Emmanuel MOULIN |
Directeur général du Trésor |
Responsable du programme n° 852 : Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France |
Le programme 852 est une composante de la politique transversale d’aide publique au développement (APD) de la France, dont l’objectif principal est de réduire la pauvreté et de participer à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD) adoptés lors du Sommet spécial des Nations Unies sur le développement durable en septembre 2015. Plus largement, les orientations de la politique d’APD de la France s’inscrivent dans le cadre des principes applicables au financement du développement au niveau international, et notamment du Programme d’action d’Addis-Abeba adopté en juillet 2015.
Le programme 852 est cohérent avec les principes mentionnés dans la partie « dette et soutenabilité de la dette » du programme d’Addis-Abeba. Il permet d’octroyer des restructurations de dette aux pays à faible revenu (PFR) et à revenu intermédiaire (PRI), qui rencontrent des difficultés pour honorer leurs engagements financiers et/ou dont l’endettement n’est plus viable. En redonnant des marges de manœuvre financières aux pays en difficulté, le programme 852 contribue au rétablissement de la stabilité macroéconomique de ces pays et à la mise en place des conditions de la croissance.
Dans la très grande majorité des cas, les traitements de dette mis en œuvre par la France sont négociés et décidés dans le cadre du Club de Paris, qui est un groupe informel de vingt-deux pays créanciers dont la présidence et le secrétariat sont assurés par la France depuis 1956. Le Club de Paris a pour objectif de remédier de manière ordonnée et transparente aux problèmes de surendettement des pays en développement, grâce à une coordination approfondie entre créanciers, en relation étroite avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Les termes des restructurations décidés en Club de Paris sont ensuite transcrits par chaque pays membre dans des accords bilatéraux.
Depuis plus de 20 ans, la majorité des restructurations de dette octroyées par la France l’ont été dans le cadre de l’initiative Pays pauvres très endettés (PPTE). L’initiative PPTE a été lancée en 1996, au sommet du G7 de Lyon. Cette action coordonnée de la communauté financière internationale visait à réduire à un niveau viable la dette externe des pays les plus pauvres et les plus fragiles, dans un contexte de crise profonde de l’endettement des pays en développement. S’agissant des créances bilatérales, à partir de 1999, le traitement PPTE renforcé (ou termes de Cologne) a consisté (i) à annuler 90 % des créances APD et à rééchelonner le reliquat sur 23 ans dont 6 de grâce et (ii) à rééchelonner les créances non-APD sur 40 ans dont 16 de grâce. À ce jour, sur les 39 pays éligibles, 36 ont atteint le point d’achèvement, c’est-à-dire qu’ils ont mené le processus à son terme. Sur les trois pays restants, la Somalie devrait atteindre le point d’achèvement fin 2023. L’accord conclu entre le Club de Paris et le Soudan en juillet 2021 a été mis en suspens en attendant une normalisation de la situation politique. Aucun calendrier n’est acté concernant l’Érythrée.
Depuis 2003, les pays dont la dette n’est pas viable mais qui ne sont pas éligibles à l’initiative PPTE, sont traités conformément à l’approche dite d’Évian. Cette dernière consiste à accorder un traitement au cas par cas, en fonction du besoin du pays, sur la base de l’analyse de la viabilité de la dette du FMI et de la Banque mondiale. Ce traitement peut comporter une partie d’annulation si nécessaire. Il peut consister soit en un traitement de flux (traitement du service de la dette sur une période donnée pour les pays rencontrant des problèmes de liquidité), soit en un traitement de stock (traitement du stock de dette pré-date butoir pour les pays rencontrant des problèmes de solvabilité), éventuellement précédé par un traitement de flux. Le dernier traitement de dette accordé par le Club de Paris selon les termes d’Évian a été en faveur du Suriname, au titre d’un accord conclu en juin 2022. La France a signé l’accord bilatéral formalisant cette restructuration en octobre 2022. Elle consiste en un rééchelonnement des arriérés et de toutes les échéances arrivant à maturité pendant la période du programme FMI. Les créances d’APD seront remboursées sur une période de 20 ans (dont 7 ans de grâce) et les créances non APD sur 15 ans (dont 8 ans de grâce). Les arriérés doivent être remboursés en deux versements en 2022 et 2024. Si le Suriname respecte tous les engagements pris au titre de l’accord de restructuration, en particulier la comparabilité de traitement et la poursuite de politiques macroéconomiques compatibles avec la viabilité de la dette du pays à long terme, les créanciers du Club de Paris se sont engagés à rééchelonner toutes les échéances en capital arrivant à maturité à partir de janvier 2025. Si cette clause venait à être activée, la nouvelle maturité proposée serait de 17 ans (y compris un délai de grâce de 4 ans) pour les créances APD et de 12 ans (y compris un délai de grâce de 5 ans) pour les créances non APD.
Dans le contexte de la crise de la Covid‑19, les membres du G20 et du Club de Paris ont décidé conjointement, en avril 2020, de proposer à 73 PFR éligibles, une suspension de leur service de la dette pour les aider à faire face à d’éventuels problèmes de liquidité (court terme). Prolongée à deux reprises, en janvier et en avril 2021, l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) a été mise en œuvre entre le 1er mai 2020 et le 31 décembre 2021. Dans le prolongement de cette initiative temporaire, le « Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’ISSD » (dit « Cadre commun ») a été adopté par les membres du Club de Paris et du G20 en novembre 2020, afin de répondre aux problèmes de viabilité de la dette de ces pays. Le Cadre commun vise à instaurer un modèle de restructuration des dettes élargi aux pays du G20 non membres du Club de Paris. À ce stade, 4 pays ont émis une demande officielle pour bénéficier d’une restructuration au titre du Cadre commun : l’Éthiopie, le Ghana, le Tchad et la Zambie. S’agissant du Tchad, l’amélioration temporaire de la situation économique et financière du pays ne nécessite plus d’effort à court terme de la part des créanciers du Club de Paris. Les paramètres principaux d’un accord de restructuration pour la Zambie ont été agréés en juin 2023, permettant l’approbation par le FMI de la deuxième revue du programme en cours de mise en œuvre. L’enjeu est désormais d’accélérer la mise en œuvre du Cadre commun, pour traduire en accords de restructurations concrets les sollicitations des PFR en difficulté. Il va aussi consister, pour ces mêmes créanciers, à trouver un mode de coordination original pour les pays qui ne sont pas éligibles au Cadre commun, mais dont la situation requiert un traitement, à l’exemple du Sri Lanka actuellement.
Récapitulation des objectifs et des indicateurs de performance
Objectif 1 : Participer au rétablissement de la stabilité macroéconomique et à la création des conditions de la croissance des pays en développement
Indicateur 1.1 : Pourcentage de pays dont la soutenabilité de la dette a été rétablie par l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés