Jean-Baptiste GOURDIN |
Directeur général des médias et des industries culturelles |
Responsable du programme n° 180 : Presse et médias |
La vitalité, le pluralisme et le développement de la presse et des médias sous toutes leurs formes, notamment les médias locaux dont l’ancrage territorial est essentiel, constituent plus que jamais des enjeux majeurs de notre vie démocratique. Le programme 180 « Presse et médias » regroupe, dans cette perspective, les moyens budgétaires permettant de soutenir la presse et les médias dans toute leur diversité d’expression. A cette fin, ce programme comporte cinq actions respectivement consacrées aux relations financières de l’État avec l’Agence France-Presse (AFP) (action 1), aux aides directes à la presse écrite (action 2), au soutien aux médias de proximité (action 5), au soutien à l’expression radiophonique locale (action 6) et au soutien à la Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT) (action 7).
La presse écrite permet une appropriation active de l’information, une mise en perspective des événements, une confrontation des commentaires et des analyses et participe ainsi à la construction d’une véritable conscience culturelle et politique. C’est la raison pour laquelle l’État s’est attaché de longue date à soutenir ce secteur stratégique, avec pour objectif fondamental de garantir l’effectivité de la liberté de la presse. La politique publique en faveur de la presse écrite s’attache ainsi à soutenir le développement de sa diffusion, y compris à l’étranger, à conforter les conditions de son pluralisme et à favoriser sa modernisation et l’émergence de nouveaux titres.
La crise structurelle que subit le secteur de la presse, en particulier la presse quotidienne d’information politique et générale (IPG), appelle une continuité de l’action des autorités publiques afin d’accompagner le secteur dans sa mutation technologique, tout en confortant le pluralisme des idées.
L’année 2023 marque l’achèvement du plan de soutien à la filière presse annoncé par le Président de la République le 27 août 2020. En réponse à la crise à la fois conjoncturelle et structurelle de la presse et afin de consolider son avenir, l’État aura ainsi consenti un effort financier sans précédent, combinant des crédits budgétaires et des dépenses fiscales pour un montant total de 483 M€ sur trois ans[1]. Au sein de ce plan, les mesures financées sur les crédits du plan France relance, dont une partie doit être financée par l’Union européenne, auront plus spécialement visé à accompagner les transitions écologique et numérique du secteur, tout en réaffirmant l’attachement de l’État à une presse libre, indépendante et pluraliste, enjeu vital pour notre démocratie.
Ces efforts seront poursuivis en 2023, dans le cadre des dispositifs pérennes inscrits au programme 180 « Presse et médias », en particulier le Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP). Les dotations en AE et en CP de ce dispositif, qui étaient jusqu’à présent identiques, sont désormais différenciées et ajustées afin de tenir compte du calendrier effectif de décaissement, qui s’étend généralement sur plusieurs années, et de la mise à jour du stock de projets en cours.
Pour demeurer pertinent et efficient, le système des aides à la presse continue par ailleurs d’évoluer. Les dernières années ont ainsi été marquées par l’adaptation des aides existantes afin de les rendre plus efficaces et d’en faire de réels leviers d’impulsion du développement de la presse et de diversification de l’offre éditoriale : l’aide aux quotidiens nationaux d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires (en 2015) puis l’aide à la presse hebdomadaire régionale (en 2016) ont été étendues aux titres de périodicité plus longue ; deux nouvelles aides, d’une part pour les titres ultramarins (2 M€) et d’autre part pour les services de presse en ligne (4 M€), ont été créées en 2021 ; les crédits consacrés au soutien au pluralisme ont été sanctuarisés. Le PLF 2023 s’inscrit dans cette continuité en majorant de +1,2 M€ l’aide aux quotidiens à faibles ressources publicitaires afin de tenir compte de l’éligibilité d’un titre récent à ce dispositif. Au total, entre 2017 (16 M€) et 2023 (23,2 M€), les aides au pluralisme auront augmenté de +45 %.
Parallèlement, le fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse (FSEIP), créé en 2016, a atteint sa pleine maturité et intervient à travers trois dispositifs complémentaires : l’accompagnement des titres nouveaux par des bourses d’émergence, le soutien des programmes d’incubation tous médias confondus, ainsi que le lancement de programmes de recherche et développement dans le secteur. Il s’agit d’un changement notable de perspective puisque, désormais, l’action des pouvoirs publics ne vise plus seulement à préserver les conditions existantes du pluralisme, mais également à le renforcer en favorisant le développement de nouveaux titres.
L’accès de nos concitoyens à une presse pluraliste sur l’ensemble du territoire et dans de bonnes conditions constitue un enjeu démocratique de premier plan. Dans un contexte d’attrition des volumes de presse distribués, un changement de modèle du transport de la presse apparaissait nécessaire. Une mission sur la distribution de la presse confiée à M. Emmanuel Giannesini, conseiller maître à la Cour des comptes, puis une vaste concertation avec l’ensemble des acteurs de la filière, ont permis d’aboutir à un diagnostic partagé et à un scénario ambitieux, fondé sur deux objectifs : d’une part, la réduction du recours au postage pour l’envoi des quotidiens et des hebdomadaires, par l’incitation à se tourner vers le portage à domicile ; d’autre part, la stabilisation des tarifs postaux pour l’ensemble des titres de presse.
Un protocole d’accord entre l’État, la presse, La Poste et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) a été signé le 14 février 2022, autour des axes suivants :
l’instauration d’une grille tarifaire unique : les publications se verront dorénavant appliquer le tarif de service public de droit commun, soit le tarif dit « CPPAP », actualisé de la valeur de l’inflation majorée de +1 % sur toute la période 2022-2026 ;
la suppression de l’aide au portage sous sa forme actuelle et la création d’une aide à l’exemplaire réservée aux titres d’information politique et générale (IPG), autrefois bénéficiaires d’un tarif postal privilégié. Cette aide est scindée en deux parties : i) une aide à l’exemplaire « posté », qui neutralise le surcoût pour les éditeurs, engendré par le passage au tarif unique sur les années 2021-2023, cette aide étant ensuite dégressive dans les zones dites « denses » dans lesquelles le recours au portage est une alternative crédible, et ii) et une aide à l’exemplaire « porté », calculée de sorte à créer une véritable incitation pour les titres à recourir au portage. Une évaluation doit être menée trois ans après l’entrée en vigueur de la réforme afin de pouvoir mesurer le développement effectif du portage et la diversification des réseaux, ainsi que l’impact de la diminution de l’aide à l’exemplaire posté en zone dense à partir de 2024 ;
le maintien d’une aide directe aux réseaux de portage jusqu’en 2024, afin d’inciter ceux-ci à s’ouvrir au portage pour compte de tiers ;
la régulation, en lien avec l’Arcep, de l’activité de portage de presse qui passera, dans un premier temps, par la signature d’un protocole avec les réseaux de portage et un conventionnement qui conditionnera les aides reçues ;
la création d’un Observatoire de la qualité de la distribution de la presse abonnée, couvrant à la fois le postage et le portage, réunissant les représentants de la presse et de La Poste.
Cette réforme majeure du transport de la presse, qui couvre la période 2022-2026, dont l’entrée en vigueur était initialement prévue au 1er janvier 2022, doit être mise en œuvre à la fin de l’année 2022, sous réserve de l’accord de la Commission européenne à qui elle a été notifiée.
Par ailleurs, l’État continue d’apporter son concours à la distribution au numéro des quotidiens d’information politique et générale (IPG) et de soutenir la restructuration industrielle indispensable à la pérennité du secteur. Créée en juillet 2020, la société France Messagerie a repris la majeure partie des activités de la principale messagerie de presse, Presstalis, après sa faillite la même année. L’année 2023, qui voit l’aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale reconduite à son niveau exceptionnel de 27,85 M€, doit être l’occasion de dresser un bilan des actions entreprises pour garantir la continuité de la distribution de la presse sur l’ensemble du territoire mais aussi de s’interroger sur son modèle économique et sur le partage des coûts entre les pouvoirs publics et les entreprises de presse.
Le Gouvernement a également mis en œuvre depuis 2017 un plan global et ambitieux de soutien aux marchands de presse, incluant l’accès des diffuseurs aux crédits de l’Institut de financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), la généralisation de l’exonération de contribution économique territoriale pour les marchands de presse indépendants et spécialistes et le renforcement de l’aide à la modernisation des diffuseurs, dont la dotation a été portée à 6 M€ en 2017 (montant maintenu depuis).
Figurent également au sein du programme 180 les crédits consacrés par l’État à l’Agence France-Presse (AFP). Figurant parmi les trois grandes agences de presse mondiales, l’AFP représente à la fois un vecteur du rayonnement international de la France et un rempart contre la désinformation, son indépendance et son expertise reconnues apportant le gage d’une information certifiée et de qualité. Après un soutien exceptionnellement renforcé en 2019 et 2020 pour accompagner son plan de transformation, l’État poursuit son effort au profit de l’agence, laquelle a par ailleurs conclu fin 2021 un ambitieux accord avec un des géants du numérique portant sur la rémunération des droits voisins. Les crédits à destination de l’AFP inscrits au PLF 2023 sont ainsi conformes à la trajectoire définie dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) 2019-2023. Le projet d’un nouveau COM 2024-2028 devra être élaboré courant 2023.
Outre l’existence de tarifs postaux spécifiques et bonifiés, les aides indirectes à la presse sont complétées par une série de dépenses fiscales. Les publications de presse sont assujetties au taux particulier (dit « super réduit ») de TVA de 2,1 % en métropole (1,05 % en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion). Ce dispositif fiscal a été étendu aux services de presse en ligne. 1 600 entreprises ont ainsi bénéficié du taux super réduit de TVA pour la presse (titres papier et en ligne) en 2019 (dernier chiffre connu). Son coût (imposition des publications de presse et des services de presse en ligne au taux de TVA de 2,1 % comparée à l’assujettissement au taux réduit de 5,5 %) a été réévalué à 155 M€ pour 2019, 140 M€ pour 2020 et 150 M€ pour 2021.
D’autres dépenses fiscales et sociales concourent par ailleurs au soutien du secteur de la presse, telles que l’exonération de contribution économique territoriale, l’exonération d’impôt sur le revenu de l’allocation pour frais d’emploi des journalistes, ou diverses exonérations de charges sociales. En mai 2021, un crédit d’impôt pour un premier abonnement à un titre de presse d’information politique et générale a été mis en place puis prorogé jusqu’au 31 décembre 2023. L’impact budgétaire de ce crédit d’impôt ne sera connu qu’en 2023.
Complémentaires de la presse écrite et des autres médias professionnels, les médias de proximité (publications, sites de presse en ligne, webtélés, webradios, etc.) non professionnels, citoyens et participatifs, contribuent de manière croissante à la vitalité du débat démocratique, en donnant la parole aux habitants des territoires, urbains et ruraux, et en favorisant son partage dans l’espace public. Le ministère de la Culture a décidé d’engager une politique volontariste et durable en leur faveur. La dotation du fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité inscrite au PLF 2023 est stable par rapport à la LFI 2022 (1,8 M€).
Les crédits du programme 180 « Presse et médias » apportent également un soutien à l’action des radios associatives locales par le biais du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER). Créé en 1982 comme un élément essentiel de la politique de libéralisation des ondes radiophoniques, ce fonds finance l’aide publique aux radios locales associatives accomplissant la mission de communication sociale de proximité que le législateur leur a confiée, tant dans l’hexagone qu’en outre-mer. L’objectif poursuivi par l’attribution de ces subventions est de contribuer à la pérennité d’un secteur radiophonique de proximité non concurrentiel qui participe au pluralisme, à l’équilibre du paysage radiophonique français et au maintien du lien social. En 2023, les crédits du FSER seront renforcés afin de faire face à l’augmentation constante du nombre de radios éligibles autorisées à émettre par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), en FM et en DAB+. La dotation est ainsi portée à 34,7 M€ en 2023 (+1,7 M€ ou +6,25 % en un an). Le Gouvernement souhaite ainsi favoriser le développement d’un dispositif qui a fait ses preuves, accompagner la diffusion numérique des radios associatives, et soutenir l’économie parfois fragile de ces acteurs qui contribuent de manière déterminante au pluralisme et à la cohésion sociale de proximité sur tout le territoire.
Par ailleurs, l’État a lancé en 2021 un appel à projets destiné aux autrices et auteurs de podcasts et de créations radiophoniques. Ce dispositif vise à accompagner les auteurs dans l’écriture ou la réécriture d’œuvres sonores originales, qu’il s’agisse de fictions, de documentaires ou de formats hybrides innovants. Face au succès rencontré par la première édition (113 projets d’écriture accompagnés), l’expérimentation a été reconduite en 2022. La création d’un Observatoire du podcast en 2022, sous l’égide du ministère de la Culture et de l’Arcom, devrait aussi permettre de disposer de données d’études sur l’économie du secteur. Des moyens supplémentaires (1,2 M€) sont inscrits en PLF 2023 pour poursuivre ce soutien au podcast.
Enfin, les crédits alloués à la radio franco-marocaine Médi1 par l’intermédiaire de la Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT), pour assurer la couverture des coûts salariaux des journalistes français travaillant à Médi1, sont maintenus en 2023.
[1] Dont 106 M€ pour les mesures d’urgence déployées en 2020 et 377 M€ pour les mesures plus structurelles mises en œuvre en 2021 et 2022, incluant les mesures financées dans le cadre du plan France relance, budgétées à hauteur de 140 M€ sur les deux années du plan.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Contribuer au développement de l'Agence France-Presse et à la qualité de sa gestion
Indicateur 1.1 : Développement de produits et de marchés à fort potentiel de croissance
Indicateur 1.2 : Croissance des charges
Objectif 2 : Veiller au maintien du pluralisme de la presse
Indicateur 2.1 : Diffusion de la presse
Objectif 3 : Améliorer le ciblage et l'efficacité des dispositifs d'aide
Indicateur 3.1 : Taux de portage de la presse d'abonnés
Indicateur 3.2 : Effet de levier des aides directes d'investissement à la presse
Indicateur 3.3 : Part de l'aide publique globale accordée à la presse d'information politique et générale
Objectif 4 : Soutenir les efforts des radios associatives dans leurs missions sociales de proximité
Indicateur 4.1 : Part des subventions sélectives au sein du Fonds de soutien à l'expression radiophonique