Repères

Grégoire TIROT

Grégoire TIROT, directeur des partenariats et des relations publiques de Meilleurs Agents

Le 03/12/2019

À l’honneur aujourd’hui de notre série « Portraits de budgétaires depuis 1919 », Grégoire TIROT, directeur des partenariats et des relations publiques de Meilleurs Agents.

Grégoire TIROT est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, titulaire d’un diplôme d’études approfondies (DEA) d’histoire grecque ancienne, et diplômé de l’Institut régional d’administration de Nantes. Il est également ancien élève de nationale d’administration (promotion « Jean Zay »). Grégoire TIROT rejoint la direction du Budget en 2006, en qualité de chargé de mission « financement des collectivités territoriales et décentralisation ». En 2008, toujours au sein de la DB, il exerce les fonctions de chargé de mission « suivi et financement de la politique de la famille ». En 2010, Grégoire TIROT rejoint comme conseiller technique « affaires budgétaires et politique de la famille » le cabinet du ministre du Travail, de la Solidarité et de la Fonction publique (Eric WOERTH). En 2011, il co-fonde l’ONG le Cercle National de Réflexion sur la Jeunesse (CNRJ). En 2017, Grégoire TIROT devient le directeur du cabinet du secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, chargé du Numérique (Mounir MAHJOUBI). À sa sortie de l’ENA en 2014, il rejoint l’inspection générale des finances. Depuis 2019, Grégoire TIROT est directeur des partenariats et des relations publiques de Meilleurs Agents.

 

La direction du Budget : « Pour vous, c’est quoi être budgétaire ? »

Grégoire TIROT : « Avant d’être budgétaire, le défi pour moi fut de « devenir » budgétaire après des études plutôt littéraires et peu centrées sur la maîtrise et la manipulation des chiffres. La première année fut une période d’apprentissage douloureuse, où j’appris le maniement d’Excel, la très grande rigueur qu’exige le métier de budgétaire, ainsi que des techniques de négociation dans des contextes durs et parfois conflictuels.

De mes quatre années passées à la DB (2006-2010, d’abord au bureau 5BCL, puis à 6BSI sous la houlette de l’excellent Alexandre KOUTCHOUK), je retiens qu’un budgétaire doit être à la fois :

• un technicien rigoureux et agile à la fois : il  doit savoir compter - soustraire plutôt qu’additionner - et manier le droit en toute circonstance.

• un créatif hyper réactif : il y a toujours des urgences à traiter et des dérapages budgétaires à contrôler, autant de situations qui obligent à trouver des solutions – souvent « contorsionnées », parfois élégantes, de temps en temps imposées aux forceps .

• un tacticien : il s’agit d’apprécier les rapports de force, de bien faire la distinction entre le souhaitable et le réalisable, et d’avoir toujours un plan B. C’est aussi la capacité à penser sa stratégie à moyen terme – 3 à 5 ans -, de ne pas être prisonnier de l’horizon annuel, pour se donner le temps de construire les étapes qui permettent d’atteindre les objectifs que l’on s’est fixés. Bref, un budgétaire est un peu comme un couteau suisse : généraliste multi-tâches -un concentré de compétences -, solide, efficace en toutes circonstances et sur tout terrain, et toujours affuté.

Mais ce combattant est avant tout au service d’une mission : tenir la trajectoire budgétaire votée par le Parlement et dont le Gouvernement est comptable devant les citoyens. Car le cœur de la mission de la DB est de défendre un usage raisonné et maîtrisé de la dépense publique, mais aussi de respecter nos engagements et d’assurer notre crédibilité financière vis-à-vis de nos partenaires européens.

Et un budgétaire ne l’oublie jamais. Une fois que l’on a été budgétaire, on le reste à vie, quels que soient les fonctions et les métiers que vous exercerez par la suite. La compréhension des chiffres et des dynamiques financières – grâce au décryptage des célèbres « déterminants de la dépense -, la rigueur, la capacité à négocier, l’appréhension des enjeux à 360° et la capacité à projeter sa stratégie de manière opérationnelle dans la durée sont des atouts qui font la différence. J’ai pu en faire le constat dans tous les contextes professionnels que j’ai rencontrés depuis mon départ de la DB (cabinets ministériels, IGF, start-up). »

La DB : « Quelle grande réforme, quelle politique publique à laquelle vous avez contribué vous laisse un souvenir marquant ? »

GT : « J’ai été marqué par la création du RSA (revenu de solidarité active) en 2009 à laquelle j’ai participé de près au sein du bureau 6BSI. En effet cette réforme alliait :

• une ambition politique forte portée et incarnée par Martin HIRSCH : réduire le phénomène de trappe à inactivité.

• des enjeux budgétaires et techniques d’une très grande complexité : fusion du RMI avec l’API - allocation parent isolée - allocation qu’il a fallu transférer de l’Etat à 100 départements, et compenser ; création du RSA activité, cumulable avec une reprise d’emploi, et à articuler avec le dispositif fiscale de prime pour l’emploi.

• une nouvelle méthodologie pour la mise en œuvre : avant son lancement, le RSA a été testé dans 34 départements en 2007 et 2008, et les résultats suivis et analysé par un comité scientifique, avant que ne soit prise la décision de généraliser le dispositif.

Malgré 10 ans de recul, je ne saurais dire si cette réforme a été un succès, car elle aboutit au fait qu’aujourd’hui les employeurs ont intégré l’idée que l’État se substitue à eux pour le versement d’une partie des salaires, - on est donc passé d’un problème de trappe à inactivité à une trappe à bas salaire, et à une accoutumance, de plus en plus coûteuse pour les finances publiques, du subventionnement public du bas de l’échelle des salaires -, mais cela a été une expérience passionnante et très stimulante. »

La DB : « Un regret, si c’était à refaire ? »

GT : « Mon grand regret est de ne pas avoir pu pousser une vision un peu différente de la manière d’appréhender l’évolution de nos finances publiques. M’étant intéressé à titre personnel aux inégalités entre générations (en résumé : des Baby-boomers ayant bénéficié à plein des Trente Glorieuses et ayant « sécurisé » leurs acquis, y compris en termes de bénéfice des ressources publiques ; de jeunes générations qui ont servi pour l’essentiel de variables d’ajustement), j’ai découvert la notion de « comptabilité générationnelle ».

Il s’agit d’une méthode de comptabilité développée dans les années 1990 par l’économiste américain Laurence J. KOTLIKOFF qui vise à prendre en compte les différences de traitement entre générations et à mesurer les conséquences de décisions budgétaires prises aujourd’hui sur les dépenses publiques sur les générations futures.

L’idée était d’être capable de mesurer le caractère juste ou injuste sur le plan intergénérationnel d’une décision mobilisation des ressources publiques. Cette grille de lecture me semblait d’autant plus pertinente pour compléter notre vision des finances publiques que nous sommes confrontés à la fois au vieillissement de notre société avec les départs massifs en retraite des générations des Baby-Boomers, ainsi qu’à un niveau de dette public qui n’est aujourd’hui soutenable que par la grâce des taux bas. Philippe JOSSE, alors directeur du Budget, m’avait donné son accord pour travailler ce sujet, mais j’ai quitté la DB rapidement après pour partir en cabinet. »

La DB : « Votre talent insoupçonné, votre passion, une expérience de vie insolite ? »

GT : « Mon sport favori : le volley-ball que je continue de pratiquer sous les couleurs de l’équipe de l’ATSCAF, qui est l’association sportive historique du ministère des finances. Ce qui me permet de revenir quasiment chaque semaine à Bercy ! »