Général d'armée Thierry Burkhard |
Chef d'état-major des armées |
Responsable du programme n° 178 : Préparation et emploi des forces |
Le programme 178 « Préparation et emploi des forces » finance l’organisation, le fonctionnement, l’entraînement et l’engagement opérationnel des forces armées telles que décrites dans les lois de programmation militaire (LPM) 2019-2025 et 2024-2030. Placé sous la responsabilité du chef d’état-major des Armées (CEMA) au titre de ses attributions en matière de commandement des opérations militaires, de préparation opérationnelle, de soutien et de cohérence capacitaire, le programme P 178 constitue le cœur de la mission « Défense ».
L’année 2023 aura vu le conflit d’Ukraine accentuer des tendances globales déjà à l’œuvre : rivalités de puissance, désinhibition du rapport à la force, contestation du multilatéralisme, remise en cause de l’architecture de sécurité et intensification des stratégies irrégulières. Mais au-delà de cette guerre aux portes de l’Europe, de nombreux points de confrontations entre plusieurs compétiteurs ont de la même façon modifié les équilibres géopolitiques rendant difficile l’appréhension des évolutions à venir. En outre, des effets délétères sur la sécurité énergétique et alimentaire dans de nombreux pays ont également alimenté une inflation forte . Dans cet environnement instable, nos armées ont poursuivi leur adaptation permanente pour faire face aux menaces émergentes, dans tous les milieux et tous les champs, matériels comme immatériels.
2023, année charnière marquée par des crises éparses, des engagements opérationnels intenses et de nombreuses transformations.
L’année 2023 s’est inscrite dans la vision stratégique de la LPM 19-25. Ainsi des efforts de « réparation » se sont prolongés afin de renforcer les moyens des armées. Le domaine des soutiens, de l’entretien programmé du matériel (EPM), de la modernisation des équipements, de l’innovation et de la préparation au combat de haute-intensité ont notamment fait l’objet d’une attention budgétaire particulière. Dans un contexte de dégradation stratégique et économique, la ligne directrice a été de soutenir l’activité des forces et de poursuivre l’effort porté sur leur soutien organique.
Sur le plan opérationnel, les armées ont été déployées sur quatre principaux théâtres.
En Afrique tout d’abord, la reconfiguration du dispositif militaire s’est poursuivie, réorientant la mission au Sahel vers d’autres bases prépositionnées sur le continent africain dans un contexte délicat marqué par des coups d’état (Niger, Gabon). Cette nécessaire adaptation n’a pas empêché les armées d’intervenir avec rapidité et efficacité au Soudan, depuis le dispositif prépositionné.
Au Proche et Moyen-Orient en second lieu, les répercussions du conflit israélo-palestinien ont eu des conséquences humanitaires et sécuritaires profondes, qui ont pesé sur l’engagement des forces françaises au Liban, en Jordanie, en Méditerranée orientale et en mer Rouge.
A l’est de l’Europe ensuite, le rôle de nation-cadre de la France en Roumanie a impliqué le maintien d’un dispositif militaire robuste et crédible s’appuyant sur la base de Cincu, tout en réaffirmant sa présence en Estonie. L’ambition opérationnelle de SACEUR a nécessité des contributions régulières pour la police du ciel et le contrôle des espaces maritimes. En parallèle, les armées ont intensifié leur soutien aux forces armées ukrainiennes en conduisant des formations au combat terrestre, maritime et aérien, en France ou en Pologne, accompagnées de cessions d’équipements.
Sur le territoire national enfin, que ce soit dans le cadre de la sécurisation de la coupe du monde de Rugby ou l’activation d’unités en alerte dans le sillage de l’attaque du Hamas en octobre, la mission Sentinelle aura connu deux périodes de renforcement de sa posture dissuasive.
Au plan budgétaire, le bilan de la gestion 2023 se révèle très satisfaisant. Il convient toutefois de souligner que les conditions internationales et économiques ont nécessité une agilité budgétaire que le contexte de l’année 2024 imposera de reproduire, voire d’amplifier.
2023, une année qui a préfiguré nos réponses aux enjeux et défis des guerres à venir.
Pivot vers la nouvelle loi de programmation militaire 2024-2030, l’exercice budgétaire 2023 a confirmé que l’évolution rapide et continue de notre monde nous commande de rester flexibles, de développer une intelligence d’apprentissage constante, de rester informés et de cultiver des alliances solides avec nos partenaires.
L’année écoulée a montré que l’usage décomplexé de la force armée (Ukraine) combiné à des opérations d’influence (Afrique) caractérisera pour les années à venir les modalités d’action de nos compétiteurs. De même, l’emploi d’armes nouvelles (tels les drones aériens et navals au large du Yémen), la prolifération de systèmes anti-accès, la militarisation croissante de l’espace exo atmosphérique et la permanence de la menace cybernétique resteront les moyens d’action de nos adversaires.
Face à cela, les armées ont initié en 2023 une réorientation de leur stratégie selon trois axes d’effort tout en sanctuarisant un cœur de souveraineté reposant sur des capacités autonomes d’appréciation, de dissuasion nucléaire et de forces conventionnelles robustes.
Premièrement, le ministère des Armées devra participer au renforcement de la cohésion de la Nation. La réserve va progressivement devenir un pilier de la Défense avec une dynamique qui conduira au doublement des effectifs. Mais les armées devront également participer à la résilience de la société en concourant à la protection de la population en appui des forces de sécurité intérieure – durant les jeux olympiques et paralympiques de Paris – et en participant activement à l’écosystème national de cyberdéfense. En outre, partenaires majeures des industries de Défense, les armées doivent développer une stratégie de stocks (munition, rechanges, matériels) en adéquation avec les capacités de production actuelles.
En second lieu, le renforcement du flanc oriental de l’Europe a confirmé en 2023 le changement d’échelle de la conflictualité et la nécessité de promouvoir une solidarité stratégique. Ceci passera par un investissement renforcé au sein de l’OTAN et de l’UE, en s’affichant comme un partenaire crédible et solide, capable de commander une coalition dans une zone d’intérêt stratégique. En complément, et au regard des évolutions géopolitiques, les armées devront également réévaluer leurs partenariats bilatéraux en Europe, en Méditerranée, en zone Indopacifique et singulièrement en Afrique où la transformation du dispositif militaire s’est accéléré en 2023.
Enfin, disposer d’une armée crédible, préparée aux conflits les plus longs et les plus intenses, nécessitera de durcir les entraînements, de retrouver une épaisseur logistique tout en augmentant la réactivité globale de la chaîne de commandement. Afin de prendre l’ascendant sur nos adversaires dès les phases de compétition et de contestation, les armées devront gagner la bataille de l’influence et des perceptions, par des signalements stratégiques dans les milieux où se situent nos intérêts militaires et économiques. Puis, en dernier ressort, l’aptitude à vaincre notre ennemi dans un affrontement ouvert nécessitera de tirer profit de capacités permettant de lui infliger, d’emblée, des dommages élevés.
Ainsi, par son envergure, son ampleur et sa nature, l’exercice ORION conduit en 2023 par les armées est sans équivalent depuis plusieurs décennies. Outre l’intérêt d’entraîner états-majors et composantes au combat de haute intensité dans un environnement complexe, il a démontré la capacité de la France à s’engager en urgence et massivement pour s’opposer à une politique du fait accompli partout où elle l’estime nécessaire, en déployant une force crédible, et au besoin en assumant le rôle de nation-cadre d’une coalition.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Assurer la fonction stratégique connaissance-anticipation
Indicateur 1.1 : Taux de satisfaction de la fonction stratégique connaissance - anticipation
Objectif 2 : Assurer la fonction stratégique de prévention
Indicateur 2.1 : Efficacité du pré-positionnement des forces
Objectif 3 : Assurer la fonction stratégique de protection (sauvegarde)
Indicateur 3.1 : Taux de satisfaction des contrats opérationnels permettant d'assurer la fonction stratégique de protection
Objectif 4 : Assurer la fonction stratégique intervention
Indicateur 4.1 : Capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France
Indicateur 4.2 : Capacité à réaliser les contrats opérationnels permettant de gérer les crises
Objectif 5 : Assurer la préparation des forces dans les délais impartis pour permettre la montée en puissance maximale des capacités militaires prévues
Indicateur 5.1 : Niveau de réalisation des activités
Indicateur 5.2 : Disponibilité des matériels par rapport aux exigences des contrats opérationnels
Objectif 6 : Renforcer l'efficience du soutien
Indicateur 6.1 : Coût de la fonction « restauration-hébergement »
Indicateur 6.2 : Coût de la fonction maintien en condition opérationnelle par milieu
Indicateur 6.3 : Améliorer le soutien du combattant