Jean-Benoît DUJOL |
Directeur général de la cohésion sociale |
Responsable du programme n° 157 : Handicap et dépendance |
Le soutien à l’autonomie des personnes en situation de handicap et des personnes âgées est un des leviers nécessaires à leur inclusion dans la société, permettant à tous de vivre une vie « comme les autres, au milieu des autres » selon les mots du Président de la République.
L’objectif global du programme « Handicap et dépendance », piloté par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), est de permettre aux personnes en situation de handicap et aux personnes âgées en perte d’autonomie de participer pleinement à la société et de pouvoir choisir librement leur mode de vie, ce qui commande notamment de leur faciliter l’accès aux espaces de vie de droit commun, avec l’appui d’un accompagnement gradué et adapté à leurs besoins.
Afin de mettre en œuvre ces orientations, la Conférence nationale du handicap (CNH) est un rendez-vous prévu tous les trois ans par la loi du 11 février 2005, sous l’autorité du président de la République, « afin de débattre des orientations et des moyens de la politique concernant les personnes handicapées ». Cinq CNH se sont déjà tenues : le 10 juin 2008, le 8 juin 2011, le 11 décembre 2014, le 19 mai 2016 et le 11 février 2020. La prochaine CNH se tiendra en février 2023. Ces rendez-vous importants sont l’occasion de consolider et d’amplifier les feuilles de route du Comité Interministériel du Handicap (CIH).
La 5e conférence nationale du handicap « Tous concernés, tous mobilisés » du 11 février 2020 a bénéficié d’une mobilisation citoyenne inédite, avec et pour les personnes en situation de handicap. Cinq grands chantiers nationaux ont été lancés autour de l’amélioration de la compensation du handicap pour les enfants, de la rénovation de la prestation de compensation du handicap pour les personnes handicapées adultes, de l’évolution des Maisons départementales des personnes handicapées, de la prévention des départs non souhaités en Belgique et de la participation des personnes en situation de handicap à la construction des politiques publiques.
Le 6e Comité interministériel du handicap qui s’est tenu le 3 février 2022 a rappelé la mobilisation de l’ensemble du gouvernement pour réaliser des avancées concrètes au profit des personnes en situation de handicap et de leurs aidants.
Les quatre objectifs déclinés lors des derniers CIH traduisent les priorités fixées sur le champ du handicap : investir sur les jeunes générations en situation de handicap, simplifier le quotidien et renforcer le pouvoir d’agir des personnes en situation de handicap, accompagner sur tous les lieux de vie et transformer la société.
De nombreuses mesures issues des engagements de la CNH et du CIH ont été mises en œuvre en 2022. C’est le cas notamment de la poursuite du développement de l’université inclusive, du plan de transformation des établissements et services d’aide par le travail (ESAT), de la revalorisation du montant de l’allocation journalière du congé « proche aidant » et des avancées importantes pour l’accessibilité de la communication gouvernementale.
Le PLF 2023 confirme cette trajectoire et prend acte des conséquences de la hausse des prix à la consommation sur les ménages les plus fragiles. La revalorisation anticipée des prestations sociales (dont les pensions d’invalidité et l’AAH), la déconjugalisation de l’AAH et la reprise en base des crédits du plan de relance au profit de l’accompagnement dans l’emploi des personnes en situation de handicap sont autant de mesures qui s’inscrivent dans cette démarche.
La politique en faveur des personnes en situation de handicap
Les crédits du programme 157 « Handicap et dépendance » contribuent très majoritairement au soutien du revenu des personnes handicapées par le financement de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), qui représente 89 % des dépenses du programme.
Entre 2017 et 2022, l’AAH a bénéficié de plusieurs vagues de revalorisations afin de lutter contre la pauvreté des personnes en situation de handicap. Relevé de 903,6 € à 919,86 € au 1er avril, le montant forfaitaire de l’AAH a été porté au 1er juillet à 956,65 € depuis le 1er juillet 2022 (soit une hausse de 5,9 % par rapport au 1er janvier) par anticipation de la prochaine revalorisation légale prévue au 1er avril 2023 afin de tenir compte de la dynamique de l’inflation.
En parallèle, plusieurs mesures de simplification de la prestation ont été introduites :
Les dispositifs de soutien complémentaire aux bénéficiaires de l’AAH (le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome) ont été simplifiés, à compter du 1er décembre 2019, au profit d’un complément unique : la majoration pour la vie autonome. Les bénéficiaires de l’AAH qui percevaient le complément de ressources jusqu’au 1er décembre 2019 continuent d’en bénéficier pendant 10 ans, sous réserve de remplir les conditions d’attribution ;
L’AAH peut, depuis le 1er janvier 2019, être attribuée sans limitation de durée aux personnes qui présentent un taux d’incapacité permanente égal ou supérieur à 80 % et qui présentent des limitations d’activité non-susceptibles d’évolution favorable ; l’AAH peut en outre désormais être attribuée pour une durée susceptible d’atteindre jusqu’à dix ans pour les personnes dont le taux d’incapacité permanente est compris entre 50 et 80 % ;
Les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés qui atteignent l’âge légal de départ à la retraite n’ont, depuis le 1er juillet 2020, plus l’obligation de déposer une demande de pension de retraite auprès des organismes de retraite. En effet, la liquidation des droits est désormais automatisée sans démarche à accomplir.
Afin de soutenir les bénéficiaires de l’AAH en couple dont les revenus sont les plus modestes, l’article 202 de la loi de finances pour 2022 a substitué à l’abattement proportionnel de 20 % sur les revenus du conjoint un abattement fixe annuel de 5 000 €, majoré de 1 400 € par enfant. Cette mesure a permis à 140 000 ménages d’enregistrer un gain mensuel moyen d’AAH de 120 €/mois sans faire de perdants pour un coût annuel de 200 M€/an. Le passage d’un abattement proportionnel à un abattement forfaitaire, plus redistributif pour les personnes en couple et notamment pour les femmes, a permis à plus de 60 % des couples dont le bénéficiaire de l’AAH est inactif de percevoir l’AAH à taux plein, contre environ 45 % avant la réforme.
L’article 10 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a acté la déconjugalisation de l’AAH en excluant les ressources du conjoint de la base-ressource utilisée pour le calcul de son montant et en supprimant la majoration du plafond de ressources applicable aux couples. La disposition prévoit également un maintien du calcul actuel de la prestation pour les bénéficiaires en couple qui seraient perdants à la déconjugalisation, afin de ne pas les pénaliser.
La déconjugalisation de l’AAH bénéficiera à 160 000 allocataires (dont 80 000 nouveaux entrants dans la prestation) pour un gain moyen de 300 € par mois. Elle sera mise en œuvre au plus tard le 1er octobre 2023, ce délai étant nécessaire afin que les caisses de sécurité sociale puissent mener à bien les travaux techniques, notamment en termes de systèmes d’information. Cette mesure représentera un surcroît de dépenses de 560 M€ en année pleine (soit un coût total de 760 M€ avec la réforme de l’abattement sur les revenus du conjoint), dont 160 M€ au titre de la compensation des ménages perdants qui pourront continuer à se voir appliquer l’ancien mode de calcul dans le cadre du mécanisme transitoire que le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre.
Au total, l’enveloppe dédiée à l’AAH aura progressé de 38 % entre la loi de finances pour 2017 et le projet de loi de finances pour 2023, représentant 3,5 Md€ supplémentaires par an pour les personnes en situation de handicap.
Le programme finance également l’ « aide au poste » versée par l’État aux ESAT, au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH). Cette aide bénéficie à quelque 120 000 personnes employées en ESAT.
La loi de finances pour 2022 a permis d’accompagner l’évolution des Établissements et services d’aide par le travail (ESAT) autour d’un plan d’action articulé autour de trois axes :
Le renforcement de la garantie des droits des usagers d’ESAT dans le sens d’un rapprochement avec les droits des salariés, tant en matière d’accès à la prévoyance qu’en matière d’accès à la formation professionnelle ;
Le renforcement des accompagnements et la fluidification des parcours professionnels. L’ouverture d’un « parcours renforcé en emploi » permet aux personnes en situation de handicap admises en ESAT d’évoluer plus librement en entreprise adaptée et en entreprise du milieu ordinaire avec le droit à des allers-retours ainsi que la possibilité de cumuler une activité professionnelle à temps partiel en ESAT et un contrat de travail à temps partiel en milieu ordinaire. L’annualisation de l’aide au poste versée par l’État aux ESAT au titre de la garantie de ressources des travailleurs handicapés, valorisée dans les crédits du programme, permet le dépassement temporaire du plafond de postes par les établissements en cours d’année. Les crédits du programme ont ainsi été rehaussés à hauteur de 10 M€ en 2022 et de 5 M€ supplémentaires en 2023 afin de permettre la mise en œuvre effective d’un droit au retour sans nouvelle décision administrative de la MDPH pour les usagers d’ESAT ayant choisi de partir travailler en milieu ordinaire ;
Le soutien à l’investissement au travers de la mise en œuvre, sur les fonds du plan de relance destinés au soutien à l’emploi des personnes handicapées, d’un plan pour la transformation des ESAT qui permet de soutenir la modernisation de l’outil productif de ces établissements.
Le projet de loi de finances pour 2023 s’inscrit dans la même dynamique avec :
L’extension en année pleine des effets de l’annualisation de l’aide au poste permettant le dépassement temporaire de l’arrêté d’autorisation de fonctionnement pour pallier les longs arrêts maladies, et facilitant l’exercice du droit au retour ;
La poursuite des travaux liés à la refonte du SI ESAT. L’objectif étant, d’une part, de remplacer la saisie des déclarations des établissements, effectuées actuellement sur le portail des Établissements et Services d’Aide par le Travail, par la collecte automatique et dématérialisée de données de la Déclaration Sociale Nominative (DSN) et, d’autre part, d’utiliser l’identité numérique vérifiée pour supprimer l’envoi papier des bordereaux pour les données restant à saisir (indemnités journalières et contributions). Le principal objectif est d’alléger la charge déclarative des établissements en appliquant le principe du « Dites-le nous une fois ».
Le programme porte également les financements dédiés à l’emploi accompagné. En 2023, l’enveloppe dédiée à ce dispositif s’élève à 22,4 M€, les 7,5 M€ mis en œuvre en 2022 à titre initialement temporaire sur le plan de relance étant pérennisés sur le P157.
Le développement de l’emploi accompagné constitue un enjeu majeur pour l’insertion durable des personnes handicapées dans le milieu de travail ordinaire.
En 2023, il s’agira de poursuivre les travaux engagés en 2022 et en particulier le déploiement des plateformes départementales de l’emploi accompagné qui ont pour objectif :
D’accompagner les réseaux territoriaux dans ce déploiement ;
D’harmoniser les pratiques encore hétérogènes dans la gestion par les agences régionales de santé (ARS) des crédits dédiés à l’emploi accompagné (encourager la pluriannualité), mais également dans les pratiques es pratiques d’accompagnement vers et dans l’emploi des plateformes ;
De bâtir un référentiel de l’emploi accompagné ;
De garantir les coopérations territoriales compte tenu de la pluralité des intervenants en utilisant le levier qu’est le Plan régional pour l’insertion des travailleurs handicapés (PRITH).
En appui au déploiement des plateformes, ont été missionnés :
L’Agence nouvelle des solidarités actives (ANSA) depuis 2017 pour les objectifs suivants : remontée des données, élaboration du premier référentiel, évaluation des dispositifs, étude des coûts évités. Reconduite dans sa mission, elle travaillera à l’élaboration d’un nouveau référentiel, évaluera les plateformes départementales et analysera une expérimentation lancée dans quelques structures portant sur un accompagnement renforcé concernant le handicap psychique.
Le Collectif France Emploi Accompagné (CFEA), pour l’appui auprès des plateformes elles-mêmes (élaboration de documents types, et exploitation d’un outil dédié à la remontée quantitatives et qualitatives de données au niveau national). Une première version a été déployée en janvier 2022. Une seconde version dotée d’indicateurs de pilotage budgétaire est en cours de construction.
La politique de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance
La politique mise en place par l’État entend protéger les personnes vulnérables en raison de leur âge ou de leur handicap en facilitant le signalement et le traitement des faits de maltraitance, et en renforçant les contrôles opérés au sein des établissements sociaux ou médico-sociaux. Elle vise également à prévenir et à repérer les risques de maltraitance en accompagnant les institutions et les professionnels dans la mise en œuvre d’une politique active de bientraitance.
Afin d’offrir un dispositif d’écoute téléphonique adapté aux victimes (personnes âgées et adultes handicapés) et aux témoins de faits de maltraitance, le programme 157 finance un numéro national unique d’accueil téléphonique et de traitement des appels : le 3977, mis en place en 2008. La gouvernance de ce dispositif a été progressivement renforcée avec la reprise de la gestion de ce numéro national par la « Fédération 3977 contre la maltraitance » en février 2014.
Le dispositif est composé d’une plateforme nationale d’écoutants salariés et d’un réseau territorial de centres départementaux et interdépartementaux d’écoute et d’accompagnement de proximité. La Fédération exerce aussi des missions de communication, de sensibilisation du grand public et de formation des acteurs concernés à la prévention et à la lutte contre la maltraitance. Elle contribue également, par son rapport d’activité annuel, à la connaissance quantitative et qualitative des phénomènes de maltraitance.
La crise sanitaire a exacerbé les risques de maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité et la nécessité d’un renforcement de leur protection et du respect de leurs droits fondamentaux. Le 3977 a mis en place un accès 7/7, gratuit et non-traçable (fin 2020) et s’est doté d’un dispositif d’accès spécifique aux personnes sourdes et malentendantes (appel-visio en LSF). Dans le cadre de la convention pluriannuelle d’objectifs (CPO) 2021-2023, les actions de la Fédération porteront en 2023 sur l’extension et la pérennisation de l’accessibilité au 3977, ainsi que sur l’évolution du logiciel de traitement pour améliorer et faciliter l’exploitation statistique et qualitative des données. La communication et les partenariats seront renforcés pour donner une meilleure visibilité au dispositif et à la Fédération. Enfin, une offre de formation sera développée et l’animation du réseau territorial sera accompagnée.
La politique de prévention et de lutte contre la maltraitance, compte tenu du caractère transversale de ces phénomènes, revêt une dimension interministérielle. En 2023, un chantier national sera engagé pour donner une impulsion nouvelle à la politique de lutte contre la maltraitance via le renforcement de la gouvernance et la mise en place d’actions structurantes, parmi lesquelles le renforcement du système de veille et d’alerte et le traitement des situations de maltraitance au plan local. Les travaux précédemment engagés seront poursuivis : déploiement du « vocabulaire partagé de la maltraitance » issu des travaux de la Commission nationale de lutte contre la maltraitance et de promotion de la bientraitance, mise en œuvre d’actions de communication et de sensibilisation du public, formation des acteurs ou encore travaux visant à mieux documenter ces phénomènes.
Le pilotage du programme
Au titre des actions de pilotage national de la DGCS, le programme « Handicap et dépendance » finance notamment une participation aux instituts nationaux de jeunes sourds et aveugles, au fonctionnement des centres régionaux d’étude, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité (CREAI) et au centre national d’information sur la surdité (CNIS).
Le programme 157 attribue également des subventions aux associations et fédérations nationales œuvrant en faveur des personnes handicapées ou âgées dépendantes.
Enfin, le programme 157 soutiendra en 2023 la création d’un portail national de l’édition accessible. Ce portail permettra de faciliter la vie quotidienne de millions de personnes, en les aidant à trouver rapidement dans le commerce des ouvrages qui leur sont accessibles ou, s’ils ne le sont pas, à s’en procurer une adaptation.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Accroître l'effectivité et la qualité des décisions prises au sein des MDPH
Indicateur 1.1 : Qualité des décisions de la commission des droits et de l'autonomie (CDAPH) des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) dans le cadre d'une première demande
Indicateur 1.2 : Qualité des décisions de la commission des droits et de l'autonomie (CDAPH) des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) dans le cadre d'un renouvellement
Objectif 2 : Développer l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés
Indicateur 2.1 : Qualité de l'accueil, de la formation et de l'accompagnement en ESAT
Objectif 3 : Accompagner le retour vers l'emploi pour développer la part du revenu du travail dans les ressources des allocataires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH)
Indicateur 3.1 : Part des allocataires de l'AAH percevant une rémunération d'activité