Sophie MAHIEUX, ancienne directrice du Budget
À l’honneur aujourd’hui de notre série « Portraits de budgétaires depuis 1919 », Sophie MAHIEUX, ancienne directrice du Budget, actuelle directrice départementale des finances publiques du Val-d'Oise.
Titulaire d’une maîtrise de droit, licenciée ès lettres, Sophie MAHIEUX est diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris et ancienne élève de l’Ecole nationale d’administration (promotion « SOLIDARITE »).
À sa sortie de l’ENA, Sophie MAHIEUX rejoint la direction du Budget, et intègre le bureau « environnement - aménagement du territoire – logement - urbanisme ».
En 1987, elle est mise à la disposition du Contrôle d’État, au titre de la mobilité. En 1989, Sophie MAHIEUX devient conseillère technique au cabinet du ministre délégué auprès du ministre d’État, ministre de l’Économie, des Finances et du Budget, chargé du Budget (Michel CHARASSE). En 1991, elle rejoint le cabinet du Premier ministre (Edith CRESSON, puis Pierre BEREGOVOY) comme conseillère technique.
Elle retrouve la direction du Budget en 1993, et devient sous-directrice de la 3e sous-direction (Économie et Finance – Budget – Justice - Premier ministre - Éducation nationale - Jeunesse et Sports-Culture). En 1995, elle prend la tête de la 1re sous-direction du Budget (politique budgétaire et son exécution, synthèse budgétaire, développement du contrôle de gestion dans l’administration, modernisation et l’informatique).
En 2000, Sophie MAHIEUX devient directrice du cabinet du secrétaire d’État au Budget (Florence PARLY), et directrice adjointe du cabinet du ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie (Laurent FABIUS), chargée du pôle budget, fiscalité et gestion publique. De 2000 à 2002, Sophie MAHIEUX est directrice du Budget.
De 2003 à 2007, elle est payeur général du Trésor. De 2006 à 2007, elle exerce les fonctions de contrôleur budgétaire et comptable du ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique. En 2007, elle devient agent comptable de l’Établissement public national de financement des retraites de La Poste. De 2007 à 2013, elle dirige le service à compétence nationale, l’« Opérateur national de paye » (ONP).
De 2013 à 2016, Sophie MAHIEUX est directrice générale du Crédit municipal de Paris. Depuis 2016, Sophie MAHIEUX est directrice départementale des finances publiques du Val-d’Oise.
De 2007 à 2013, elle dirige le service à compétence nationale, l’« Opérateur national de paye » (ONP).
De 2013 à 2016, Sophie MAHIEUX est directrice générale du Crédit municipal de Paris.
Depuis 2016, Sophie MAHIEUX est directrice départementale des finances publiques du Val-d'Oise.
La direction du Budget : « Pour vous, c’est quoi être budgétaire ? »
Sophie MAHIEUX : « C’est appartenir à une communauté forgée par la production, plusieurs fois par an, d’objets supposant un haut niveau de compétences, un sens du collectif sans faille, des méthodes communes et un tempo toujours respecté.
C’est une discipline et une solidarité d’équipe dont l’expérience m’a démontrée qu’elles étaient rares et qui vous marquent à vie. C’est avoir un impératif catégorique de rigueur intellectuelle, le devoir de se conformer à un cadre juridique précis et néanmoins une grande liberté d’imagination, qui va du bricolage créatif à l’invention des nouveaux concepts ou outils dont on a besoin pour manier le réel. C’est tenir les deux bouts de la chaîne que sont d’une part la compréhension microéconomique de la fonction de production du service public, avec sa cadence de gestion, et d’autre part l’inscription des politiques publiques dans un cadre macroéconomique qui se déplie dans un horizon temporel à plusieurs plans. C’est avoir le privilège d’être impliqué de très près à un haut niveau d’analyse et de décision sur les politiques publiques. »
La DB : « Quelle grande réforme, quelle politique publique à laquelle vous avez contribué vous laisse un souvenir marquant ? »
SM : « Évidemment, c’est la production de la LOLF et la mise en place de sa mise en œuvre. Le Parlement avait créé l’opportunité de rééquilibrer le pouvoir financier en sa faveur, le Gouvernement avait un enjeu politique à l’aboutissement d’une réforme transpartisane.
C’est à la DB qu’il appartenait de mettre du contenu réellement novateur dans ce processus pour, en premier lieu, déverrouiller le cadre de la gestion publique, par la fongibilité asymétrique par exemple, mais aussi essayer de remettre en cohérence cadre d’autorisation et cadre de gestion, en sortant des titres et chapitres budgétaires au profit des missions et programmes, et enfin placer au cœur du débat budgétaire les résultats de l’action publique, en tentant un chaînage vertueux entre prévision et exécution, entre pluriannualité stratégique et annualité. J’en retiens trois temps forts : une soirée dans la bibliothèque de l’inspection avec les équipes pour dessiner notre proposition, une RIM à Matignon où les ministères appuyaient un projet de la DB promouvant leurs libertés face à une vision parlementaire plus « rétro », le lancement de la phase de mise en œuvre dans le grand auditorium PMF avec ce cri du cœur venu de la salle, « c’est un changement de culture ».
Mais c’est aussi notre première tentative de comptes publics intergénérationnels pour ancrer la stratégie de finances publiques dans une vision de long terme de la soutenabilité, aboutissement de travaux engagés avec la DP. Comme c’est enfin l’introduction des briques de budgétisation pour doter la vision pluriannuelle d’instruments plus adaptés. Le point commun de ces démarches, c’est la capacité des équipes de la DB à réinventer les outils de leur métier pour penser, décrire et faire décider sur les objets de notre temps. »
La DB : « Un de vos regrets, si c’était à refaire ? »
SM : « Plutôt un sentiment d’inachèvement et il me reste des axes de réflexions que j’aurais aimé explorer plus et mieux mais c’est le propre des structures vivantes de passer le relai aux générations suivantes pour qu’elles approfondissent, réorientent ou réinventent les problématiques si elles y voient utilité. Quatre me semblent importants. Mieux positionner dans le débat avec les parlementaires le partage de la fonction de production des politiques et services publics, pour réincarner l’autorisation et remettre un peu plus de microéconomie et moins de pensée magique dans la décision. Dans la gouvernance, le pouvoir délibérant et le management doivent l’un et l’autre tenir des deux bouts de la chaîne pour partager la compréhension des enjeux et des leviers d’action. Promouvoir une vision des résultats qui intègre les effets de système et de long terme car l’extrême ciblage des politiques publiques a des effets structurants in fine. Ils peuvent dans le champ social être ségrégatifs : en 40 ans d’aide à la personne et de conventionnement, on a créé de la ville non mixte avec toutes les conséquences qui s’y attachent. S’interroger sur l’émiettement de la fonction financière au sein de l’État et ses effets sur la bonne utilisation des différents outils à notre disposition, la cohérence des démarches et la pleine professionnalisation de ses acteurs. Reconnaître que pour assurer sa fonction financière « groupe », la DB a besoin de partenaires ministériels dotés d’une fonction financière forte et non pas faible. »
La DB : « Votre talent insoupçonné, votre passion, une expérience de vie insolite ? »
SM : « Question pertinente, car l’ouverture à l’altérité est nécessaire pour être et demeurer apte à accueillir et concevoir des points de vue différents et des solutions innovantes. L’ailleurs est indispensable pour retourner la carte et décentrer sa vision. Globalement, et pour s’autoriser un clin d’œil à Brecht, le plus essentiel « das ist Kultur ». Pour ne pas esquiver complètement la question, je dirais qu’un de mes ailleurs est l’apiculture. »