Bertrand DUMONT |
Directeur général du Trésor |
Responsable du programme n° 336 : Dotation du Mécanisme européen de stabilité |
Précisions sur le changement de responsable du programme
Décret du 12 janvier 2024 portant nomination d’un directeur général à l’administration centrale du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique - M. DUMONT (Bertrand) - JORF n° 0010 du 13 janvier 2024
Ce programme, créé par la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, constitue le support de la contribution française au capital du Mécanisme européen de stabilité (MES), organisation internationale qui a son siège à Luxembourg.
CONTEXTE DE LA MISE EN PLACE DU MES
Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), régi par un accord-cadre signé le 7 juin 2010 par les États membres de la zone euro, a été mobilisé dans le cadre de trois programmes d’assistance financière, au bénéfice de trois pays entre 2010 et 2012 (l’Irlande pour 17,7 Md€, le Portugal pour 26,0 Md€ et la Grèce pour 130,9 Md€).
Le FESF a été créé en tant qu’institution temporaire. Le Conseil européen des 16 et 17 décembre 2010 a acté l’instauration d’un mécanisme permanent : le Mécanisme européen de stabilité (MES). Le traité instituant le MES est entré en vigueur le 27 septembre 2012 et le MES a été inauguré officiellement le 8 octobre 2012.
Le MES a pour but de mobiliser des ressources financières et de fournir un soutien à la stabilité de ses membres qui connaissent, ou risquent de connaître, de graves problèmes de financement, si cela est indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble ou de ses États membres. L’assistance financière apportée par le MES fait l’objet d’un protocole d’accord entre le MES et l’État membre concerné : en effet, les interventions du MES sont subordonnées à une stricte conditionnalité,
CAPITAL ET CAPACITÉ D’INTERVENTION
Le MES repose sur un capital souscrit par les États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro selon une clé de contribution fixée à l’annexe I du traité instituant le MES (légèrement supérieure à 20 % pour la France). A la suite de l’adhésion de la Croatie au 1er janvier 2023, le capital autorisé du MES est fixé à 708,5 Md€, et se compose de parts libérées (81,0 Md€) et de parts appelables (627,5 Md€). La souscription de la France au capital autorisé est de 142,3 Md€, dont 16,3 Md€ de parts libérées. Le MES dispose d’une capacité d’engagement de 500 Md€, dont 82,5 Md€ sont en cours d’utilisation au 31/12/2023 (cf. infra).
Les instruments d’assistance du MES disponibles sont :
une assistance financière à titre de précaution, sous la forme d’une ligne de crédit (« Precautionary conditioned credit line », PCCL, ou « Enhanced Conditions Credit Line », ECCL) assortie de conditions. L’instrument mis en place par le MES dans le cadre de la crise Covid‑19 (« Pandemic Crisis Support Instrument », PCS) s’inscrit dans ce cadre (il n’a pas été utilisé) ;
une assistance financière pour la recapitalisation d’institutions financières, sous forme de prêts à un État membre du MES, dans le but spécifique de recapitaliser des institutions financières de cet État membre ;
un accord de prêt ;
un soutien sur le marché primaire, via des achats de titres émis par un État membre du MES ;
un soutien sur le marché secondaire, via des achats de titres de dette d’un État membre du MES ;
un instrument de recapitalisation directe d’institutions financières qui vise à recapitaliser un bilan bancaire si le secteur privé ne parvient pas à y pourvoir et si le coût d’une telle prise en charge par l’État membre concerné constitue un risque pour la stabilité de ses finances publiques.
INTERVENTIONS DU MES
Au 31 décembre 2023, le MES est engagé dans le financement de trois programmes d’assistance financière, tous clôturés, au bénéfice de :
l’Espagne : encours de 41,3 Md€ dont 16,5 Md€ sont encore à rembourser (entre 2024 et 2027);
Chypre : encours de 6,3 Md€, dont la totalité reste à rembourser (remboursements prévus à compter de 2025) ;
la Grèce : au titre du troisième programme d’aide à la Grèce, l’encours déboursé est de 61,7 Md€ dont 2 Md€ ont été remboursés en 2017, soit 59,7 Md€ restant à rembourser (remboursements prévus à compter de 2034).
En août 2022, la Grèce est sortie du régime de surveillance renforcée, et est entrée dans le régime de surveillance post-programme, comme Chypre et l’Espagne. Cette surveillance post-programme semestrielle est menée par la Commission européenne et par la BCE. Les derniers rapports de surveillance post-programme, publiés à l’automne 2023, concluent à la capacité de ces trois pays à rembourser leurs prêts à court terme.
REVISION DU TRAITE INSTAURANT LE MES
Les chefs d’État se sont mis d’accord en décembre 2019 sur la révision du traité MES, qui acte deux réformes :
le renforcement de l’attractivité des lignes de crédit du MES à destination des États membres : le Memorandum of Understanding (MoU) est remplacé par une letter of intent pour les États aux fondamentaux économiques solides. Pour les États qui ne répondent pas aux critères, l’accès à la ligne de précaution du MES est inchangé, restant conditionné à un MoU ;
la création du filet de sécurité au Fonds de résolution unique (dit « backstop ») : ce nouvel instrument de gestion de crise doit permettre au MES de prêter jusqu’à 68 Md€ au Conseil de résolution unique (CRU) afin d’augmenter la capacité financière du CRU et ainsi d’augmenter la résilience et la crédibilité du cadre de résolution bancaire.
Le nouveau traité n’est pas encore entré en vigueur en raison des procédures nationales de ratification toujours en cours. Le Parlement italien a rejeté la ratification du traité révisé le 21 décembre 2023. Le traité n’entrera en vigueur qu’une fois que l’Italie aura ratifié le traité.
VERSEMENT PAR LA FRANCE DE SA SOUSCRIPTION AU CAPITAL APPELÉ DU MES
La souscription de la France aux parts libérées du capital autorisé du MES, d’un montant initial de 16,3 Md€, a été versée en cinq tranches de 3,3 Md€ chacune, versées entre octobre 2012 et avril 2014. Le capital du MES a été marginalement réajusté à la suite de l’adhésion de la Lettonie (en 2013) et de la Lituanie (en 2014), sans impact sur le capital libéré par la France. Ce capital libéré a varié de manière marginale à la suite de la fin de la période de transition de certains États membres fondateurs du MES, qui avaient bénéficié d’une correction de leur contribution au capital du MES durant douze ans à compter de leur date d’adoption de l’euro. Afin de doter rapidement le MES de l’ensemble de son capital, les autres États membres (dont la France) avaient contribué davantage au capital du MES. Le remboursement des avances a été effectué à la fin des périodes de transition, soit en janvier 2019 pour la Slovénie (versement reçu par la France de 7,2 M€), en janvier 2020 pour Malte (2,9 M€), en janvier 2021 pour la Slovaquie (27,6 M€) et en janvier 2023 pour l’Estonie (11,4 M€). Le capital libéré de la France est ainsi passé de 16,31 Md€ initialement à 16,26 Md€ au 31 décembre 2023.
AUTRES VERSEMENTS PAR LA FRANCE
En 2017, la dérogation permettant au MES de ne pas payer les intérêts liés aux taux d’intérêt négatifs appliqués à ses dépôts placés auprès de l’Eurosystème a été levée. Afin d’assurer la neutralité de ce placement sur le capital du MES, le Gouvernement français s’est engagé à procéder à la rétrocession au MES des intérêts perçus par la Banque de France, sous réserve que d’autres États prennent un engagement similaire.
Les intérêts rétrocédés par la France au MES se sont ainsi établis à 86,7 M€ au titre de l’exercice financier 2017, à 102,5 M€ au titre de 2018, à 98,0 M€ au titre de 2019 et à 62,4 M€ au titre de 2020.
En 2022 et 2023, si des crédits ont été ouverts en loi de finances initiale à hauteur de respectivement 57 M€ et 50 M€ afin de rétrocéder au MES les intérêts perçus au titre de 2021 et 2022 (notifiés par le MES à 54,3 M€ et 31,7 M€), aucune dépense n’est intervenue, en raison de l’application de la clause de réciprocité à la suite de la non-rétrocession par l’Allemagne. Les taux d’intérêt étant redevenus positifs à compter de l’été 2022, le MES n’a plus à payer des intérêts aux banques centrales et ce mécanisme de rétrocession n’a plus d’objet.
IMPACT DE LA CAPITALISATION DU MES SUR LA DETTE ET LE DÉFICIT DE LA FRANCE
Conformément à l’avis du comptable européen Eurostat en date du 7 avril 2011 et sous réserve de modifications ultérieures par le comptable national (Insee et Eurostat) de l’enregistrement comptable de ces opérations, l’impact sur les finances publiques de la contribution de la France au capital du MES est le suivant :
le versement des cinq tranches de la souscription de la France aux parts libérées du capital autorisé du MES (ainsi que les éventuels versements ultérieurs dès lors qu’ils n’auraient pas vocation à couvrir des pertes du MES) sont considérés comme des opérations financières au sens de la comptabilité nationale. De ce fait, ces versements (i) augmentent la dette brute au sens de Maastricht mais ont un effet neutre sur la dette nette et (ii) augmentent le déficit budgétaire mais pas le déficit public au sens de Maastricht ;
les éventuels versements ultérieurs, s’ils ont vocation à couvrir des pertes du MES, seront considérés comme des dépenses des administrations publiques en tant que transferts en capital. De ce fait, ces versements (i) augmenteront la dette brute au sens de Maastricht et la dette nette et (ii) augmenteront le déficit budgétaire ainsi que le déficit public au sens de Maastricht ;
le capital appelable non libéré est traité comme un passif contingent des États et n’a aucun impact sur les comptes de l’État s’il n’est pas appelé.
Enfin, la dette du MES, compte tenu de son importante capitalisation, n’est pas imputée aux États membres qui en sont actionnaires (seul le capital appelé a un impact sur la dette au sens de Maastricht, cf. supra).