Jean-Benoît ALBERTINI |
Secrétaire général du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer |
Responsable du programme n° 354 : Administration territoriale de l'État |
Le programme 354, placé sous la responsabilité du secrétaire général du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, concentre plus de la moitié des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (AGTE) et finance les dépenses de fonctionnement, d’investissement des 74 000 agents qui composent le réseau de l’administration territoriale de l’État (ATE), couvrant les préfectures et sous-préfectures, les secrétariats généraux communs départementaux (SGC-D) et les secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR), les directions départementales interministérielles (DDI) et régionales métropolitaines et enfin les directions ultramarines. Le programme finance ainsi les dépenses de personnel des 30 000 agents des préfectures et sous-préfectures, des secrétariats généraux communs départementaux, des SGAR, ainsi que les emplois de direction des DDI.
Ainsi que l’a souligné la Cour des comptes dans son rapport sur les effectifs de l’administration territoriale pour la période 2010-2020, l’effort conséquent demandé chaque année aux services déconcentrés de l’État depuis la mise en œuvre de la réorganisation de l’ATE en 2010 s’est traduit par la suppression cumulée de 14 % de l’effectif initial, soit 11 763 ETPT, et par une baisse d’une ampleur identique sur le seul périmètre des préfectures. Or, eu égard au nombre et à la diversité des crises auxquelles notre pays a été confronté ces dernières années, la consolidation et le renforcement de l’échelon départemental de l’État sont redevenus une priorité, que le projet de loi d’orientation et de programmation pour le ministère entend porter.
C’est pourquoi, en 2023, le montant des crédits du programme est fixé à 2 790,1 M€ en autorisations d’engagement et 2 578,9 M€ en crédits de paiement, soit +13,3 % et +6,9 % par rapport à 2022, dont 2 021,0 M€ (AE et CP) au titre de la masse salariale et 769,3 M€ en autorisations d’engagement et 558,2 M€ en crédits de paiement au titre des dépenses de fonctionnement et d’investissement.
Les moyens de l’ATE continueront ensuite à progresser, pour atteindre 2 672,5 M€ en AE et 2 620,1 M€ en CP en 2024 et 2 711,9 M€ en AE et 2 659,1 M€ en CP en 2025, soit une hausse sur l’ensemble de la période de 9,5 %.
Les années 2023-2025 verront parallèlement un renforcement durable des missions préfectorales les plus en tension, avec un schéma d’emplois de +210 ETP sur trois ans, dont +48 ETP en 2023, +110 ETP en 2024 et +52 ETP en 2025.
Cette évolution inédite traduit le renforcement de la capacité d’action de l’État sur le terrain souhaité par le Président de la République, mettant ainsi fin à plus de vingt ans de réduction systématique des effectifs départementaux, elle-même à l’origine d’une dégradation lente et profonde des liens entre l’État et les citoyens.
Afin d’accompagner ce mouvement, ont été diffusés en 2022, à l’issue d’une démarche qui a associé les services déconcentrés, deux documents stratégiques qui constituent le cadre d’action de l’ATE et des services soutenus par le programme pour les années 2022-2025.
Le premier définit les missions prioritaires des préfectures et sous-préfectures pour la période 2022-2025 (MPP 22-25), désormais au nombre de cinq ; MPP 22-25 constitue à cet égard pour les préfets une aide à l’amélioration de la qualité du service rendu, au développement de la relation de confiance avec les usagers et à l’allocation de leurs moyens ; ces missions sont (1) assurer le pilotage stratégique et opérationnel des crises et des politiques de sécurité, (2) conforter le rôle des préfectures en tant que garantes des libertés publiques et du respect de la loi, (3) accompagner les missions liées à l’entrée et au séjour des étrangers en France dans un contexte de dématérialisation des procédures, (4) renforcer le pilotage des politiques interministérielles pour fournir une expertise et un conseil adaptés aux acteurs du territoire et (5) élargir et diversifier les conditions d’accueil du public.
Le second porte le projet stratégique de l’administration territoriale de l’État pour la période 2022-2025 (PSATE), document commun à l’ensemble des ministères du périmètre de l’ATE et qui propose des pistes de réflexion et d’action pour une meilleure qualité de vie au travail ainsi qu’une cohérence et une complémentarité renforcées entre les organisations et les expertises qui concourent aux missions de l’État déconcentré.
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La stratégie du responsable du programme 354, qui découle des orientations de MPP 22-25, s’appuie sur la mobilisation de moyens exceptionnels par leur ampleur sur toute la période 2023-2027.
Accélérer le rythme de « réarmement » de l’État territorial à l’œuvre depuis 2021
Restituer à l’échelon départemental une véritable capacité d’action suppose non seulement de préserver ses effectifs mais aussi et surtout de les renforcer. Une première étape a été franchie en 2021 et 2022 avec la décision du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer de faire bénéficier l’ATE durant deux années consécutives d’une stabilité absolue des emplois portés par le programme 354, offrant ainsi aux services déconcentrés la visibilité nécessaire pour mettre en œuvre la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE).
A compter de 2023, les services dont l’activité constitue un enjeu majeur pour le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer bénéficieront de la création de 210 ETP en trois ans : instruction et délivrance des titres de séjour aux étrangers, lutte contre le séparatisme et la radicalisation, communication et gestion de crise, accueil des usagers sont quelques-unes des missions qui bénéficieront de ces moyens supplémentaires. Dans le cas particulier des services chargés des étrangers, 2023 et 2024 marqueront également la poursuite de l’engagement pris par ministre en juillet 2021 de faire bénéficier cette mission d’un plan de soutien triennal de 570 ETPT.
Conformément aux recommandations de la Cour des comptes dans son rapport sur l’évolution des effectifs de l’administration territoriale de l’État et sur le fondement d’un modèle d’allocation des moyens, un rééquilibrage de la répartition des emplois entre préfectures sera par ailleurs progressivement mis en œuvre, afin de prendre en compte la réalité des besoins de territoires exposés à des enjeux particuliers (Mayotte, Nord, Corse) ou ayant un taux d’administration dégradé (Landes, Manche, Pyrénées-Orientales, Tarn, Savoie, Eure-et-Loir, Dordogne, Charente, Deux-Sèvres).
L’amélioration de l’attractivité de tous les métiers de l’ATE, indispensable pour attirer et fidéliser les talents dont elle a besoin au quotidien, se poursuivra également avec la mise en œuvre d’une série de mesures catégorielles pour un total annuel de 10,4 M€.
Poursuivre les efforts de modernisation entrepris en 2018 (+184,2 M€ en AE et +24,8 M€ en CP en 2023)
La dernière programmation triennale, soutenue par le plan de relance, a permis d’améliorer substantiellement les conditions d’exercice des agents de l’ATE.
Des investissements consacrés à l’entretien lourd, au développement durable et à la sécurisation du patrimoine immobilier ont été consentis à un niveau élevé, que ce soit dans le cadre du programme national d’équipement des préfectures (près de 100 M€) ou d’un programme spécifique de financement d’opérations de sécurisation des installations (14 M€ sur la période 2018-2022). Les conséquences de la réforme de l’OTE ont par ailleurs fait l’objet d’une enveloppe immobilière spécifique (30,5 M€ sur la période 2020-2022) pour accélérer les projets de relocalisation et de regroupement des services concernés.
Les années 2019 à 2022 ont donné également à un niveau d’investissements nationaux exceptionnel pour le numérique de l’ATE – près de 90 M€ – afin de répondre au développement massif du travail à distance rendu nécessaire par la crise sanitaire, de faire converger et mettre à niveau les infrastructures départementales métropolitaines et ultramarines pour tirer les conséquences de la réforme de l’OTE et d’accompagner les services déconcentrés dans la conduite des chantiers numériques.
La programmation 2023-2027 vise à poursuivre dans la durée cet effort de modernisation, avec trois objectifs :
étendre le réseau des sous-préfectures et développer les espaces France Services en leur sein, pour une administration territoriale au plus près des Français ;
garantir la pérennité du patrimoine immobilier dans des conditions respectueuses de l’environnement et poursuivre la rationalisation des implantations immobilières de l’ATE : il s’agit non seulement de continuer à réaliser les travaux structurants et l’entretien lourd nécessaires à la valorisation du parc immobilier du ministère et à sa mise en conformité avec les règles de performance énergétique, mais aussi de permettre aux préfectures de disposer d’installations respectant les standards les plus élevés en matière de sécurité et de gestion de crise ;
poursuivre la modernisation des infrastructures et services numériques locaux : la modernisation permanente du socle informatique de l’ATE ainsi que celle des points d’accueil numérique des préfectures et sous-préfectures représente un enjeu stratégique fondamental pour le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, qui doit offrir à ses usagers un service public de qualité et à ses agents les technologies les plus récentes, propres à attirer les nouveaux talents.
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Evaluer l’impact de la démarche MPP 22-25 au regard des moyens mobilisés
Le volet performance du programme 354 permettra de rendre compte de la mise en œuvre des orientations de la démarche MPP 22-25, en définissant pour chacune des missions prioritaires des indicateurs représentatifs de la performance des services préfectoraux mais aussi de l’efficience de l’ATE dans son ensemble.
C’est pourquoi le volet performance 2023 présente une continuité avec 2022 de façon à mesurer sur un moyen terme la dynamique des actions menées par les services, tout en le complétant de nouveaux indicateurs de performance centrés sur les métiers à enjeux et en particulier celui lié à l’entrée et au séjour des étrangers en France, dont la performance sera mesurée au travers de trois délais de traitement de demandes (renouvellement de séjour, passeport talent et demande d’asile formulée auprès d’un guichet unique).
La mesure de l’efficience de l’ATE est quant à elle resserrée autour des trois indicateurs les plus significatifs et sur lesquels les actions de modernisation aujourd’hui en cours auront un impact : l’optimisation de l’occupation de l’immobilier de bureau, le taux de site en multi-occupation et le taux de véhicules mutualisés.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Assurer le pilotage stratégique et opérationnel des crises et des politiques de sécurité
Indicateur 1.1 : Nombre d'exercices réalisés avec activation du COD
Indicateur 1.2 : Taux d'exercices de sécurité civile réalisés sur les sites soumis à PPI
Indicateur 1.3 : Taux de respect de la périodicité des visites de contrôle obligatoires par la commission de sécurité des établissements recevant du public et d'immeubles de grande hauteur
Indicateur 1.4 : Taux de contrôle des armureries
Objectif 2 : Réaffirmer les préfectures en tant que garantes des libertés publiques et du respect de la loi
Indicateur 2.1 : Délais moyens d'instruction des titres
Indicateur 2.2 : Taux de dossiers de fraude documentaire et à l'identité détectés par les centres d'expertise et de ressources titres (CERT) pour la CNI, le passeport, le permis de conduire et le certificat d'immatriculation d'une part et les préfectures pour les titres de séjour d'autre part
Indicateur 2.3 : Taux d'actes transmis via le système d'information @CTES
Indicateur 2.4 : Taux de contrôle des actes des collectivités locales et établissements publics
Objectif 3 : Accompagner les missions liées à l'entrée et au séjour des étrangers en France dans un contexte de dématérialisation des procédures
Indicateur 3.1 : Délai de traitement des demandes de renouvellement de séjour
Indicateur 3.2 : Délai d'instruction des demandes de passeports talents
Indicateur 3.3 : Délai d'enregistrement des demandes d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile (GUDA)
Objectif 4 : Améliorer l'efficience de l'administration territoriale de l'État
Indicateur 4.1 : Optimisation de l'occupation de l'immobilier de bureau
Indicateur 4.2 : Taux de sites en multi-occupation sur le périmètre de l'ATE
Indicateur 4.3 : Taux de véhicules mutualisés entre au moins deux services de l'État sur le périmètre de l'ATE
Objectif 5 : Elargir et diversifier les conditions d'accueil du public
Indicateur 5.1 : Taux de connexions au site internet départemental de l'État
Indicateur 5.2 : Taux de préfectures certifiées ou labellisées sur le nouveau référentiel
Objectif 6 : Assurer la parité des emplois de la filière préfectorale et territoriale de l'État
Indicateur 6.1 : Taux de féminisation dans les primo-nominations