
Jean-Paul MARCHETTI, ancien chef de service de la direction du Budget
À l’honneur aujourd’hui de notre série « Portraits de budgétaires depuis 1919 », Jean-Paul MARCHETTI, ancien chef de service de la direction du Budget, ancien directeur général adjoint de La Poste et ancien directeur général délégué de NATIXIS AM Group.
Ancien élève de l’École nationale polytechnique et de l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE), Jean-Paul MARCHETTI débute sa carrière administrative en 1974 au secrétariat général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) à la division programme, budget, contrôle. Il rejoint la direction du Budget en 1978, en qualité d’adjoint au chef du bureau Travail, Emploi et Formation professionnelle à la 6e sous-direction.
En 1980, Jean-Paul MARCHETTI devient chef du des bureaux PTT et Défense à la 5e sous-direction. De 1985 à 1992, il est successivement sous-directeur de la 2e sous-direction (Personnels civils et Militaires) puis sous-directeur de la 6e sous-direction chargée des comptes sociaux.
En 1992, Jean-Paul MARCHETTI exerce la fonction de chef de service, adjoint du directeur du Budget. En 1995, il rejoint le Groupe La Poste, en qualité de directeur général adjoint. En 1998, il devient membre du directoire, directeur Financier de CNP Assurances.
Il rejoint en 2004 NATIXIS AM Group en 2004, où il assume les fonctions de directeur général délégué – chief financial officer.
Depuis 2008, Jean-Paul MARCHETTI exerce des activités de conseil.
La direction du Budget : « Pour vous, c’est quoi être budgétaire ? »
Jean-Paul MARCHETTI : « Être budgétaire, c’est avant tout être au service de l’intérêt général en veillant à concilier un service public de qualité et une protection sociale de bon niveau avec la nécessaire maîtrise des prélèvements obligatoires et de l’endettement, gage de la compétitivité de notre économie. Au-delà du cadrage annuel des charges, le budgétaire doit donc veiller à améliorer l’efficacité des dépenses publiques avec une vision qui s’inscrit dans la durée.
Être budgétaire, c’est aussi savoir faire preuve de pédagogie et de compétence en ayant une connaissance des dossiers au moins aussi bonne que ses interlocuteurs afin d’être en mesure de les convaincre du bien-fondé des positions de la direction. Être budgétaire, c’est enfin avoir la persévérance de porter et défendre dans la durée des projets de réforme et avoir le courage d’aborder certaines questions considérées tabous par le conformisme administratif. »
La DB : « Quelle grande réforme, quelle politique publique à laquelle vous avez contribué vous laisse un souvenir marquant ? »
JP-M : « J’en citerai deux. Le premier, d’abord : la fin de l’indexation systématique du point Fonction Publique sur les prix.
Cette remise en cause définitive d’une politique suivie sans discontinuité pendant plusieurs décennies n’a pu être obtenue que par la prise en compte des mesures individuelles (le fameux « GVT ») dans les négociations salariales que la direction du Budget a réussi à imposer durablement après le blocage des prix et des salaires de 1982. Outre son impact sur la trajectoire des dépenses de Fonction Publique au sens large ( État, collectivités locales et hôpitaux), ce changement de politique a eu un effet d’entrainement sur le secteur privé à une époque où les négociations du secteur public donnaient encore le « la » aux négociations de branches ; il a ainsi contribué à créer un contexte favorable au redressement de la part des entreprises dans le partage de la valeur ajoutée, part qui n’avait cessé de se dégrader depuis le premier choc pétrolier au détriment de leur capacité d’investissement. Je garde rétrospectivement un excellent souvenir de cette période où nous avons dû avec Marie-Hélène BÉRARD faire preuve de conviction et de persévérance pour faire adopter cette nouvelle approche et surtout pour en empêcher la remise en cause.
L’autre sujet fort qui a marqué mon action au sein de la direction du Budget est la préparation du Livre Blanc sur les retraites de Michel ROCARD. Lors de sa rédaction, la direction du Budget a réussi à faire adopter une modification des règles de revalorisation des retraites qui s’est avérée déterminante pour l’évolution ultérieure des charges et de l’équilibre du régime général : le remplacement de l’indexation sur les salaires par l’indexation sur les prix. Les travaux interministériels préparatoires préconisaient seulement le remplacement de l’indexation sur les salaires bruts par une indexation sur les salaires nets, mesure qui n’aurait eu d’effet significatif qu’en cas de hausses importantes des cotisations salariés. Cette remise en cause du consensus administratif du moment n’a pu être obtenue que par une démarche active de la direction. Il a fallu démontrer, sur la base d’une analyse spécifique demandée à l’INSEE portant sur 20 ans de déclarations annuelles des salaires, que l’indexation des retraites sur le salaire moyen par tête n’était pas à même d’assurer la parité recherchée entre les évolutions de pouvoir d’achat des actifs et des retraités . Cet indice évolue en effet non seulement en fonction des augmentations de toute nature accordées aux salariés, mais aussi du fait de la modification de la structure par qualification de la population salariés, modification dont l’impact dans l’indice a été de l’ordre de 1% par an en moyenne sur de la période étudiée. »
La DB : « Un de vos regrets, si c’était à refaire ? »
JP-M : « Ne pas avoir réussi « à vendre » une transformation des régimes spéciaux en un dispositif à 3 étages (régime général, régime complémentaire et un régime chapeau spécifique à chaque régime spécial) assurant les mêmes prestations de retraite.
L’objectif de cette proposition de transformation était triple :
- Faire jouer naturellement la compensation démographique par la seule appartenance au même régime de base et mettre ainsi fin aux débats stériles sur les conventions à retenir pour le calcul de la compensation démographique.
- Organiser la transparence sur l’importance, longtemps relativisée, des avantages du régime des pensions de l’État par rapport au secteur privé en en donnant une lecture directe au travers du coût du régime chapeau associé.
- Et surtout, préparer la fin des régimes spéciaux en rendant possible, le moment venu, la mise en extinction progressive et au coup par coup de ces régimes chapeaux. Elle aurait également permis au passage la prise en compte des primes dans la retraite puisque les régimes général et complémentaire prennent en considération la rémunération globale sans distinction de ses composantes. »
La DB : « Votre talent insoupçonné, votre passion, une expérience de vie insolite ? »
JP-M : « Une expérience insolite ? Ma participation à l’éphémère équipe de foot du Budget qui a été très vite interdite, à juste titre, par la directrice en raison du nombre élevé de blessés après les matchs…»