Budget 2025 : une loi spéciale pour une situation exceptionnelle
Devant l’impossibilité de voter un budget avant le 1er janvier 2025, le Gouvernement a présenté un projet de loi spéciale visant à assurer la continuité de la vie nationale et le fonctionnement régulier des services publics en 2025, dans l’attente de l’adoption de la loi de finances de l’année.
Cette loi, qui ne remplace pas le budget, permet de gérer une situation provisoire jusqu’à l’adoption de la loi de finances en 2025. Son périmètre est strictement circonscrit : elle autorise la perception des impôts et des ressources publiques nécessaires au financement des dépenses publiques essentielles.
Contenu de la loi spéciale
La loi spéciale contient trois articles nécessaires à la continuité de la vie nationale et au fonctionnement des services publics, au fonctionnement régulier de l’État, des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale.
L’article premier de la loi spéciale autorise l’État à percevoir les impôts existants. Cette mesure garantit le financement de l’État, des collectivités territoriales et des organismes publics. Elle permet également le prélèvement des recettes destinées aux collectivités territoriales (PSR-CT) et à l’Union européenne (PSR-UE).
Le deuxième et troisième articles autorisent l’État et des organismes de sécurité sociale à emprunter. Ces dispositions permettent de sécuriser les opérations de financement nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale jusqu’à l’adoption de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Processus législatif et parlementaire : loi d’urgence
Le 10 décembre, le Conseil d’État a rendu un avis relatif à l’interprétation de l’article 45 de la LOLF, qui permet au Gouvernement de déposer un projet de loi spéciale au Parlement en l’absence de possibilité de promulguer un projet de loi de finances avant le 31 décembre de l’année.
Présenté en Conseil des ministres le 11 décembre, le projet de loi a été adopté à l’Assemblée nationale lundi 16 décembre (481 votes pour ; 0 contre) modifié par trois amendements.
Le texte voté :
- autorise l’État à percevoir les impôts et reconduit les prélèvements sur les recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne (article 1) (sans modification) ;
- précise les montants évaluatifs des prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales en reprenant le niveau de la LFI 2024 (article additionnel nouveau) ;
- autorise l’État à emprunter en 2025 (amendement rédactionnel précisant cette limite temporelle) (article 2) ;
- autorise les organismes de sécurité sociale à emprunter en 2025 (amendement rédactionnel précisant cette limite temporelle) (article 3).
Le 18 décembre, le projet de loi a été adopté au Sénat (345 voix pour ; 0 voix contre).
Ce projet de loi est donc définitivement adopté par le Parlement.
Un décret complète la loi spéciale
Une fois la loi promulguée, le Gouvernement a pris un décret ouvrant les crédits nécessaires pour les services votés, conformément à l’article 47 de la Constitution (décret n° 2024-1253 du 30 décembre 2024 portant répartition des crédits relatifs aux services votés pour 2025 publié au Journal officiel du 31 décembre 2024). Ce décret vise à couvrir les besoins des missions et programmes budgétaires pour démarrer la gestion 2025, avec des ouvertures de crédits dans la limite de ce que prévoyait la loi de finances pour 2024.
Les discussions relatives au budget 2025 se poursuivent au 1er trimestre 2025.
Deux circulaires précisent la loi
Une première circulaire interministérielle publiée le 12 décembre 2024 signée par le Premier ministre explicite la mise en place d'une régulation budgétaire renforcée et d'une réserve républicaine.
Une circulaire du 30 décembre 2024 précise les modalités de mise à disposition des ressources et de consommation en crédits et en emplois, pour l’État et les organismes publics nationaux et opérateurs financés par l’État.
Gestion budgétaire en période de services votés
La direction du Budget, en lien avec l'ensemble du réseau de contrôle budgétaire et les ministères, participe à la mise en œuvre des services votés.
- Aucune dépense nouvelle ne sera mise en oeuvre, hormis en cas d'urgence nationale nécessitant une action immédiate, et les dépenses discrétionnaires pouvant être suspendues le seront ;
- Un blocage des crédits a été mis en place dès l'ouverture de la gestion pour limiter la consommation aux dépenses strictement nécessaires à la continuité des services publics ;
- Le régime des services votés s'applique aux dépenses des organismes financés par subvention de l’État ou taxe affectée ;
Les commissions de finances des Assemblées sont informées régulièrement des dépenses engagées.
Motion de censure et conséquences sur le budget 2025
Le 4 décembre 2024, l’Assemblée nationale a adopté une motion de censure, en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution à la suite de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur les conclusions de la commission mixte paritaire du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025.
Conformément à l'article 50 de la Constitution, le Premier ministre a remis au Président de la République la démission du Gouvernement le 5 décembre.
De fait, le projet de loi de finances pour 2025 ne peut être examiné et adopté de façon définitive par le Parlement dans des délais compatibles avec la promulgation de la loi avant le début du prochain exercice.
La Constitution (article 47, alinéa 4) et la LOLF (article 45) ne prévoient pas explicitement la procédure à suivre dans l’hypothèse où un Gouvernement serait censuré dans un calendrier ne lui permettant pas de mener à son terme l’examen au Parlement du projet de loi de finances d’une année donnée avant le début de celle-ci.
Toutefois, la jurisprudence du Conseil constitutionnel (décision n° 79-111 DC du 30 décembre 1979, Loi autorisant le Gouvernement à continuer à percevoir en 1980 les impôts et taxes existants) prise à l’occasion de l’examen de la loi autorisant le Gouvernement à continuer à percevoir en 1980 les impôts et taxes existants permet de considérer qu’il est possible d’adopter une loi spéciale lorsqu’il apparaît comme certain non seulement qu’une loi de finances ne pourra pas être adoptée avant le début d’année prochaine, mais également que le Gouvernement ne sera pas en mesure de demander à l’Assemblée nationale, avant le 11 décembre de l’année qui précède le début de l’exercice, d’émettre un vote séparé sur l’ensemble de la première partie de la loi de finances de l’année.
En effet, le Conseil constitutionnel a considéré « qu’il appartient, de toute évidence, au Parlement et au Gouvernement, dans la sphère de leurs compétences respectives, de prendre toutes les mesures d’ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale ; qu’ils doivent pour ce faire, s’inspirer des règles prévues, en cas de dépôt tardif du projet de loi de finances, par la Constitution et par l’ordonnance portant loi organique, en ce qui concerne tant les ressources que la répartition des crédits et des autorisations relatifs aux services votés ».
Ainsi, les articles 47 alinéa 4 de la Constitution et 45 de la LOLF prévoient que le Gouvernement doit déposer avant le 19 décembre de l’année qui précède le début de l’exercice, devant l’Assemblée nationale, un projet de loi spéciale l’autorisant à continuer à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la loi de finances de l’année. Ce projet est discuté selon la procédure accélérée. Le 5° de l’article 1 de la LOLF confère à cette loi spéciale le caractère de loi de finances.
Sur le fondement de ces dispositions et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le Gouvernement présente à la représentation nationale le présent projet de loi spéciale visant à assurer la continuité de la vie nationale et le fonctionnement régulier des services publics en 2025, dans l’attente de l’adoption de la loi de finances de l’année.