérêts, 65,2 Md€ en principal), montant à comparer au plafond de 159 Md€ autorisé par la loi du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011. Le montant de 65,2 Md€ prend en compte, conformément à la demande de la Cour des comptes, un retraitement des titres retournés au FESF par la Grèce (il s’élève à 67,1 Md€ sans ce retraitement). Les 65,2 Md€ se décomposent en 40,6 Md€ correspondant à la quote-part de la France liée aux émissions du FESF (21,87 % au 31 décembre 2021) et 24,6 Md€ correspondant à des « sur-garanties » (ayant pour objet d’assurer que, dans le cas improbable où la garantie des États membres serait appelée par le FESF et où seuls ses six garants les mieux notés honoreraient leurs engagements au titre de la garantie, le FESF disposerait des ressources suffisantes pour honorer intégralement ses engagements).
Conformément aux avis d’Eurostat des 27 janvier 2011 et 12 avril 2012, les engagements du FESF ont un impact sur la dette des États membres au sens de Maastricht à hauteur de leurs quotes-parts dans les prêts décaissés (21,87 % pour la France au 31 décembre 2021) – la décision d’Eurostat indique que la part de la dette contractée par le FESF pour alimenter son coussin de liquidité n’est pas imputée aux États membres. L’impact des engagements du FESF sur la dette maastrichtienne de la France est ainsi de 38,2 Md€ au 31 décembre 2021.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Assurer l'équilibre à moyen terme des procédures publiques d'assurance-crédit, notamment en maintenant une dispersion suffisante des catégories de risques garantis
Indicateur 1.1 : Indice moyen pondéré du portefeuille des risques de l'assurance-crédit (risque pays)
Objectif 2 : Satisfaire la demande des entreprises en couverture de risque de change, sous la contrainte de la gestion à l'équilibre de la procédure
Indicateur 2.1 : Position nette réévaluée (valeur du portefeuille risque/couverture au 31/12 de l'année)
Indicateur 2.2 : Nombre de PME ayant bénéficié d'une garantie de change
Objectif 3 : Encourager les PME à prospecter les marchés extérieurs
Indicateur 3.1 : Taux de retour en fin de période de garantie
Objectif 4 : Répondre aux besoins des entreprises en garanties du risque exportateur, tout en respectant le principe de subsidiarité et en limitant l'exposition de l'Etat sur les moins bons risques
Indicateur 4.1 : Pourcentage des bons risques et des moins bons risques parmi les entreprises bénéficiaires des garanties du risque exportateur
Objectif 5 : Qualité de gestion des prêts garantis par l'État (PGE) par Bpifrance
Indicateur 5.1 : Part de dossiers PGE contrôlés
Indicateur 5.2 : Délais d’indemnisation des banques et de paiement des commissions