Carine Chevrier |
Secrétaire générale du ministère de la justice |
Responsable du programme n° 101 : Accès au droit et à la justice |
La politique publique en matière d’accès au droit et à la justice doit permettre à toute personne qui le souhaite d’avoir connaissance de ses droits et de les faire valoir, quels que soient sa situation sociale ou son domicile. Elle concerne tous les domaines de la vie quotidienne (travail, logement, consommation, famille, etc.), que l’usager soit demandeur d’information, de diagnostic juridique ou d’aide aux démarches ou encore concerné par une action en justice ou un contentieux familial. Elle associe l’État, les professionnels du droit, le milieu associatif, les collectivités territoriales et est tournée prioritairement vers les personnes pour lesquelles l’accès au droit et à la justice est le moins aisé. Le programme 101 finance ses quatre composantes : l’aide juridictionnelle, l’accès à la connaissance de ses droits, l’aide aux victimes d’infractions pénales, la médiation familiale et les espaces de rencontre parent(s) / enfant(s).
Le budget du programme 101 s’élèvera à 734,2 millions d’euros en 2024, contre 714,0 millions ouverts par la loi de finances initiale (LFI) pour 2023.
Fondée sur la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l’aide juridique, l’aide juridictionnelle représente un volet essentiel de la politique d’accès au droit et à la justice tant par les objectifs qu’elle poursuit (accès à la justice des personnes aux ressources modestes) que par son poids budgétaire. Elle s’adresse principalement aux personnes dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir ou garantir leurs droits en justice. Elle consiste en la prise en charge par l’État de tout ou partie des frais relatifs à un procès (rétribution d’un avocat ou d’un commissaire de justice, frais d’expertise, etc.) ou à une procédure pénale (rétribution d’un avocat intervenant lors d’une garde à vue, d’une audition libre, d’une présentation devant le procureur de la République, etc.).
Les crédits budgétaires consacrés à l’aide juridictionnelle s’élèveront en 2024 à 657,1 millions d’euros, soit une progression annuelle de 16,1 millions (+2,5 %). Cette augmentation prend en compte :
– la hausse tendancielle de la dépense résultant des diverses réformes qui sont intervenues depuis plusieurs années et dont les effets financiers sont progressifs (revalorisation de l’unité de valeur servant au calcul de la rétribution des avocats de 12,5 % sur deux ans en 2021 et 2022, hausse de la rétribution versée lors de certains contentieux, réforme de la justice pénale des mineurs, création des conventions locales relatives à l’aide juridique – CLAJ –, revalorisation de 50 % en 2023 des forfaits versées à d’autres auxiliaires, etc.),
– les relèvements successifs des plafonds d’admission à l’aide juridictionnelle,
– la croissance régulière du nombre de gardes à vue et d’auditions libres,
– la prochaine revalorisation des interventions réalisées à l’occasion d’un mode alternatif de règlement des différends (0,6 M€), afin que l’aide juridictionnelle participe au développement de la politique de l’amiable engagé par le garde des Sceaux,
– la prise en charge à venir des frais de déplacements des avocats du barreau de Cayenne (70 k€),
– la future extension du dispositif des CLAJ à la Nouvelle-Calédonie (40 k€).
L’expérimentation lancée en 2023 dans le ressort de trois cours d’appel livrera ses enseignements sur l’utilité de regrouper les bureaux d’aide juridictionnelle d’une même cour.
Enfin, en 2024 le dispositif de recouvrement des rétributions qui ont été versées sera mis en place auprès du justiciable, lors d’un certain nombre de contentieux ou de procédures judiciaires, sans un examen préalable des conditions d’éligibilité à l’aide juridictionnelle (dispositif dit de l’aide juridictionnelle « garantie »).
Le système d’information de l’aide juridictionnelle (SIAJ), dont le déploiement dans les tribunaux judiciaires de France métropolitaine est achevé, entrera en service en 2024 dans les juridictions judiciaires d’Outre-mer. D’ores et déjà, le SIAJ permet de simplifier et dématérialiser de bout en bout le traitement de l’aide juridictionnelle au sein des juridictions et offre au justiciable un site internet lui permettant de déposer et de suivre sa demande d’aide juridictionnelle. Il recevra en 2024 de nouvelles fonctionnalités.
En hausse annuelle de 1,4 million d’euros (+9,6 %), le budget de l’accès au droit s’élèvera en 2024 à 16,1 millions, dont 2,3 millions pour la part contributive du ministère de la justice au fonds national France services.
L’accès au droit est mis en œuvre par les 104 conseils départementaux de l’accès au droit (CDAD) et conseils de l’accès au droit (CAD). Groupements d’intérêt public et référents locaux de l’accès au droit, ceux-ci financent et organisent dans des point-justice des permanences d’accès au droit, gratuites pour le public et tenues par le personnel permanent des CDAD, par des professionnels du droit ou par des associations. Les subventions que l’État leur accordera en 2024 augmenteront de 9,2 % par rapport à 2023. Le 31 décembre 2022, on dénombrait 2 685 point-justice, dont 148 maisons de justice et du droit (MJD). Les MJD sont des établissements judiciaires de proximité, couvrant l’ensemble du territoire et l’ensemble des publics ; elles sont généralistes ou spécialisées, c’est-à-dire adaptées à un type de public particulier (jeunes, détenus, étrangers, femmes victimes de violences conjugales, personnes âgées, agriculteurs, etc.).
En 2024, l’État poursuivra la démarche d’optimisation du maillage territorial des lieux d’accès au droit. Tout d’abord, les CDAD seront incités à poursuivre l’ouverture de point-justice dans les France services. Ils devront également continuer à développer un maillage adapté aux besoins de leur territoire, en s’appuyant notamment sur des dispositifs itinérants ou en utilisant la visioconférence. Enfin, de nouvelles maisons de justice et du droit seront ouvertes.
L’aide aux victimes est coordonnée par le ministre de la Justice, auprès duquel est placée la déléguée interministérielle à l’aide aux victimes. Principal élément du dispositif, l’aide aux victimes d’infractions pénales a pour objectif d’améliorer la prise en charge pluridisciplinaire des personnes s’estimant victimes d’infractions, tout au long de leur parcours judiciaire jusqu’à leur indemnisation. Il s’agit de leur offrir, le plus rapidement possible après les faits ou leur révélation, un accompagnement juridique, psychologique et social gratuit et confidentiel et de faciliter leurs démarches d’indemnisation.
La mise en œuvre de cette politique publique repose essentiellement sur un réseau d’environ 190 associations locales qui sont subventionnées par les cours d’appel et qui reçoivent les victimes, évaluent leurs besoins, les soutiennent sur les plans psychologique et juridique, et les accompagnent dans leurs démarches. Elles tiennent des permanences dans leurs locaux, dans des commissariats, des gendarmeries, des hôpitaux ou encore des point-justice. Les deux types d’agréments ministériels prévus par le code de procédure pénale (généraliste ou spécifique aux victimes de violences sexuelles ou sexistes) sont des outils au service de la professionnalisation des associations d’aide aux victimes ; ils permettent également une meilleure identification par les justiciables. Les associations bénéficiant de l’agrément généraliste tiennent en outre des permanences dans les bureaux d’aide aux victimes (BAV) implantés dans les tribunaux judiciaires. En 2022, l’ensemble des associations locales ont accompagné près de 374 000 victimes d’infractions pénales (+4 % par rapport à 2021).
Le programme 101 finance également deux dispositifs nationaux : le numéro national d’appel « 116 006 », qui délivre une première écoute et une orientation personnalisée aux victimes, quelles qu’elles soient, et le dispositif de téléprotection des personnes en grave danger dit « TGD », dont bénéficient les victimes de violences conjugales ou de viols (plus de 5 400 téléphones déployés en juillet 2023, contre 4 300 en juillet 2022). Il subventionne enfin des associations et organismes intervenant à une échelle nationale.
L’aide aux victimes d’infractions pénales bénéficiera en 2024 d’un budget de 46,5 millions d’euros, en hausse de 2 millions par rapport à la LFI 2023. Cette progression illustre la continuité de la politique gouvernementale en faveur des victimes, en particulier des plus vulnérables d’entre elles, comme les femmes victimes de violences et les mineurs. Le budget 2024 permettra notamment de renforcer l’accompagnement des femmes qui bénéficient d’un TGD ou dont le conjoint est porteur d’un bracelet anti-rapprochement (BAR).
Éléments majeurs pour résoudre des difficultés que peut rencontrer une part importante de la population, la médiation familiale et les espaces de rencontre parent(s)/enfant(s) constituent une réponse adaptée aux conflits susceptibles de se développer dans la sphère familiale. Ils contribuent à maintenir les liens familiaux malgré les séparations ou les divorces. Environ 310 structures offrent des prestations dans ces domaines. L’objectif de ce réseau est de favoriser un règlement apaisé des conflits familiaux (médiation familiale) et la préservation des liens entre un enfant et son ou ses parent(s) dans des situations où ces derniers ne peuvent l’accueillir à leur domicile (espaces de rencontre). Le ministère de la justice conduit cette politique de soutien à la parentalité en partenariat avec la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), dans le cadre d’une convention d’objectifs et de gestion (COG) entre l’État et la CNAF, qui a été renouvelée le 10 juillet 2023 pour la période 2023-2027.
En 2024, les crédits atteindront 14,5 millions d’euros, soit une progression de 0,8 million en un an (+5,9 %).
Les crédits alloués à la médiation familiale croissent de 0,4 million en un an afin de :
– faire face à la croissance régulière du nombre de médiations judiciaires ;
– poursuivre l’expérimentation que mènent actuellement plusieurs tribunaux judiciaires pour juger de l’intérêt de rendre obligatoire, avant la saisine du juge, une tentative de médiation familiale lors de certains différends familiaux (la COG 2023-2027 mentionne le financement de l’expérimentation) ;
– financer la possibilité ouverte au juge des enfants par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants de proposer à des parents une médiation familiale en lien avec une mesure d’assistance éducative qu’il a ordonnée.
Les subventions versées aux espaces de rencontre continueront également de progresser avec une augmentation de 0,4 million en un an. En effet, alors que 90 % des mesures mises en œuvre par les espaces de rencontre résultent d’une décision judiciaire et que le nombre de telles décisions croît régulièrement, l’État entend que le délai entre la décision du juge et la première rencontre entre parent et enfant soit le plus court possible.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Favoriser l'accès de tous au droit et à la justice
Indicateur 1.1 : Délai de traitement des demandes d'aide juridictionnelle après réception d'un dossier complet
Indicateur 1.2 : Part des demandes d'aide juridictionnelle déposées et traitées par voie dématérialisée
Indicateur 1.3 : Part de la population à moins de 30 minutes d'un point justice ou d'un espace de rencontre
Objectif 2 : Garantir l'efficience du dispositif d'aide juridictionnelle
Indicateur 2.1 : Coût de traitement d'une décision d'aide juridictionnelle
Indicateur 2.2 : Taux de mise en recouvrement des frais avancés par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle
Objectif 3 : Améliorer l'accompagnement des victimes d'infraction(s)
Indicateur 3.1 : Taux de prise en charge des victimes d'infractions pénales